Le porte-avions HMS Prince of Wales et ses F-35 placé sous commandement OTAN

HMS Prince of Wales

Le HMS Prince of Wales et ses F-35B passent sous commandement OTAN en Méditerranée, marquant un tournant pour la puissance aéronavale européenne.

En résumé

Le porte-avions britannique HMS Prince of Wales et son groupe aéronaval ont été placés, le 17 novembre, sous commandement direct de l’OTAN en Méditerranée. Cette décision, présentée par Londres comme une première européenne, intervient alors que le navire amiral de la Royal Navy revient d’un déploiement de huit mois en Indo-Pacifique dans le cadre de l’Operation Highmast, long de près de 26 000 milles nautiques (environ 48 000 km). À son bord, une aile embarquée record de 24 chasseurs F-35B Lightning II britanniques issus des 809 Naval Air Squadron et 617 Squadron, soit la plus forte concentration de F-35B jamais déployée sur un pont européen. L’intégration de ce Carrier Strike Group dans la structure de commandement de l’Alliance renforce la capacité de frappe aéronavale de l’OTAN sur le flanc sud, en complément du Charles de Gaulle français et des groupes américains. Elle traduit également le choix politique du Royaume-Uni de se positionner comme principal contributeur européen en matière de puissance aéronavale, dans un contexte de tensions persistantes avec la Russie, d’instabilité au Moyen-Orient et de montée en gamme des marines chinoise et russe.

Un porte-avions britannique placé sous commandement OTAN

L’annonce de John Healey, Defence Secretary, est claire : le HMS Prince of Wales et ses avions de chasse F-35B sont désormais engagés sous commandement OTAN, dans le cadre d’exercices de grande ampleur en Méditerranée. Selon les dépêches britanniques, il s’agit de la première fois qu’un porte-avions britannique moderne et son aile embarquée de cinquième génération sont formellement placés sous contrôle opérationnel direct de l’Alliance pour une période prolongée, et non pour un simple créneau d’exercice ponctuel.

Concrètement, le navire – long d’environ 280 m pour un déplacement de l’ordre de 65 000 tonnes à pleine charge – devient l’outil principal d’un dispositif aéronaval placé sous les ordres de l’un des commandements maritimes de l’OTAN, probablement le commandement maritime allié de Northwood ou celui de Naples selon les phases de l’exercice. Le pavillon britannique reste présent, mais les missions, les zones d’action et l’emploi des moyens sont planifiés et validés dans une chaîne OTAN.

Cette mise sous commandement survient dans la continuité d’un mouvement engagé dès 2022, lorsque le même navire avait déjà servi de navire de commandement pour une force maritime à haut niveau de préparation de l’OTAN. Mais la différence est d’échelle : il ne s’agit plus seulement d’un rôle de “navire QG”, mais d’une intégration complète d’un groupe aéronaval avec une aile de chasse de cinquième génération.

Le contexte géopolitique pèse lourd. Sur le flanc sud de l’Alliance, la guerre en Ukraine a renforcé l’attention portée aux approches maritimes de la Russie, tandis que la Méditerranée centrale et orientale restent un espace de frictions – présence navale russe en Syrie, crise en mer Noire, enjeux énergétiques. Disposer d’un porte-avions capable de générer des sorties quotidiennes de F-35B depuis la Méditerranée donne à l’OTAN un outil de pression militaire crédible, sans dépendre systématiquement d’un groupe aéronaval américain.

Côté britannique, l’argument est double. Vers l’extérieur, Londres montre qu’il n’est pas seulement un contributeur terrestre en Europe de l’Est, mais qu’il apporte une capacité souveraine de projection aéronavale au profit de l’Alliance. Vers l’intérieur, le gouvernement justifie le coût global des deux porte-avions – évalué à plus de 6 milliards de livres, hors F-35 – en démontrant qu’ils sont pleinement intégrés dans les plans de l’OTAN, et non cantonnés à un rôle symbolique.

Un groupe aéronaval centré sur 24 F-35B Lightning II

La décision intervient alors que le Carrier Strike Group britannique revient en Europe après cinq mois d’opérations en Indo-Pacifique, dans le cadre de l’Operation Highmast, qui doit durer environ huit mois au total. D’après les données communiquées par le Ministry of Defence, le déploiement a impliqué jusqu’à 4 000 militaires britanniques et une coopération avec une quarantaine de pays, sur près de 26 000 milles nautiques (environ 48 000 km) parcourus.

Au cœur de ce dispositif, l’aile aérienne embarquée atteint un seuil inédit : 24 chasseurs F-35B Lightning II britanniques sont actuellement déployés sur le HMS Prince of Wales, issus principalement des 809 Naval Air Squadron et 617 Squadron, avec un renfort de la 207 Squadron basée à RAF Marham pour la montée en puissance. C’est la plus forte concentration de F-35B jamais réunie sur un pont européen. À titre de comparaison, le déploiement de 2021 du HMS Queen Elizabeth combinait 18 F-35B, dont une partie fournie par les US Marines.

Cette masse critique change la nature du groupe aéronaval. Avec 24 F-35B, le porte-avions peut générer des sorties en vagues successives, combinant missions air-air, air-sol et de recueil de renseignement électronique, tout en gardant des appareils en alerte pour la défense aérienne. Dans une configuration typique, un F-35B embarqué peut couvrir des rayons d’action de plusieurs centaines de kilomètres à partir du navire, avec ravitaillement complémentaire si nécessaire, ce qui donne à l’OTAN une bulle de contrôle aérien et de frappe s’étendant sur une grande partie du bassin méditerranéen.

Techniquement, le F-35B apporte un saut qualitatif en matière de fusion de données et de furtivité. Le radar AESA, la capacité de recevoir et distribuer des informations via la liaison de données MADL ou Link 16 et l’intégration de capteurs optroniques permettent au navire et au groupe de surface de bénéficier d’une vue opérationnelle enrichie, bien au-delà de l’horizon radar classique. Pour l’OTAN, l’intérêt est évident : ces appareils peuvent servir de capteurs avancés, de relais de ciblage pour d’autres plateformes, y compris des systèmes de missiles de croisière ou des frégates équipées de missiles antiaériens longue portée.

Ce déploiement massif de F-35B a aussi une dimension industrielle. Chaque appareil coûte à l’achat autour de 90 à 100 millions de dollars (84 à 93 millions d’euros) selon les lots, et l’heure de vol est estimée à plusieurs dizaines de milliers d’euros. L’effort financier consenti pour armer le porte-avions britannique avec une aile souveraine, sans recours aux US Marines, est un signal direct envoyé à Washington : Londres entend rester un contributeur de premier plan, pas un simple “client” de capacités américaines.

HMS Prince of Wales

Une montée en puissance de la dissuasion aéronavale alliée

Placer le HMS Prince of Wales sous commandement OTAN avec une aile de 24 F-35B n’est pas une simple opération de communication. C’est un mouvement structurant pour la posture aéronavale de l’Alliance. Jusqu’ici, la capacité de frappe porte-avions de l’OTAN en Europe reposait principalement sur deux piliers : le groupe aéronaval français autour du Charles de Gaulle, équipé de Rafale M, et les déploiements ponctuels de groupements aéronavals américains.

Avec l’entrée en scène d’un porte-avions britannique pleinement opérationnel, l’OTAN peut, en théorie, disposer de deux groupes aéronavals européens de haut niveau, capables d’opérer de manière coordonnée ou en complément dans des théâtres distincts. La Méditerranée devient alors un espace où l’Alliance peut démontrer une permanence quasi continue de porte-avions, à même de couvrir le sud de l’Europe, le nord de l’Afrique et le Levant.

Le déploiement en Méditerranée s’inscrit dans un calendrier chargé : exercice Falcon Strike sous conduite italienne, entraînements conjoints avec les forces aériennes italienne, américaine et grecque, et poursuite des interactions avec les marines alliées dans le cadre de la fin d’Operation Highmast. Les F-35B embarqués devront démontrer leur capacité à travailler avec des F-35A italiens et des F-16 ou Rafale alliés, en partageant des données de ciblage en temps réel.

Derrière la rhétorique de la “dissuasion et de la stabilité”, le message adressé à Moscou est explicite. Dans un contexte où la Russie maintient une présence navale et aérienne en Méditerranée orientale, où la mer Noire reste militarisée, un Carrier Strike Group britannique sous drapeau OTAN complique les calculs stratégiques russes. Il augmente le coût potentiel d’une escalade en mer ou d’une démonstration de force contre un État membre.

Cette montée en puissance est aussi un test pour la cohésion européenne. Le Royaume-Uni, sorti de l’Union européenne, utilise l’OTAN comme cadre prioritaire de coopération de défense, tandis que l’Italie met en avant son rôle de nation-cadre en Méditerranée avec Falcon Strike. Pour Paris, habitué à jouer le rôle de “porte-avions européen” avec le Charles de Gaulle, l’arrivée d’un deuxième grand porte-avions allié pleinement intégré dans les plans de l’Alliance est à la fois un renfort et un rappel qu’aucun pays ne détient le monopole de la puissance aéronavale sur le continent.

Un choix politique assumé et des limites bien réelles

Présenter ce déploiement comme une “première européenne” n’est pas neutre. Le gouvernement britannique veut montrer que, malgré les contraintes budgétaires et les critiques sur l’état de préparation de la Royal Navy, il est capable de mettre à la mer un porte-avions britannique “fully mission ready”, chargé de F-35B et placé sous commandement OTAN sans l’ombre d’un doute sur sa crédibilité opérationnelle.

Il y a pourtant des limites que Londres ne cherche pas à mettre trop en avant. La flotte de surface britannique reste numériquement serrée : quelques destroyers Type 45 et frégates Type 23 ou Type 26 doivent assurer la défense aérienne, la lutte anti-sous-marine et l’escorte de ce groupe aéronaval dans des zones où la menace sous-marine russe n’est pas théorique. Le format de la Royal Navy ne permet pas de multiplier les groupes aéronavals simultanés : si le HMS Prince of Wales est en première ligne, HMS Queen Elizabeth est, par définition, moins disponible pour d’autres théâtres.

L’autre limite est humaine et logistique. Faire tourner 24 F-35B sur un déploiement de huit mois consomme des heures de vol, des cycles de maintenance et des équipages déjà fortement sollicités. La Lightning Force britannique n’est pas un puits sans fond : à court terme, ce type de démonstration renforce l’image, mais oblige ensuite à des périodes de régénération. C’est le prix d’une dissuasion crédible : montrer qu’on sait faire, au risque d’exposer aussi les tensions sur les ressources.

Politiquement, l’équipe au pouvoir assume une posture très atlantiste. Mettre le navire sous commandement OTAN, avec la présence affichée de John Healey et Yvette Cooper à bord à Naples, sert autant à rassurer les alliés qu’à envoyer un message interne : le Royaume-Uni n’est pas en retrait stratégique après l’Afghanistan ou les coupes budgétaires des années 2010. On peut juger cette communication nécessaire ou opportuniste, mais elle colle à un fond de réalité : sans engagement visible et durable, un outil aussi coûteux qu’un porte-avions britannique devient vite une cible de choix dans les arbitrages budgétaires.

Reste une question de fond, rarement abordée publiquement : jusqu’où l’OTAN est-elle prête à s’appuyer sur des capacités aéronavales pour gérer des crises politiques en Méditerranée ou au Moyen-Orient ? La présence du HMS Prince of Wales rend certaines options plus crédibles – frappes limitées, contrôle de l’espace aérien, protection de convois – mais elle augmente aussi le risque d’incident et de surenchère, dans un environnement déjà saturé d’acteurs armés.

L’intégration du porte-avions et de ses F-35B Lightning II dans le dispositif OTAN est donc moins un point d’arrivée qu’un révélateur. Elle montre ce que le Royaume-Uni peut encore apporter en termes de puissance navale, ce que l’Alliance peut coordonner techniquement, mais aussi les fragilités d’un modèle où quelques grandes plateformes concentrent l’essentiel de la capacité de frappe. Pour l’instant, Londres fait le pari que cette démonstration est nécessaire. Les prochaines années diront si l’Alliance, confrontée à des menaces multiples et diffuses, continuera de miser autant sur ces grands symboles flottants de la puissance aéronavale.

Sources

– Ministry of Defence (UK), « UK Carrier Strike Group returns to the Mediterranean », 5 novembre 2025.
– Royal Navy, « Largest number of F-35B jets ever assembled on Royal Navy aircraft carrier arrives for Med exercise », 6 novembre 2025.
– Army Recognition, « UK’s aircraft carrier HMS Prince of Wales leads largest F-35B stealth jet deployment in Europe », novembre 2025.
– PA / The Independent et reprises de presse, « British aircraft carrier to be placed under direct Nato command, Healey says », 16–17 novembre 2025.
– Forces News, « Bombs away: F-35B Lightnings aboard HMS Prince of Wales strike in the Indo-Pacific », 7 novembre 2025.
– Wikipedia, fiche « HMS Prince of Wales (R09) », sections caractéristiques et Operation Highmast 2025.

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