Su-34 : la Russie accélère sa production pour soutenir la guerre

Su-34 : la Russie accélère sa production pour soutenir la guerre

UAC et Rostec accélèrent les livraisons de Su-34 au VKS. Bilan: production, munitions planantes, pertes, effets en Ukraine et limites clés actuelles.

En résumé

Les usines russes livrent de nouveaux Su-34 aux VKS à un rythme présenté comme “régulier” par UAC et Rostec. Ces bombardiers d’appui long rayon d’action emportent des kits de guidage UMPK qui transforment des bombes lisses en munitions planantes à 60–80 km, limitant l’exposition aux défenses antiaériennes ukrainiennes. La plate-forme évolue (pods Sych, guerre électronique Khibiny) mais subit une attrition documentée. L’augmentation de cadence vise à soutenir l’effort en Ukraine et à compenser les pertes, sans résoudre les contraintes structurelles : dépendance au guidage satellite brouillable, menace sol-air mobile, et production sous sanctions. Les chiffres publics confirment plusieurs lots livrés en 2025 (avril, juillet, août) et un “mois record” cité par la direction d’UAC, tandis que des sources ouvertes recensent des destructions de Su-34 depuis 2022. L’effet militaire principal reste l’emploi massif de bombes planantes contre des cibles fixes et des lignes logistiques ; l’effet stratégique est plus nuancé : gains tactiques, coûts industriels, et vulnérabilités persistantes.

Le fait principal et la dynamique industrielle

Les communiqués officiels russes indiquent la livraison d’un “nouveau lot” de Su-34 aux VKS à plusieurs reprises en 2025. Les séquences observées montrent au moins trois vagues (avril, juillet, août), avec un accent sur la “régularité” des approvisionnements et un “mois record” déclaré par le directeur général d’UAC, Vadim Badekha. Ces annonces emploient un vocabulaire récurrent : essais sol/vol achevés en usine, réception formelle par les régiments, et montée en cadence “rythmée”. Le site de Rostec et l’agence TASS insistent sur la continuité de la production et l’exécution du programme d’État, sans préciser systématiquement le nombre d’appareils par lot — un indicateur classique d’opacité en période de conflit. Les reprises par des médias de défense confirment cette chronologie et suggèrent un objectif d’augmentation annuelle, cohérent avec l’effort industriel entrepris depuis 2022. Dans l’écosystème aéronautique russe, la chaîne principale de fabrication du Su-34 se trouve à Novossibirsk (NAPO), avec des modernisations incrémentales au fil des séries. En parallèle, UAC communique sur des gains d’efficacité industrielle et des arbitrages internes visant à produire davantage d’avions de combat malgré les contraintes de main-d’œuvre et de composants. Cette narration “cadence-capacité” sert un double but : rassurer la tutelle politico-militaire sur l’exécution du budget et signaler, vers l’extérieur, que la flotte tactique est maintenue en volume face à l’attrition. Pour un observateur, l’élément factuel demeure la récurrence des lots 2025 et l’affirmation d’un point haut mensuel, qui confirment une trajectoire de production soutenue, sans que l’on puisse inférer les totaux exacts livrés trimestre par trimestre.

Su-34 : la Russie accélère sa production pour soutenir la guerre

La fiche technique du Su-34 et les évolutions capacitaires

Le Su-34 est un biplace côte-à-côte dérivé de la famille Flanker, optimisé pour la pénétration à moyenne/longue distance et le tir de munitions guidées. Les données publiques situent la masse maximale au décollage autour de 44–45 t, la charge utile à environ 8 t sur 12 points d’emport, un plafond proche de 17 km, une vitesse maximale d’environ Mach 1,8 (≈ 1 900 km/h) et un rayon d’action de l’ordre de 1 000–1 100 km selon profil et charge, extensible par ravitaillement en vol. Le radar Sh-141/V004 offre cartographie au sol et suivi de terrain, avec des portées annoncées de l’ordre de 200–250 km sur grandes cibles de surface et ~120 km sur cibles de type chasseur. L’appareil emporte un canon GSh-30-1 de 30 mm et conserve une capacité air-air défensive (R-73/R-77), tout en priorisant l’air-sol : KAB-500/1500, Kh-29, Kh-31, Kh-35, Kh-59, ainsi que des FAB-500M-62 équipées de kits UMPK. Les évolutions récentes concernent l’intégration de pods de reconnaissance Sych (volets optique, radar, électronique) permettant de collecter du renseignement en temps réel sans sacrifier l’emport de bombes, et l’actualisation du système de guerre électronique Khibiny, destinée à compliquer l’acquisition par les radars d’engagement adverses. Sur le plan avionique, les standards produits depuis 2022–2024 intègrent des améliorations de liaisons de données et de compatibilité armements. Techniquement, le positionnement du Su-34 reste celui d’un “strike fighter” lourd : endurance, emport et robustesse de la cellule (cockpit blindé, morphologie à canards) pour porter des munitions lourdes à distance, sous menace sol-air, avec un profil de mission exigeant en navigation basse altitude et tir hors de portée des systèmes de défense.

L’emploi en Ukraine : les munitions planantes et l’effet tactique

Depuis 2023, le cœur de l’emploi opérationnel repose sur des FAB-500/1500 équipées de UMPK, kits conférant guidage par satellite et ailes repliables pour des portées typiques de 60 km (jusqu’à ~80 km selon profils). L’objectif est simple : frapper des dépôts, nœuds ferroviaires, positions fortifiées et points d’appui sans franchir la ligne de front à basse altitude. Cette méthode a été observée à grande échelle autour d’Avdiivka et d’autres secteurs, où la “pression” par bombes planantes a facilité des gains tactiques en neutralisant ouvrages et points durs. Les sources ukrainiennes mentionnent l’apparition d’une UMPB-5 à géométrie différente, signe d’un effort russe pour diversifier l’arsenal planant bon marché, tandis que des retours de terrain évoquent une baisse d’efficacité ponctuelle quand les contre-mesures brouillent le guidage satellite. L’effet militaire des bombes planantes est asymétrique : elles réduisent l’exposition des équipages mais reposent sur une chaîne GNSS vulnérable ; elles infligent des dégâts lourds à l’infrastructure, mais leur précision peut décroître sous brouillage, ce qui oblige parfois à multiplier les tirs pour saturer la zone visée. À l’échelle opérative, le Su-34 alterne missions de frappe et de reconnaissance tactique via pods Sych, intégrées dans des “paquets” mêlant brouillage, couverture air-air et frappes séquencées. C’est ici qu’on mesure le compromis russe : produire en volume des kits peu coûteux et soutenir une campagne de harcèlement à longue portée, en acceptant une efficacité variable selon la densité de défenses sol-air ukrainiennes et les capacités de guerre électronique adverses.

Les pertes, l’attrition et la réponse industrielle

Malgré ces adaptations, la flotte n’est pas à l’abri. Les pertes documentées par sources ouvertes indiquent plusieurs dizaines de Su-34 détruits ou endommagés depuis 2022, dont certains frappés à longue distance par des systèmes Patriot opérant en embuscade, ou lors d’attaques de drones sur bases. Ces constats ne suffisent pas à décrire l’ensemble des pertes, mais ils posent une réalité opérationnelle : la Russie doit livrer des lots réguliers pour compenser l’attrition et maintenir le taux de disponibilité. Côté industrie, UAC revendique une hausse de productivité et une optimisation de l’organisation pour “tenir” la commande d’État ; le discours est cohérent avec les annonces de “mois record” et la répétition des lots trimestriels. Pour l’analyste, trois conséquences se dégagent. Premièrement, la livraison répétée d’appareils ne change pas la vulnérabilité structurelle face aux défenses multicouches ; elle en amortit les effets, sans les annuler. Deuxièmement, la dépendance aux filières de composants sous sanctions complique toute montée en gamme rapide ; les modernisations incrémentales (pods, liaisons, brouillage) restent plausibles, une révolution capacitaire l’est moins. Troisièmement, la tactique de masse par munitions planantes garde un rendement tactique sur cibles fixes, mais peine à produire des effets décisifs sans supériorité aérienne et renseignement temps réel durable. En synthèse, la courbe “production-attrition” tourne à l’avantage de Moscou localement quand la défense adverse est saturée, et inversement quand l’ennemi combine mobilité sol-air, intelligence de capteurs et brouillage efficace.

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