
Donald Tusk et le général Grynkewich alertent : la Russie et la Chine pourraient être opérationnelles pour un conflit en Europe dès 2027.
Le Premier ministre polonais Donald Tusk annonce, après un entretien avec le général Alexus Grynkewich (chef de l’OTAN pour l’Europe), qu’à l’horizon 2027, des estimations américaines prévoient une mise en capacité opérationnelle de la Russie, appuyée par la Chine, susceptible de déboucher sur un conflit en Europe. Face à ce risque, la Pologne renforce ses capacités militaires, publie une nouvelle Stratégie nationale de sécurité, augmente son dépense de défense à 4,7 % du PIB en 2025 (objectif 5 % en 2026/2035) et prévoit l’entraînement annuel de 100 000 réservistes dès 2027. L’initiative inclut la mise en œuvre du programme Tarcza Wschód (« Bouclier de l’Est ») doté d’un budget de plus de 10 milliards de PLN (environ 2,3 Md €) pour fortifier la frontière orientale.
Contexte et origine de l’alerte
Donald Tusk rapporte que le général Alexus Grynkewich, récemment nommé commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), confirme les évaluations américaines selon lesquelles la Russie pourrait être prête pour une confrontation, notamment en 2027. Selon Grynkewich, les estimations suggèrent que la capacité opérationnelle russe, potentiellement coordonnée avec la Chine, pourrait se concrétiser dans les deux prochaines années.
Ce message intervient dans un contexte de tension grandissante depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 : Grynkewich a évoqué une fenêtre de préparation de seulement 18 mois pour les États-Unis et l’Union européenne face à un conflit global.
Cette alerte sert de base à la nouvelle Stratégie nationale de sécurité, approuvée par le Conseil des ministres de Pologne le même jour, et engage une série de mesures proactives centrées sur la préparation militaire et la stabilité intérieure.
Dépense de défense et renforcement militaire
La Pologne consacre 4,7 % de son PIB à la défense en 2025, ce qui en fait le premier pays de l’OTAN par rapport à cette part .
Le pays s’est engagé à atteindre 5 % dès 2026, conformément à l’Accord de La Haye au sommet de l’OTAN de juin 2025, selon lequel chaque État membre doit atteindre 5 % du PIB en dépenses de défense et sécurité d’ici 2035, avec un contrôle intermédiaire en 2029 .
La Pologne a obtenu une garantie de prêt américaine de 4 milliards de USD, en plus de plus de 11 milliards de prêts ou garanties déjà mobilisés, destinés aux acquisitions de systèmes comme Patriot, HIMARS, Abrams, Apache, et F‑35 .
Selon les données du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), en 2023 la Pologne dépensait déjà 4,15 % de son PIB, soit environ 38 milliards USD (≈ 35 Md €), et le budget prévu pour 2025, de PLN 186,6 Md (~48 Md USD), confirme cette trajectoire .
Programmes structurels et capacité de mobilisation
La réforme comprend l’initiative Tarcza Wschód (Bouclier de l’Est), dotée de plus de 10 Md PLN (≈ 2,3 Md €), pour fortifier une zone frontalière de 400 à 500 km avec la Biélorussie et l’enclave russe de Kaliningrad : barrières en béton, tours de surveillance, bunkers, systèmes anti‑drones et postes de détection électroniques intégrés à de l’IA pour surveillance et coordination automatique avec les forces armées alliées.
Un autre volet consiste à instituer dès 2027 une formation militaire annuelle de 100 000 volontaires, dans le cadre d’un objectif global de 500 000 soldats, dont réservistes, pour faire face à une éventuelle mobilisation de grande ampleur.
Le Homeland Defence Act de mars 2022 prévoit la hausse des effectifs actifs à ~300 000 personnels et l’investissement dans l’acquisition de 1 000 chars et 600 obusiers lourds .
Ces mesures techniques visent à combiner capacité matérielle, ressources humaines formées, et infrastructures de surveillance de pointe.
Évaluation des risques et stratégie de préparation
L’alerte de confrontation possible en 2027 repose sur l’hypothèse d’une coordination stratégique entre la Russie et la Chine, notamment un incident générateur comme une attaque contre Taiwan par Pékin, corrélée à une offensive russe : scénario envisagé en conférence par Grynkewich en Wiesbaden .
D’après Grynkewich, les menaces ne sont pas isolées : elles convergent et peuvent déboucher sur un conflit à deux fronts (Europe‑Asie).
L’analyse du CSIS note que la militarisation de l’économie russe (prévision de 6,3 % du PIB en dépenses de défense pour 2025) lui permettrait de maintenir un effort prolongé jusqu’à 2027 et au‑delà.

Plausibilité militaire d’une confrontation Russie-Europe à l’horizon 2027
D’un point de vue strictement militaire et technique, une confrontation directe Russie-Europe d’ici 2027 est certes plausible, mais apparaît peu probable sous la forme d’une guerre conventionnelle à grande échelle. Plusieurs éléments, chiffrés et vérifiables, viennent nuancer fortement ce scénario :
1. Capacité opérationnelle réelle de l’armée russe aujourd’hui
Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en février 2022, l’armée russe a enregistré des pertes matérielles et humaines importantes :
- Selon les estimations occidentales (OSINT, Ministère britannique de la Défense, SIPRI), la Russie aurait perdu plus de 3 200 chars de combat et environ 320 000 soldats (tués ou blessés graves) en date de juillet 2025.
- Ces pertes représentent une diminution significative des capacités opérationnelles russes. Même avec une économie militarisée, la Russie devra dépenser au moins 300 à 400 milliards d’euros pour simplement revenir à un niveau opérationnel comparable à celui de 2021, ce qui nécessiterait plusieurs années supplémentaires.
2. Contraintes économiques russes
Malgré l’augmentation du budget militaire russe à environ 6,3 % du PIB, cette situation économique reste très contrainte :
- En 2025, selon le FMI, le PIB russe atteint environ 1 700 milliards d’euros, inférieur à celui de la France (environ 2 900 milliards d’euros) ou de l’Allemagne (4 400 milliards d’euros).
- En termes absolus, le budget militaire russe (environ 107 milliards d’euros en 2024) reste inférieur à la somme des budgets militaires européens, dont l’ensemble dépasse les 300 milliards d’euros.
- De plus, les sanctions économiques européennes et américaines limitent fortement l’accès russe aux technologies critiques (semi-conducteurs, électronique militaire avancée), entravant fortement la reconstitution rapide d’un arsenal moderne et efficace.
3. La réalité des capacités européennes et de l’OTAN
En face, l’Europe (et l’OTAN dans son ensemble) a considérablement renforcé sa posture militaire depuis l’invasion de l’Ukraine :
- Les dépenses militaires européennes, en augmentation depuis 2022, atteignent aujourd’hui 1,6 % du PIB en moyenne, avec un objectif à terme de 3 à 5 %, porté notamment par la Pologne (4,7 % dès 2025), le Royaume-Uni (3,5 % dès 2024) et l’Allemagne (2 %).
- Les États-Unis maintiennent leur présence en Europe avec environ 100 000 militaires déployés, un engagement accru en Europe orientale (Pologne, Roumanie, pays baltes), et la livraison d’équipements avancés (chars Abrams, chasseurs F-35, systèmes antimissiles Patriot).
4. Capacité de mobilisation réelle russe
En termes humains, la Russie a tenté une mobilisation partielle dès septembre 2022 (300 000 hommes), avec un succès mitigé. Une mobilisation généralisée pour une confrontation en Europe serait très complexe :
- L’opinion publique russe, déjà réticente à une mobilisation partielle, montre des signes d’usure (selon le Centre Levada, 55 % de la population s’oppose désormais à l’intensification des opérations militaires).
- L’entraînement et l’équipement d’une armée massive (1 à 2 millions de soldats) exigeraient au moins 5 ans, selon les experts du RUSI (Royal United Services Institute), ce qui pousse la capacité réelle russe au-delà de 2027.
Scénario d’une coordination Russie-Chine à l’horizon 2027
Le scénario évoqué par le général Grynkewich concernant une coordination entre la Russie et la Chine demeure plausible sur le plan diplomatique et stratégique, mais militairement très complexe :
- La Chine, bien que militairement puissante (budget militaire estimé à 250 milliards d’euros par an), reste économiquement interdépendante avec l’Europe et les États-Unis (commerce extérieur annuel total dépassant 1 000 milliards d’euros avec l’UE seule).
- Un conflit direct à Taiwan est plausible (et constitue une inquiétude stratégique réelle), mais une coordination active entre Russie et Chine pour engager simultanément des conflits ouverts à Taiwan et en Europe reste improbable sur le plan logistique et stratégique.
- Une telle action créerait une coalition globale hostile (OTAN + Japon + Corée du Sud + Australie), imposant un coût géopolitique et économique massif à Pékin.
Conséquences réalistes et scénarios alternatifs probables
Même si une confrontation directe à grande échelle semble improbable à court terme, des scénarios alternatifs apparaissent nettement plus réalistes et préoccupants :
1. Guerre hybride à l’Est de l’Europe
Une continuation et intensification des tensions hybrides (attaques cybernétiques, sabotage d’infrastructures critiques, déstabilisation politique des États frontaliers comme la Pologne ou les pays baltes) est très plausible.
2. Intensification des tensions ponctuelles
Des affrontements militaires localisés, par exemple autour de Kaliningrad, dans les Pays baltes, ou encore des incidents en mer Noire, restent possibles.
3. Instabilité politique et économique prolongée en Europe
Le coût élevé du réarmement (passage de 2 % à potentiellement 5 % du PIB) imposerait une pression budgétaire considérable aux économies européennes déjà fragilisées par la crise économique actuelle.
Réaliste, mais peu probable en l’état
Le scénario évoqué par Grynkewich et Tusk d’une confrontation directe entre la Russie et l’Europe dès 2027 est techniquement plausible, mais demeure très improbable en raison des contraintes économiques, militaires, et humaines russes actuelles, et du renforcement continu de l’OTAN.
En revanche, le risque de conflits hybrides, incidents localisés, voire conflits limités reste élevé et réel. Dans ce cadre, la stratégie polonaise de préparation intense et d’investissement massif dans la défense apparaît pragmatique, justifiée, et cohérente avec une analyse réaliste des risques.
En clair, le scénario à retenir est celui d’un risque d’escalade régionalisée ou hybride plutôt qu’une confrontation généralisée de grande ampleur d’ici 2027.
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