L’US Air Force mise sur le Cessna 208B autonome pour valider le Reliable Autonomy System

L’US Air Force mise sur le Cessna 208B autonome pour valider le Reliable Autonomy System

Un contrat de 17,4 M$ équipe un Cessna 208B du Reliable Autonomy System pour valider l’intégration sûre des drones dans l’espace aérien civil et militaire.

En résumé

L’US Air Force a attribué un contrat de 17,4 M$ (environ 16,2 M€) pour acheter, intégrer et tester le Reliable Autonomy System sur un Cessna 208B. L’objectif opérationnel est clair : démontrer une autonomie certifiable, compatible avec les règles de la certification FAA, et transposable à d’autres plateformes. Le programme veut prouver qu’un cargo léger peut voler avec pilotage à distance, décoller, croiser et atterrir sous supervision humaine minimale, tout en respectant les exigences de détection et évitement. Le choix du Caravan tient à sa diffusion, à ses coûts et à son profil de mission. À terme, l’architecture pourrait soutenir des missions de logistique tactique, de relais capteurs et de desserte de bases avancées. L’industriel pressenti, Reliable Robotics, avance une approche « continuous autopilot » du roulage à l’atterrissage, couplée à un radar air-air pour le DAA. Le projet s’inscrit dans la stratégie AFWERX de maturation rapide des technologies critiques.

Le cadre du programme et la logique capacitaire

Le marché notifié couvre l’acquisition d’un 208B, l’intégration du système d’autonomie et une campagne d’essais de plusieurs mois, avec des vols de démonstration orientés logistique. Le périmètre vise à qualifier l’autonomie sur un avion certifié et largement opérée, condition indispensable pour convaincre régulateurs et états-majors que l’intégration UAS à grande échelle est faisable dans le National Airspace System. Les publications spécialisées et l’annonce industrielle évoquent une montée d’essais en 2026–2027, en cohérence avec les cycles d’essais et d’acceptation FAA déjà engagés par l’industriel.

Le montant de 17,4 M$ finance non seulement les capteurs, calculateurs et actionneurs, mais aussi la qualification logicielle et la sécurité de la liaison de commande-contrôle. Le budget reste modeste à l’échelle DoD, mais suffisant pour un démonstrateur représentatif. Le choix d’un avion à aile haute, train fixe, masse maximale au décollage d’environ 3,99 t et charge utile dépassant 1,3 t, assure une marge d’emport pour l’avionique et les redondances sans impacter le profil mission. Le modèle d’affaires cible ensuite des contrats de service ou de conversion flotte, via kits de rétrofit certifiés.

Le Reliable Autonomy System : architecture et fonctions clefs

Le Reliable Autonomy System se présente comme un « continuous autopilot » : l’automate reste engagé du roulage au parking. L’architecture comprend des calculateurs redondants, des chaînes capteurs multiples (GNSS/INS, altimétrie, radios, vision/radar selon configuration) et un canal détection et évitement apte à fournir des alertes « Remain Well Clear » et « Collision Avoidance » contre trafics coopératifs et non coopératifs. L’objectif est la conformité aux moyens de conformité FAA et la préparation d’un STC applicable aux cellules existantes.

Le volet DAA s’appuie sur un radar air-air dédié et sur la fusion avec les informations transpondeur. La fonction anticolllision ne suffit pas : l’appareil doit aussi anticiper les trajectoires conflictuelles, proposer des manœuvres au pilote à distance, voire les exécuter selon des règles prédéfinies. La société a communiqué sur des vols d’essai DAA et sur une feuille de route de qualification progressive, combinant simulation et vols réels pour prouver la couverture des cas limites.

Le Cessna 208B comme banc d’essai : raisons techniques et opérationnelles

Le Cessna 208B est répandu, rustique et tolérant, avec une avionique modernisable et des marges d’énergie suffisantes. Pour des missions cargo non pressurisées, sa vitesse de croisière modérée et sa distance de décollage courte conviennent aux terrains rustiques. Pour un programme d’autonomie, la stabilité de la plateforme simplifie la validation des lois de commande, l’intégration d’actionneurs sur commandes primaires et la re-certification des systèmes critiques. Les essais récents ont déjà montré la faisabilité d’un vol télé-opéré du taxi à l’atterrissage, jalon important pour basculer sur un mode « télé-piloté de supervision » plutôt que « man-in-the-loop permanent ».

Sur le plan sécurité, l’automatisation continue permet de verrouiller des protections : anti-décrochage, limites d’assiette, évitement terrain, gestion carburant et routes alternatives en cas de dégradation météo. L’enjeu est de prouver une sécurité opérationnelle au moins équivalente au pilotage classique, avec un niveau d’assurance logiciel (DO-178C) adapté aux fonctions critiques. L’industriel indique travailler avec la FAA sur la base de certification (G-1), les moyens de conformité et un plan de certification spécifique, acceptés depuis 2022–2023.

L’US Air Force mise sur le Cessna 208B autonome pour valider le Reliable Autonomy System

La certification FAA et l’intégration dans l’espace aérien civil

L’intégration de l’espace aérien exige la démonstration de l’équivalence de sécurité. Trois axes dominent : commande de vol autonome certifiable, DAA satisfaisant aux politiques Remain Well Clear, et liaison de commande-contrôle sécurisée et tolérante aux pannes. La FAA a accepté la base et le plan de certification de l’autopilote continu, ouvrant la voie aux STC cellule-spécifiques. Les essais s’enchaînent avec des vols de collecte de données DAA sur sites FAA et partenaires universitaires. La logique est incrémentale : d’abord cargo et trajets simples, puis complexification des environnements aériens, jusqu’à des opérations régulières en espace contrôlé.

Au-delà des règles techniques, l’opérateur doit s’aligner sur les volets opérationnels Part 135 (cargo) et démontrer des procédures de supervision : centre de contrôle, notation des risques, plan de contingence en cas de perte de liaison. Le retour d’expérience attendu sur le 208B doit appuyer une doctrine de déploiement : combien d’appareils par superviseur, quels niveaux d’autonomie par phase de vol, et quelle transition vers des profils mixtes (segments autonomes puis pilotés, ou inversement).

Les cas d’usage militaires : logistique agile et relais capteurs

Côté DoD, la valeur réside dans des liaisons logistiques dispersées et répétitives : pièces critiques, sang, munitions légères, capteurs. Un avion léger autonome décharge les équipages humains des lignes « lait » à risque moyen, libérant les équipages pour les missions complexes. Le 208B autonome peut opérer depuis des pistes sommaires, desservir des points avancés et boucler plusieurs rotations quotidiennes. Les schémas conceptuels incluent aussi le relais communications/ISR à moyenne altitude, l’appareil volant des patterns automatiques prédéfinis et tenant une station avec consommation réduite.

En contexte contesté, l’autonomie apporte une capacité de reconfiguration immédiate : re-planification en vol, déroutement automatique, évitement météo/menaces. La transposition sur d’autres cellules est un axe majeur : l’industriel met en avant une portabilité « agnostique cellule », ouvrant la porte à des conversions sur plateformes plus lourdes ou spécifiques du DoD. Ces perspectives expliquent l’implication d’AFWERX et la volonté de valider sur un cas réel rapidement.

Les bénéfices attendus : coûts, sécurité, rythme opérationnel

Le calcul économique est direct : moins de pilotes en ligne, plus d’heures d’utilisation par cellule, moins de vols annulés pour cause de disponibilité équipage. À coût d’achat identique, l’autonomie augmente la productivité par cellule. La sécurité opérationnelle est un second levier : l’automate réduit les erreurs humaines récurrentes (CFIT, perte de contrôle, charge de travail extrême). L’argumentaire présenté par l’industriel et repris par la presse spécialisée insiste sur l’objectif « safety-first » : l’autonomie continue doit d’abord éviter l’accident, avant d’optimiser le coût.

À court terme, l’US Air Force évalue la disponibilité technique, les procédures de supervision et les limites du DAA. À moyen terme, l’ambition est une certification FAA robuste ouvrant l’accès à l’espace aérien civil sans escorte, puis une montée en charge via des marchés de conversion pour flottes cargo gouvernementales ou contractées. Les annonces publiques évoquent explicitement une intégration « civil et militaire » du système, avec une architecture pensée pour passer du démonstrateur aux opérations régulières.

Les risques techniques et les verrous de maturité

Trois défis restent structurants. D’abord, la détection et évitement tout temps : brouillard, pluie, échos multiples dégradent la performance des capteurs. La fusion radar/optique/transpondeur doit prouver, statistiques à l’appui, son niveau de service en conditions réelles. Ensuite, la cybersécurité de la liaison et du calculateur : chiffrement, authentification mutuelle, résilience aux pertes de liaison. Enfin, la qualification « fail-operational » : continuer le vol en sécurité malgré la panne d’un calculateur ou d’un capteur critique, ce qui implique des redondances électriques, hydrauliques et logicielles. Les documents disponibles et déclarations FAA montrent une approche par paliers, combinant essais en simulateur et vols contrôlés.

Le facteur humain ne doit pas être sous-estimé : le pilotage à distance requiert formation et ergonomie adaptées, avec affichages synthétiques et gestion de plusieurs aéronefs par superviseur. Le dimensionnement des centres de contrôle décidera du véritable gain économique. L’autorité finale de décision (machine vs superviseur) devra être encadrée par des règles claires, surtout lors d’événements rares (trafic non coopératif, panne capteur combinée à météo dégradée).

La trajectoire industrielle : de la preuve à l’industrialisation

Reliable Robotics a obtenu l’acceptation FAA de la base et du plan de certification, réalisé des vols télé-opérés sur Cessna 172 puis 208B, et engagé des essais DAA avec radar air-air. La signature avec l’US Air Force crédibilise la feuille de route et accélère la mise au point sur un cas d’usage militaire. Si les essais sont concluants, l’étape suivante passera par un STC applicable au 208B puis par une extension à d’autres cellules. La portabilité de l’architecture est un argument central pour capter des contrats attendus de conversion, que ce soit au sein du DoD, d’agences fédérales ou d’opérateurs cargo régionaux sous Part 135.

À l’horizon de quelques années, la combinaison de coûts unitaires contenus, d’une certification FAA progressive et d’un retour d’expérience en opérations réelles pourrait faire basculer la logistique aérienne légère vers un modèle mixte : flottes converties pour les lignes régulières, cellules pilotées gardées pour les missions sensibles. La clé restera l’acceptabilité réglementaire et sociale, qui dépendra des statistiques sécurité et de la transparence des systèmes.

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