
Téhéran renforce ses capacités aériennes avec des J-10C chinois, concurrents des F-35, dans un contexte de tensions militaires régionales accrues.
Une décision stratégique après l’épreuve militaire de mai 2025
L’annonce de l’acquisition d’avions de chasse chinois J-10C par l’Iran, relayée le 1er juillet 2025 sur le réseau X par des sources proches du gouvernement de Téhéran, constitue une inflexion majeure de la posture militaire iranienne. Ce transfert d’équipements intervient moins de deux mois après la fin de la Guerre des 12 Jours, confrontation directe avec Israël ayant mis à rude épreuve la défense aérienne iranienne.
La livraison de ces avions de combat, conçus par Chengdu Aircraft Corporation, confirme l’intégration croissante de la République islamique dans l’axe technico-militaire sino-russe. L’Iran cherchait depuis plusieurs années à moderniser sa flotte vieillissante de MiG-29, F-4 et F-14, tous en état d’entretien limité. Le J-10C offre une solution intermédiaire entre capacités de supériorité aérienne, polyvalence et coût raisonnable.
Selon plusieurs sources indépendantes, entre 24 et 36 unités seraient concernées, pour un coût unitaire estimé à 65 millions d’euros, incluant une part de formation, de maintenance initiale et un lot de munitions. Ce montant reste inférieur à celui d’un Rafale (110 millions d’euros) ou d’un F-35A (environ 90 millions d’euros), tout en offrant une intégration complète de capteurs actifs AESA, liaison de données, guerre électronique et missiles air-air de moyenne portée.
Le contrat a été conclu directement entre le ministère iranien de la Défense et l’industriel chinois AVIC, dans un cadre bilatéral excluant toute supervision onusienne. Cette démarche confirme la volonté de Téhéran de contourner les régulations internationales tout en renforçant sa capacité offensive aérienne.
Un avion de chasse chinois techniquement adapté aux besoins iraniens
Le J-10C, version la plus récente du programme J-10, est conçu pour des missions multirôles avec des priorités données à la défense aérienne et à l’interception longue portée. Il est doté d’un radar AESA (Active Electronically Scanned Array), probablement basé sur la technologie KLJ-7A, capable de détecter une cible de 5 m² à plus de 200 kilomètres. Cette performance radar donne à l’Iran la capacité d’intercepter des appareils ennemis dans des scénarios de dissuasion régionale, notamment dans le Golfe persique et en mer Caspienne.
Le chasseur chinois dispose d’une cellule monoréacteur équipée d’un WS-10B, moteur national chinois équivalent au niveau de poussée d’un GE F110. Il permet une poussée de 13 200 kilogrammes en post-combustion, offrant un ratio poussée/poids proche de 1 à pleine charge. Sa vitesse maximale atteint Mach 2,2 à haute altitude.
Le J-10C peut embarquer jusqu’à 6 tonnes de munitions, réparties sur 11 points d’emport. Il est compatible avec les missiles PL-10 (guidage infrarouge courte portée) et PL-15 (guidage radar actif, portée supérieure à 180 km), deux armes jugées compétitives face aux AIM-120D ou Meteor. Sa suite de guerre électronique embarque un système de brouillage actif et un détecteur de menace électromagnétique couplé au radar AESA, conférant une certaine autonomie de survie dans des environnements contestés.
Dans le contexte iranien, ce type d’avion de combat offre une capacité de riposte aérienne efficace face aux incursions israéliennes ou aux patrouilles de drones MALE occidentaux. La topographie du pays, marquée par de longues distances entre les points stratégiques, nécessite un appareil autonome, à grand rayon d’action et résistant à l’interdiction électronique.

Une alliance militaire sino-iranienne consolidée
Au-delà de l’aspect technique, cette acquisition s’inscrit dans une coopération militaire croissante entre Pékin et Téhéran. Depuis 2021, les deux États ont signé un accord stratégique de 25 ans incluant des volets énergétiques, technologiques et militaires. Le volet aéronautique se concrétise désormais par des transferts d’équipements, de formation et, selon certaines sources, un projet d’assemblage local partiel à Ispahan ou Mehrabad.
Cette livraison renforce le message adressé aux États du Golfe et à Israël : l’Iran reste capable de maintenir une parité militaire régionale, même sous régime de sanctions. Pékin, de son côté, se positionne comme fournisseur alternatif fiable, capable de contourner les dispositifs de contrôle américain.
Les exercices conjoints sino-iraniens en mer d’Oman, en mars 2025, avaient déjà préparé le terrain à ce type de collaboration. L’acquisition du J-10C pourrait être suivie, à moyen terme, par la livraison de drones tactiques Wing Loong II, ou même d’un radar aéroporté de type KJ-500 pour compléter l’image opérationnelle aérienne.
Pékin y trouve aussi un intérêt stratégique : chaque vente à Téhéran constitue un levier pour tester en conditions réelles ses plateformes militaires contre des avions occidentaux (F-16, F-15, F-35) opérant dans les pays voisins. Pour l’armée chinoise, le théâtre moyen-oriental est un banc d’essai indirect, offrant un retour d’expérience précieux sur ses équipements.
Un équilibre aérien régional en recomposition
Le renforcement de l’aviation iranienne à travers l’acquisition du J-10C modifie l’équilibre opérationnel au Moyen-Orient. L’Israël, équipé de 36 F-35I Adir, conserve une supériorité technologique, notamment en furtivité, en réseau tactique et en capacité de frappe en profondeur. Toutefois, le J-10C introduit un facteur de saturation : en nombre suffisant, ces appareils peuvent compliquer la planification israélienne, en multipliant les axes de menace.
De plus, cette acquisition intervient dans un contexte où l’Inde et les Émirats arabes unis ont également commandé ou mis à niveau leurs flottes d’avions de chasse. Les Rafale indiens et français, bien que techniquement avancés, ne sont pas systématiquement déployés dans une logique d’interception offensive. L’arrivée du J-10C en Iran, combinée aux drones d’attaque Shahed et Mohajer, donne à l’armée iranienne une profondeur stratégique nouvelle, fondée sur la combinaison d’appareils pilotés et de plateformes autonomes.
Israël pourrait être contraint de réviser ses règles d’engagement aériennes dans l’espace syrien ou irakien, afin d’éviter toute confrontation directe avec un appareil chinois à la signature radar réduite et équipé de missiles longue portée. La question de l’interopérabilité entre les systèmes israéliens et ceux de ses alliés arabes face à une aviation désormais sino-russe est aussi soulevée.
Enfin, cette évolution pourrait influencer la politique américaine dans la région. Washington pourrait accentuer ses ventes d’avions de chasse aux alliés du Golfe, ou relancer certains programmes de drones armés pour équilibrer les capacités tactiques.
Une bascule stratégique confirmée
La livraison du J-10C à l’Iran n’est pas un simple acte commercial. Elle traduit un glissement assumé vers une architecture militaire orientée Est, contournant les standards OTAN et renforçant l’autonomie tactique de Téhéran. À moyen terme, cette bascule pourrait se poursuivre avec l’adoption de munitions guidées chinoises, de missiles sol-air HQ-9, ou d’un système C4ISR couplé aux forces terrestres.
L’Iran renforce sa doctrine de dissuasion asymétrique, déjà visible dans l’usage combiné de drones, missiles balistiques et cyberopérations. L’acquisition d’un avion de chasse chinois moderne, interopérable avec ces moyens, permet à Téhéran d’envisager des opérations de zone A2/AD (Anti-Access/Area Denial) sur ses frontières ou sur le détroit d’Ormuz.
Le choix du J-10C repose sur une analyse rationnelle : coût maîtrisé, disponibilité rapide, transfert technologique possible, et autonomie par rapport aux restrictions occidentales. Ce modèle devient un pivot de la défense aérienne iranienne pour la décennie 2025-2035.
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