Lockheed Martin a relancé les vols d’acceptation du F-35 après un correctif lié à une vibration moteur, ouvrant la voie à la reprise des livraisons et à un retour à la normale.
En résumé
Lockheed Martin a redémarré les vols d’acceptation du F-35 après près de trois mois d’interruption, consécutifs à un incident survenu le 15 décembre 2022 lors d’un vol de contrôle d’un F-35B à Fort Worth. L’enquête a mis en évidence une vibration harmonique rare affectant le moteur F135 de Pratt & Whitney, conduisant à un arrêt temporaire des livraisons de moteurs et d’avions. Un correctif moteur rapide à installer (quelques heures) a été validé par le F-35 Joint Program Office et déployé sur les appareils en attente, condition préalable à la reprise des vols d’acceptation. Le Pentagone a ensuite relancé l’acceptation des appareils, permettant le redémarrage des transferts vers les forces. L’arrêt a eu des effets chiffrés : objectif de 148 appareils non atteint en 2022 (141 livrés), constitution d’un stock d’appareils en usine et retards de mise en service pour certains clients. Si la reprise desserre l’étau industriel, le programme demeure attentif à la stabilité des logiciels de modernisation et aux cadences des livraisons.
La reprise des vols d’acceptation : faits et calendrier
Lockheed Martin a relancé les vols d’acceptation début mars 2023 sur le site de Fort Worth (Texas), là où se concentre l’assemblage d’une large part de la production. Ces vols d’acceptation constituent la dernière étape avant l’acceptation officielle par le gouvernement et le transfert opérationnel vers les forces. Leur arrêt, décidé à la suite d’un incident sur un F-35B le 15 décembre 2022 lors d’un vol de contrôle qualité, avait entraîné un gel des livraisons de moteurs F135 en fin d’année. Après mitigation technique, les vols ont repris, puis l’acceptation gouvernementale a redémarré à la mi-mars, permettant la remise en flux des appareils stockés. Le message opérationnel est clair : le risque identifié a été traité, la chaîne d’essais production redémarre et l’écosystème (Lockheed Martin, Pratt & Whitney, JPO, DCMA) se réaligne pour remettre des avions aux unités.
Le problème identifié : une vibration moteur rare mais critique
Le cœur de l’affaire : un phénomène de vibration harmonique du F135, moteur unique du F-35. Il s’agit d’une excitation à certaines fréquences pouvant générer des contraintes anormales dans la chaîne propulsive. L’enquête a confirmé un événement rare, mais suffisamment sérieux pour justifier un gel préventif. Les équipes de Pratt & Whitney, du Pentagone et de Lockheed Martin ont développé une mesure de mitigation installable en atelier en un temps court (de l’ordre de quatre à huit heures). Cette intervention non intrusive visait à ramener tous les moteurs à une configuration standardisée et sécurisée. Parallèlement, l’analyse d’ingénierie a ciblé des éléments de la ligne carburant exposés aux vibrations et validé des évolutions de conception pour verrouiller la solution dans la durée. La directive de flotte a exigé l’application rapide du correctif sur l’ensemble des avions concernés afin d’aligner la configuration et de lever toute restriction d’emploi.
Les conséquences industrielles : cadences, stocks et chiffres clés
L’arrêt a eu un effet immédiat sur les livraisons. En 2022, l’objectif contractuel portait sur 148 appareils ; il a été manqué de sept unités, avec 141 avions remis aux clients. En parallèle, les livraisons de moteurs F135 ont été stoppées fin décembre, ce qui a tendu le « tampon » d’inventaire moteur normalement maintenu en amont de la chaîne d’assemblage. La reprise des livraisons de moteurs à la mi-février a permis de reconstituer progressivement ce buffer et d’éviter une désynchronisation persistante entre cellules et propulseurs. Sur la ligne d’assemblage, Lockheed Martin a continué à produire à cadence maîtrisée, ce qui a temporairement accru le nombre d’avions en attente d’essais et d’acceptation. Pour plusieurs clients (États-Unis et partenaires), l’effet s’est traduit par des remises de clés décalées de quelques semaines à quelques mois selon les lots, avec des impacts associés sur la planification des formations pilotes/techniciens et l’entrée en service des escadrons.
L’impact opérationnel : sécurité des vols et disponibilité
Côté forces, la priorité a été donnée à la sécurité des vols. Les flottes directement concernées par la configuration moteur ont reçu la directive d’appliquer la mitigation dans un délai court, assurant une homogénéité de configuration pour la maintenance et la conduite des opérations. Pour les unités en montée en puissance, le décalage d’acceptation a reporté certaines capacités initiales (entraînement, qualification armements, mise en réseau) mais sans remettre en cause les trajectoires pluriannuelles de dotation. Les partenaires internationaux ont été accompagnés pour maintenir des syllabus de formation adaptés et des jalons de réception réalistes. Indicateur significatif : une fois la mitigation validée et appliquée, les avions en file d’attente ont pu reprendre les vols de contrôle et les essais fonctionnels, permettant la reprise des transferts vers les bases opérationnelles.

La solution technique : une mitigation rapide et une correction de conception
La mesure validée a été conçue pour être rapide à implémenter et sans lourdes immobilisations : installation en atelier, contrôles de conformité, essais au banc, puis vols de vérification. L’approche a comporté deux volets complémentaires. D’abord, une mitigation immédiate visant à éliminer la zone de résonance en conditions d’essais et d’exploitation. Ensuite, une consolidation de conception de la ligne d’alimentation, ciblant la résilience face aux excitations vibratoires. Le bénéfice est double : retour en vol rapide des avions neufs en attente et sécurisation structurelle de la flotte au fil des rétrofits et des incorporations en production. Cette démarche « short-term fix » puis « design hardening » est classique sur des plateformes complexes et réduit le risque de récurrence.
Les effets financiers et contractuels : pression sur les marges, incitations ajustées
Pour l’industriel, l’interruption a généré des coûts de portage d’inventaire (appareils stockés, immobilisation d’actifs), des replanifications d’essais et, mécaniquement, des retards de livraison pénalisant les flux de facturation. Côté autorités, l’acceptation séquentielle a permis de conditionner le paiement au passage des jalons techniques et de sécurité. Les années suivantes ont vu, par ailleurs, l’apparition de mécanismes de retenue partielle sur paiements unitaires en cas de configuration logicielle incomplète, dans l’attente de standards ultérieurs. L’ensemble de ces leviers incitatifs vise à garantir la qualité technique des appareils livrés et la soutenabilité de la flotte mondiale sur la durée.
Les répercussions à moyen terme : un retour à la normale sous surveillance
La reprise des livraisons a progressivement résorbé le stock d’appareils en attente, avec un rythme soutenu dès que les avions ont passé les vols d’acceptation et que les moteurs F135 ont retrouvé un flux nominal. Les données publiées ensuite témoignent d’un redémarrage tangible des acceptations par le Pentagone, puis d’un volume annuel livré en amélioration. Le programme a toutefois dû composer, en parallèle, avec des défis distincts liés aux évolutions avioniques et logicielles (rafraîchissement technologique), qui ont parfois contraint les profils d’acceptation. Autrement dit, le correctif vibratoire a levé un verrou critique côté propulsion, mais la vigilance est restée de mise sur les autres chantiers de modernisation afin de stabiliser la valeur opérationnelle livrée aux forces.
La portée stratégique : crédibilité industrielle et continuité capacitaire
Au-delà de l’incident, l’épisode illustre la capacité de la filière à diagnostiquer, mitiger et corriger rapidement une défaillance moteur sur un programme de très grande série. Le fait d’avoir ramené l’ensemble des appareils à une configuration homogène, documentée et testée, a sécurisé la sécurité des vols et la disponibilité. Pour les clients, la reprise des vols d’acceptation a été le signal attendu pour reprogrammer livraisons, formations et mises en service. Pour l’industriel, le redémarrage a permis de réaligner la production avec l’acceptation gouvernementale et de restaurer la confiance sur la tenue des jalons. La prochaine étape reste la stabilisation de la chaîne logicielle et la poursuite des améliorations propulsives planifiées, dans l’objectif de soutenir la montée en cadence tout en préservant l’intégrité technique du système d’armes.
La dernière ligne droite : ce que cela change dès maintenant
Concrètement, le retour des vols d’acceptation remet du prévisible dans un calendrier qui en manquait, réduit l’empreinte des stocks en attente et redonne de la marge aux forces pour planifier leurs premiers vols, leurs qualifications et leur maintien en condition opérationnelle. Les enseignements tirés de l’incident – gestion du risque vibratoire, homogénéisation de configuration, coordination JPO-industriels – forment une base solide pour absorber de futurs aléas sans bloquer la chaîne. La valeur essentielle tient en une promesse tenue : un appareil livré conforme, sûr, et prêt à entrer dans le cycle opérationnel, ce qui était l’attente première des utilisateurs.
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