
Le programme britannique F-35, d’un montant de 71 milliards de livres sterling, souffre de retards, d’une pénurie de pilotes et d’ingénieurs, ainsi que d’un manque d’intégration des armes, ce qui compromet l’efficacité opérationnelle de la RAF et de l’OTAN.
Le programme britannique F-35 Lightning, destiné à équiper la Royal Air Force et la Royal Navy d’une nouvelle génération d’avions de combat furtifs, connaît des revers importants. Avec 11 milliards de livres sterling déjà dépensés, seuls 37 appareils sont en service actif en juin 2025. Un récent rapport du National Audit Office met en évidence de graves lacunes : retards de livraison, pénurie de personnel, problèmes de maintenance et report de l’intégration de systèmes d’armes essentiels. La disponibilité opérationnelle est bien inférieure aux niveaux attendus et les heures de vol des pilotes ont été réduites en raison de la disponibilité limitée des appareils. Le programme, dont le coût total est estimé à 71 milliards de livres sterling, vise à former deux escadrons opérationnels d’ici la fin 2025. Dans le même temps, le Royaume-Uni a annoncé l’achat de 12 variantes du F-35A pour soutenir la stratégie de dissuasion nucléaire de l’OTAN. Malgré les capacités avancées du F-35, notamment en matière de furtivité et de fusion des capteurs, le retour sur investissement reste limité. Les défis sont à la fois techniques et structurels, avec des implications pour la sécurité nationale et celle de l’alliance.

Le rôle central du F-35 dans la stratégie de combat aérien du Royaume-Uni
Le F-35 Lightning est destiné à être la pierre angulaire de la puissance aérienne britannique pour les décennies à venir. Il combine furtivité, fusion de données et détection à longue portée dans une seule plateforme multirôle. La variante choisie principalement par le Royaume-Uni est le F-35B, capable de décoller et d’atterrir à la verticale. Cela le rend adapté à un déploiement aussi bien sur terre que sur des porte-avions, notamment le HMS Queen Elizabeth et le HMS Prince of Wales. Le F-35B remplace le Harrier, qui a été retiré du service, et devrait être utilisé conjointement sous le commandement de la Royal Navy et de la Royal Air Force.
Le F-35 n’est pas seulement un nouvel avion. Il représente un changement dans la manière dont la guerre aérienne est menée. Grâce à sa puissante suite de capteurs, il peut agir comme un nœud au sein d’un réseau plus large, collectant des données et les transmettant en temps réel à d’autres ressources. Cette capacité est essentielle dans les environnements de conflit modernes où la vitesse de l’information est aussi vitale que la puissance de feu. Cependant, ces avantages théoriques sont actuellement compromis par des lacunes dans le déploiement pratique.
Ampleur financière et état d’avancement du programme
Le coût total du programme F-35 pour le Royaume-Uni est estimé à 71 milliards de livres sterling. Ce chiffre comprend non seulement l’achat des appareils, mais aussi les infrastructures, la formation, le soutien, l’intégration des armes et les coûts du cycle de vie. À ce jour, 11 milliards de livres sterling ont été engagés, mais seuls 38 appareils ont été livrés, dont un qui n’est pas opérationnel, ce qui laisse 37 appareils en service dans la flotte. Ce chiffre est bien inférieur à la capacité nécessaire pour mettre en service deux escadrons pleinement opérationnels, comme prévu initialement il y a plusieurs années.
Le Royaume-Uni s’est officiellement engagé à acquérir 48 appareils F-35B, avec l’ambition à long terme d’en acheter jusqu’à 138. Cet objectif est en cours de révision et a peu de chances d’être atteint dans les conditions actuelles. Pour compliquer encore la situation, le ministère de la Défense a récemment annoncé l’acquisition de 12 variantes F-35A, qui diffèrent structurellement du F-35B et nécessitent un soutien logistique et une formation distincts. Le F-35A sera affecté à la mission de partage nucléaire de l’OTAN et ne pourra pas opérer à partir de porte-avions.
La pénurie de pilotes et d’ingénieurs menace la capacité de combat
L’une des principales lacunes identifiées par les auditeurs est le nombre insuffisant de pilotes de chasse qualifiés. Moins de pilotes que nécessaire sont formés pour piloter le F-35, et bon nombre de ceux qui sont qualifiés ont un temps de vol limité. Le nombre moyen d’heures de vol mensuelles par pilote est passé de 10 à 7,5, en raison de la faible disponibilité des appareils et des contraintes de maintenance. Cela limite la capacité à maintenir le niveau de compétence et la préparation au combat.
La pénurie d’ingénieurs et de techniciens de maintenance est tout aussi problématique. Le F-35 nécessite un nouveau type de maintenance, notamment la gestion d’un revêtement à faible observabilité, des mises à jour logicielles et des diagnostics numériques. De nombreux membres du personnel de la RAF sont encore en formation de reconversion et le système de soutien n’est pas encore entièrement souverain. Cela signifie que le Royaume-Uni reste en partie dépendant des infrastructures et des calendriers américains, ce qui constitue une source de préoccupation pour l’autonomie nationale en cas de conflit.
Les retards dans l’intégration des armes réduisent la flexibilité opérationnelle
L’avion ne dispose pas encore d’une intégration complète des munitions clés développées par le Royaume-Uni. Le missile à portée au-delà de la portée visuelle Meteor et l’arme à distance SPEAR 3 devaient être opérationnels sur le F-35 d’ici 2024. Ces capacités ont désormais été reportées au début des années 2030. D’ici là, la seule arme de frappe précise disponible est la bombe à guidage laser Paveway IV, qui a une portée limitée et expose l’avion à un risque accru dans des environnements contestés.
Des solutions provisoires utilisant des bombes de petit diamètre fabriquées aux États-Unis sont à l’étude, mais aucune décision ferme n’a été prise en matière de financement. L’incapacité à fournir une capacité de frappe à longue portée à partir d’un avion de combat furtif affaiblit l’un des principaux arguments justifiant le coût et la complexité du programme. Ce retard affecte également la capacité de la Royal Navy à projeter sa force depuis la mer, car les porte-avions dépendent du F-35 pour leurs missions de frappe.

La disponibilité opérationnelle de la flotte et la disponibilité des missions restent inférieures aux objectifs
Seule la moitié environ des appareils livrés sont opérationnels à un moment donné. Les taux de disponibilité opérationnelle totale, qui incluent les systèmes électroniques avancés, restent nettement inférieurs. Ces taux de disponibilité sont inférieurs aux normes internes du Royaume-Uni et aux normes alliées. Les retards dans la maintenance, la pénurie mondiale de pièces de rechange et les retards dans les mises à jour logicielles sont autant de facteurs qui contribuent à cette situation.
L’avion repose sur un système logistique numérique appelé ALIS, qui a connu des problèmes répétés. La transition vers un nouveau système, ODIN, est en cours mais n’est pas encore terminée. Cette situation complique la maintenance prédictive et ralentit les cycles de réparation. Avec seulement 37 avions en service, toute baisse de disponibilité a un effet direct et immédiat sur les performances des escadrons et la formation des pilotes.
Implications stratégiques pour l’OTAN et la défense nationale
Le Royaume-Uni a fondé une grande partie de sa posture de défense récente sur le principe d’une haute disponibilité et d’une interopérabilité avec les forces alliées. Le programme F-35 est essentiel à ces deux objectifs. Cependant, les retards, les capacités incomplètes et le manque de personnel compromettent ce positionnement stratégique. L’inclusion de 12 avions F-35A dans l’engagement de partage nucléaire de l’OTAN reflète l’importance croissante accordée par le Royaume-Uni aux responsabilités de l’alliance, mais introduit également une divergence logistique.
La capacité à déployer un groupe aéronaval complet avec un nombre crédible de F-35 reste incertaine. Les plans initiaux prévoyaient 24 avions disponibles pour un déploiement maritime d’ici 2025. Les chiffres actuels et les indicateurs de préparation rendent cet objectif difficile à atteindre. Ce déficit limite la dissuasion et affaiblit la crédibilité expéditionnaire du Royaume-Uni dans les théâtres indo-pacifique et euro-atlantique.
Le programme F-35, bien que technologiquement impressionnant, n’a pas encore produit les résultats opérationnels attendus par la Royal Air Force. Le plein potentiel de cet avion en matière de furtivité, de domination de l’information et de polyvalence reste inexploité en raison de défis structurels et logistiques. Il est essentiel de combler les lacunes en matière de disponibilité des pilotes de chasse, de soutien technique et d’intégration des armes afin de convertir les investissements financiers en puissance de combat. À l’approche des étapes importantes du programme en 2025, l’accent doit être mis non plus sur l’acquisition, mais sur l’efficacité dans le monde réel, sans quoi le Royaume-Uni risque de se retrouver avec l’une des flottes de chasseurs à réaction les plus avancées, mais sans les moyens de les utiliser à leur plein potentiel.
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