Le Saab GlobalEye : la fusion des données qui révolutionne le C2

Saab GlobalEye

Le GlobalEye combine capteurs multi-domaines, IA et commandement en vol pour offrir une situation tactique unique. Analyse technique d’une plateforme d’alerte avancée.

En résumé

Le GlobalEye est une plateforme d’alerte aérienne et de commandement conçue pour collecter, fusionner et diffuser en temps réel une quantité massive d’informations issues des domaines air, mer et terre. Sa force réside dans sa capacité à gérer automatiquement l’ensemble des données issues de radars actifs et passifs, à créer une vue opérationnelle unifiée (Recognized Situational Picture) et à les transmettre sous forme d’ordres ou de recommandations via un système de Command & Control multi-domaines. Le système embarque également des algorithmes d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique, capables d’identifier des schémas ou des menaces émergentes et d’alléger la charge cognitive de l’équipage. Comparé aux plateformes traditionnelles d’alerte AEW&C, le GlobalEye se distingue par sa vraie intégration multi-capteurs, son rôle de centre de commandement volant et son interconnexion stratégique.

Le GlobalEye : une plateforme aérienne multi-domaines

L’avion et ses caractéristiques

Le GlobalEye utilise l’avion d’affaires Bombardier Global 6000/6500 comme cellule, ce qui lui confère une autonomie opérationnelle de plus de 11 heures. À son bord, le radar principal est l’Erieye ER, à antenne AESA, logé sous le dôme dorsal visible (« ski-box ») d’une longueur d’environ 10 m. Saab indique des portées de détection de l’ordre de 650 km (350 NM) ou plus pour certaines menaces. L’appareil peut détecter des menaces volant très bas, comme un objet à 200 pieds (~60 m) à 35 000 ft (~10 700 m) d’altitude sur plus de 458 km.

L’intérêt de cette plateforme est qu’elle remplace ce qui était autrefois plusieurs avions spécialisés : radar aérien, surveillance maritime, détection terrestre mobile. Elle concentre plusieurs fonctions dans une seule mission.

Les capteurs et l’intégration multi-domaines

Le GlobalEye combine :

  • un radar Erieye ER pour la surveillance aérienne, en bande S ou bande L, à balayage électronique.
  • un radar maritime spécialisé (par exemple le Seaspray 7500E) pour détecter des cibles navales, petites embarcations et sous-marins peu immergés.
  • des systèmes optroniques (caméras thermiques, infrarouge) et un mode Ground Moving Target Indication (GMTI) pour la surveillance terrestre.
  • des suites guerre électronique (ESM/ELINT) et identification automatisée des cibles (AIS, IFF).

La fusion de ces capteurs permet au GlobalEye de bâtir une vue unifiée de la situation dans les trois domaines. Ce n’est pas simplement l’addition de plusieurs senseurs, mais un traitement centralisé qui élimine les doublons, corrèle les pistes et produit des pistes fiables pour l’équipage et les forces connectées.

La fusion des données et le commandement en vol

La capacité de fusion automatisée

Une des technologies clés est l’Track Data Fusion Engine (TDFE) de Saab, conçue pour agréger des flux issus de capteurs actifs/passifs et de fournir une piste unique fiable par cible. Elle opère dans les domaines air, surface et sous-surface, peut supporter plus de 100 capteurs et fonctionne en mode automatique, semi-automatique ou manuel. ([Start][4]) De fait, l’équipage du GlobalEye reçoit une image consolidée — et non plusieurs flux à combiner — ce qui réduit la latence et le risque d’erreur.

Par rapport aux systèmes plus anciens, où chaque capteur restait “propriétaire”, le GlobalEye offre une réduction du temps de décision et une meilleure cohérence dans la reconnaissance de la menace.

Le Command & Control multi-domaines

Le GlobalEye joue également un rôle de centre de commandement volant : il peut suivre jusqu’à 1 000 cibles simultanément dans les domaines air, mer et terre (selon les spécifications constructeur). Il est équipé pour transmettre les données vers les forces amies via des liaisons de données, des systèmes SATCOM et des réseaux tactiques.

L’équipage vit dans un environnement de type mission-commandement avec plusieurs consoles multifonctionnelles, un affichage homme-machine optimisé, et des flux de données en temps réel. Le GlobalEye permet même de redistribuer les capteurs vers d’autres plateformes, de guider des avions ou des navires et de coordonner des missions inter-armes. Cela transforme l’appareil en nœud nerveux du théâtre d’opérations.

L’intégration de l’IA et du machine learning

Pour absorber le volume de données, Saab introduit l’intelligence artificielle et le machine learning dans le système. Ces technologies permettent de détecter des schémas d’activité, de flaguer des anomalies, de prioriser les pistes pertinentes et d’alléger la charge cognitive des opérateurs. L’IA donne de la valeur ajoutée au concept de fusion de données : non plus seulement combiner, mais analyser et anticiper.

Grâce à ces fonctions, l’équipage peut se concentrer sur les décisions critiques plutôt que sur la collecte et la gestion manuelle des données. C’est un saut qualitatif par rapport à certains concurrences plus centrées sur la plateforme que sur l’intelligence du système.

Saab GlobalEye

Missions, usage et intégration dans les forces armées

Les types de missions couvertes

Le GlobalEye peut remplir une vaste palette de missions :

  • Surveillance de théâtre : couverture aérienne, maritime et terrestre large zone.
  • Détection de menaces basse altitude : navires rapides, drones furtifs, sous-marins peu immergés.
  • Commandement et contrôle : coordination d’escadrilles, de groupes navals ou de forces terrestres.
  • Échange de données et liaison tactique : relais d’information pour d’autres plateformes ou forces terrestres.
  • Usage dual en temps de paix : surveillance de catastrophe, coordination d’intervention civile ou maritime.

Par exemple, Saab rapporte que la version peut détecter des menaces volantes à 35 000 ft et 458 km et surveiller des bateaux-jets ou même des périscopes avec son radar maritime.

L’usage au sein des forces armées

Le GlobalEye est en service aux Émirats arabes unis, livré depuis 2020, et la Suède a commandé deux appareils pour livraison en 2027. L’intégration tactique implique la création d’un réseau missions-capteurs-unités combattantes. L’avion fournit l’alerte, la reconnaissance, commande et redistribue l’information. Il permet aux forces terrestres et navales de gagner en temps d’intervention et en cohérence.

Comparaison avec d’autres avions AEW&C

Comparé à des plateformes telles que le Boeing E-7 ou le Northrop Grumman E-2D, le GlobalEye se distingue par :

  • une autonomie prolongée (>11 heures) et une logistique d’avion d’affaires.
  • une prise en charge multi-domaines (air-mer-terre) plus large que les AEW classiques.
  • une architecture de données et de commandement plus intégrée.
    La tendance du marché AEW&C revient en effet vers des plateformes plus légères, plus connectées, avec des mises à jour logicielles rapides. Le GlobalEye se place donc dans la nouvelle génération.

Force, défis et perspectives d’évolution

Points forts majeurs

  • La fusion automatique de données multi-capteurs permet une meilleure cohérence et vitesse d’action.
  • Le rôle de centre de C2 volant transforme la mission de surveillance en mission d’engagement tactique.
  • L’emploi d’IA et de machine learning offre un soutien aux décisions en temps réel.
  • Le concept multi-domaines permet aux armées de tirer parti d’un seul actif pour plusieurs domaines de combat.

Limites et défis

  • Les coûts d’acquisition et d’opération restent élevés.
  • L’efficacité dépend fortement de la connectivité tactique et des liaisons de données du client.
  • La mission exige des plateformes d’appui (ravitaillement, bases avancées) dans certains théâtres.
  • L’intégration des données et la cybersécurité deviennent des enjeux critiques : un nœud de commande volant constitue aussi une cible.

Évolutions futures possibles

  • Extension de la suite IA pour inclure des fonctions prédictives et d’automatisation accrue.
  • Adaptation pour des missions d’essaims de drones ou d’interopérabilité avec UAV.
  • Mise à jour logiciel fréquente pour suivre les menaces émergentes (hypersoniques, UAS).
  • Intégration dans des réseaux multi-plateformes (navires, satellites, drones) pour une gestion distribuée de la conscience tactique.

Le GlobalEye représente une avancée significative dans l’architecture des systèmes de surveillance et de commandement. En réunissant capteurs, IA et C2 multi-domaines dans un seul avion, il incarne la transition vers une guerre où l’information, la rapidité et la connectivité prennent le pas sur la seule puissance brute. Dans un monde où les menaces évoluent vite, cette plateforme offre une réponse cohérente aux exigences du temps réel. Reste à voir comment chaque armée exploitera pleinement ce potentiel dans son réseau d’armes et de renseignement intégrés.

Sources

Saab AB – fiche produit GlobalEye AEW&C.
Saab AB – fiche produit Track Data Fusion Engine (TDFE).
Wikipedia – GlobalEye.
Defense Advancement – article « Sweden orders two GlobalEye air­borne early warning aircraft ».

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