La Suisse livre 22 F-5 Tiger II aux US Marines pour moderniser sa flotte

F-5 Tiger II

La Suisse transfère 22 F-5E/F Tiger II déclassés au US Marine Corps pour 30 M€, libérant de l’espace pour des F-35A. Détails techniques et stratégiques.

Les autorités suisses, via l’Office fédéral de l’armement (armasuisse), ont entamé la livraison de 22 chasseurs F-5E/F Tiger II déclassés au United States Marine Corps (USMC). Ce transfert, conclu en 2020 pour environ 30 millions d’euros (32,4 millions USD), inclut 16 F-5E monoplaces et 6 F-5F biplaces, ainsi que des équipements au sol, pièces détachées et soutien logistique. Ces appareils, acquis par la Suisse dans les années 1970 et 1980, sont destinés à renforcer les capacités d’entraînement des forces américaines en tant qu’avions adversaires (OPFOR) pour simuler des menaces aériennes. Cette transaction s’inscrit dans la stratégie suisse de modernisation de sa flotte, avec l’introduction progressive des Lockheed Martin F-35A d’ici 2028, remplaçant à la fois les F-5 et les F/A-18C/D Hornet. L’opération permet à la Suisse de rationaliser ses ressources tout en offrant aux États-Unis une solution économique pour leurs besoins d’entraînement.

Les caractéristiques techniques des F-5E/F Tiger II

Le Northrop F-5E/F Tiger II, conçu dans les années 1960, est un chasseur léger supersonique apprécié pour sa manœuvrabilité, son faible coût d’exploitation et sa fiabilité. Propulsé par deux turboréacteurs General Electric J85-GE-21C de 22,2 kN chacun avec postcombustion, il atteint une vitesse maximale de Mach 1,63 (environ 2 000 km/h à haute altitude). Sa longueur est de 14,4 m pour le F-5E monoplace et 15,7 m pour le F-5F biplace, avec une envergure de 8,1 m. La masse maximale au décollage est de 11 192 kg, avec une charge utile comprenant deux canons M39A2 de 20 mm, des missiles air-air comme l’AIM-9 Sidewinder et des bombes pour l’attaque au sol. Les F-5 suisses, acquis dans le cadre des programmes Peace Alps et Peace Alps II, intègrent des améliorations spécifiques : systèmes de navigation inertielle LN-33, récepteurs d’alerte radar AN/ALQ-87, systèmes de contre-mesures AN/ALE-40 et radars Emerson AN/APG-69 pour une meilleure détection.

Environ 2 700 F-5 ont été produits, dont 792 F-5E et 140 F-5F, avec une production sous licence en Suisse par la Federal Aircraft Factory (aujourd’hui RUAG Aerospace). Ces appareils, bien que dépassés pour le combat moderne, excellent dans des rôles secondaires grâce à leur agilité et leur coût d’opération, estimé à environ 4 000 € par heure de vol, contre plus de 20 000 € pour un F-35. Leur robustesse permet une durée de vie structurelle prolongée, particulièrement adaptée aux missions d’entraînement intensives.

Le rôle des F-5 dans l’entraînement du US Marine Corps

Les 22 F-5E/F acquis par l’USMC rejoignent les escadrons d’entraînement adversaire comme le VMFT-401 Snipers à la base de Yuma, Arizona, et potentiellement le VMFT-402, récemment établi à Beaufort, Caroline du Sud. Ces appareils simulent des tactiques ennemies dans des scénarios de combat aérien, offrant une formation réaliste aux pilotes de F/A-18 Hornet et F-35. Les F-5N/F, version modernisée des F-5E/F suisses, sont équipés d’avioniques avancées, incluant des cockpits numériques et des systèmes de simulation de menaces modernes, développés dans le cadre du programme ARTEMIS (Avionics Reconfiguration and Tactical/Modernization for Inventory Standardization). Ce programme, piloté par Tactical Air Support, Inc. à Cecil Field, Floride, intègre des inspections, réparations et mises à jour, avec une livraison initiale prévue pour 2025 et un achèvement en 2028.

Actuellement, l’USMC opère 11 F-5N et 1 F-5F, tandis que la US Navy dispose de 30 F-5N et 2 F-5F dans des escadrons comme VFC-13 à Fallon, Nevada, et VFC-111 à Key West, Floride. Les nouveaux F-5 permettront de réduire la pression sur les flottes existantes, souvent limitées par l’usure. Le coût unitaire d’environ 1,4 million d’euros par avion, combiné à un entretien abordable, en fait une solution économique face à des alternatives comme le F-16 ou le F/A-18 pour l’entraînement. Ce transfert renforce la capacité des forces américaines à simuler des adversaires comme les MiG-21 ou d’autres chasseurs légers, essentiels pour préparer les pilotes à des environnements de combat diversifiés.

F-5 Tiger II

La stratégie suisse de modernisation de sa flotte aérienne

La livraison des 22 F-5 s’inscrit dans une transition stratégique de la Force aérienne suisse vers des plateformes modernes. La Suisse a acquis 98 F-5E et 12 F-5F entre 1976 et 1985, mais seuls 25 F-5 restent en service, dont 18 opérationnels, principalement utilisés par la Patrouille Suisse et pour des tâches secondaires comme le remorquage de cibles ou les tests. Avec l’arrivée des 36 Lockheed Martin F-35A à partir de 2028, approuvée en 2021 pour environ 5,5 milliards d’euros, la Suisse rationalise ses ressources. Les F-5, bien que fiables, sont coûteux à maintenir en raison de leur âge, avec des estimations de 9 millions de francs suisses (8,5 millions d’euros) pour conserver 12 appareils opérationnels jusqu’en 2027.

Cette vente, combinée à celle de 44 F-5 à la US Navy en 2008, permet de libérer des ressources humaines, financières et logistiques pour les F/A-18C/D Hornet et les futurs F-35A. Le choix du F-35 a suscité un débat politique, avec des mouvements comme Stop F-35 réclamant un référendum, mais la décision reflète la nécessité de capacités avancées face aux menaces modernes, notamment les systèmes anti-aériens russes comme le S-400. Les F-5 restants, utilisés par la Patrouille Suisse, devraient être retirés d’ici 2027, marquant la fin de leur service en Suisse.

Les implications économiques et opérationnelles du transfert

Le transfert des 22 F-5E/F pour 30 millions d’euros représente une opération financièrement avantageuse pour la Suisse, évitant les coûts de stockage ou de démantèlement, estimés à plusieurs millions d’euros. Pour les États-Unis, l’acquisition est stratégique : les F-5, avec une durée de vie structurelle restante estimée à 10-15 ans après révision, offrent une alternative économique pour l’entraînement. Le programme ARTEMIS, impliquant RUAG pour la maintenance initiale et Tactical Air Support pour les mises à jour, garantit une intégration fluide. Les travaux incluent le remplacement de composants structurels, la révision des moteurs J85 et l’installation de cockpits modernes, augmentant la durée de vie opérationnelle.

Ce transfert illustre une collaboration transatlantique efficace, renforçant les liens entre la Suisse et les États-Unis. Toutefois, il soulève des questions sur la dépendance croissante envers des plateformes coûteuses comme le F-35, dont le coût par heure de vol pourrait atteindre 30 000 €. La Suisse devra équilibrer ses ambitions de défense avec des contraintes budgétaires, tandis que l’USMC bénéficie d’une flotte d’entraînement renforcée à moindre coût. Ce modèle pourrait inspirer d’autres nations disposant de flottes vieillissantes à céder leurs appareils à des partenaires pour des rôles secondaires.

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