La Belgique revoit son implication dans le FCAS après la critique de Dassault

F-35 Belgique

Le ministre belge Theo Francken lance une revue du rôle belge dans le FCAS suite aux critiques d’Éric Trappier sur l’achat des F‑35A.

Le dirigeant de Dassault Aviation, Éric Trappier, a violemment remis en question la décision de la Belgique d’acquérir 11 avions F‑35A américains alors qu’elle cherche à obtenir le statut de partenaire à part entière dans le programme FCAS (Future Combat Air System) européen. Cette prise de position intervient après que la Belgique ait versé 300 millions € pour rejoindre le programme, et envisage une contribution encore plus conséquente dans la phase suivante. Trappier a déclaré que seuls les pays prêts à acheter du matériel aérien européen étaient acceptés dans le consortium, estimant qu’en l’état, la Belgique se moquait du projet. En réaction, le ministre belge de la Défense, Theo Francken, a qualifié les propos de « arrogants » et d’« inacceptables », annonçant une réévaluation du rôle de la Belgique dans le FCAS. Le débat met en lumière la tension entre souveraineté nationale en matière d’achat de capacités et solidarité européenne dans un projet industriel critique. Le rôle de la Belgique n’est pas central techniquement dans le FCAS, mais sur le plan politique, l’incertitude sur son engagement crée une alerte dans un programme déjà fragilisé par des désaccords structurels entre Dassault et Airbus. Ce bras de fer souligne les difficultés à concilier les choix opérationnels et les impératifs industriels européens à l’heure où le programme cible un premier vol démonstrateur en 2029.

La décision belge et les critiques de Dassault

La Belgique a validé un budget de 300 millions € afin d’accéder au statut de partenaire complet du programme FCAS dès la phase de développement 2026‑2030 . Elle avait déjà signé pour 11 avions F‑35A supplémentaires, produits en Italie, en sus des 35 initialement commandés. Pour Éric Trappier, ce double alignement constitue une contradiction majeure : il a affirmé que « si la Belgique renonçait aux F‑35, elle serait la bienvenue », sinon elle est perçue comme se moquant du consortium européen. Trappier considère que l’achat américain est incompatible avec l’accès aux retombées industrielles françaises ou allemandes. Il estime qu’adhérer à FCAS impose une obligation d’achat européen, sous peine d’être rejeté. Cette position illustre la stratégie stricte de Dassault pour sécuriser les commandes de ses futurs appareils, notamment le New Generation Fighter (NGF). Francken a pris acte et réagit de manière frontale.

La réponse belge et ses implications

Theo Francken a déclaré que le gouvernement lancerait une évaluation formelle de sa participation au FCAS, estimant que les critiques de Trappier frisent l’arrogance. Selon lui, un pays fondateur de l’OTAN et de l’Union européenne ne peut accepter des leçons de dirigeants industriels. Le message est limpide : la souveraineté stratégique doit primer sur les diktats industriels. La Belgique reste membre observateur depuis avril 2024, mais avait annoncé vouloir devenir partenaire dès que possible et intégrer la phase 2 en 2026. Comme plusieurs autres alliés — notamment l’Allemagne — elle poursuit un agenda diversifié combinant achats américains et participation à un projet européen. Le positionnement belge révèle le dilemme entre coopération et autonomie opérationnelle, ainsi que l’importance du choix d’équipements en lien avec les alliances militaires. L’éventuelle sortie du consortium européen aurait d’abord un effet politique symbolique, amplifiant la perception de divisions dans les grands programmes de défense du continent.

F-35 Belgique

Les enjeux industriels et géopolitiques du FCAS

Le FCAS regroupe France, Allemagne, Espagne, avec Dassault comme maître d’œuvre du NGF, Airbus pour les drones « loyal wingman », et Indra pour les capteurs. Le programme est estimé à 5 milliards € pour la phase 2026‑2030, puis à 40‑50 milliards € jusqu’aux années 2040 . Il est censé fournir un chasseur de sixième génération pleinement opérationnel vers 2040. Pourtant les querelles internes, notamment entre Dassault et Airbus sur le partage des segments-clés (NGF, moteurs, capteurs), freinent l’avancement. Dassault revendique jusqu’à 80 % du travail sur le NGF, ce qu’Airbus refuse, menaçant de rompre la coopération. Trappier a mis en garde : sans clarité institutionnelle, le projet pourrait s’effondrer. Si la Belgique s’efface ou réduit sa contribution, cela ne perturbera pas techniquement le consortium, mais enverra un signal négatif sur la solidité politique du programme en pleine concurrence avec le projet britannique-italien Tempest/Edgewing.

Analyse sectorielle : cohérence ou contradiction stratégique

Pour la Belgique, l’achat des F‑35A permet de renforcer rapidement ses capacités tactiques avec un avion de cinquième génération, compatible avec l’OTAN. Il apporte une cohérence avec les stockages et formations existants. Mais ce choix entre en tension avec sa volonté d’intégrer un programme industriel européen majeur, ce qui force à arbitrer entre efficacité immédiate et industrialisme politique. Dassault impose une logique de marché captif pour ses futurs appareils. Francken reprend la main politique en affirmant que la défense d’un État ne doit pas être dictée par un producteur privé. Ce face-à-face met en relief la complexité des intermariats industriels-civils en Europe. Il rappelle que les programmes comme FCAS exigent une vision politique commune, mais aussi une souplesse stratégique nationale pour composer avec les contraintes réalistes des commandes militaires.

Perspectives et scénarios à suivre

La Belgique pourrait décider de renoncer à son statut de partenaire FCAS, rester simple observatrice, ou imposer une clause de tolérance vis-à-vis de l’achat des F‑35. Cela dépendra des arbitrages ultérieurs entre les gouvernements concernés. De leur côté, Dassault et Airbus doivent régler leur conflit sur les responsabilités de chacun. Les dirigeants européens, dont les ministres de la Défense français et allemand, ont jusqu’à la fin août pour proposer une feuille de route claire selon des dirigeants politiques récents. Si aucune solution n’émerge, le programme FCAS pourrait retarder son démonstrateur prévu en 2029.

Au-delà, cette affaire pose une question de cohésion entre exigences nationales et ambitions européennes. Elle remet en cause la capacité des États à combiner autonomie stratégique, achats diversifiés, et participation équilibrée aux grands projets industriels du continent.

A propos de admin 1821 Articles
Avion-Chasse.fr est un site d'information indépendant dont l'équipe éditoriale est composée de journalistes aéronautiques et de pilotes professionnels.