
Un système CAMD testé sur F‑35 vise à prévenir les collisions militaires‑civiles en vol, comblant un manque des TCAS pour les avions militaires.
Un programme conjoint États‑Unis/Royaume‑Uni teste le système CAMD (collision avoidance manual deconfliction) sur les F‑35. Il vise à prévenir les collisions entre avions militaires et civils en vol, secteur où les avions de chasse ne sont pas équipés du TCAS. CAMD s’appuie sur une liaison de données à haute fréquence (20 à 40 mises à jour par seconde). Le système est dérivé de l’Auto‑GCAS, déjà installé sur F‑16 depuis 2014 et sur F‑35 depuis 2019, ayant évité 12 accidents. La mise en œuvre effective sur F‑35 Block 4 n’est pas encore planifiée. L’objectif est de répondre aux incidents récents impliquant des collisions ou quasi‑collisions entre trafic civil et militaire pour renforcer la sécurité aérienne.
La technologie CAMD
Le CAMD est une technologie conçue pour combler une lacune importante : les avions militaires tels que le F‑35, F‑16, B‑52 ou Black Hawk ne disposent pas du TCAS, système standard sur les avions civils pour éviter les collisions en vol. Ces appareils ne peuvent donc pas détecter automatiquement les avions civils ni engager des manœuvres d’évitement.
Le CAMD utilise une liaison de données dédiée entre les appareils militaires et civils, permettant une actualisation de la position 20 à 40 fois par seconde, selon les données d’AFRL. Cette fréquence garantit une précision de l’ordre de quelques dizaines de mètres et un suivi en temps réel des trajectoires relatives.
Cette technologie est dérivée d’un système existant : l’Auto‑GCAS, destiné initialement à éviter les collisions avec le relief. Développé depuis 1997, il a été intégré sur F‑16 dès 2014, puis sur F‑35 en 2019, et a permis d’éviter 12 accidents confirmés jusqu’à présent. CAMD adapte ces algorithmes au scénario air‑to‑air, ce qui représente une évolution réelle. Les calculs de trajectoire et détection de potentiel conflit utilisent des modèles prédictifs complexes similaires au GCAS, mais appliqués à des menaces aériennes mobiles.
En pratique, cette liaison de données exige du matériel compatible sur les deux appareils, ce qui constitue un défi. Le civil doit disposer d’une interface commune, ce qui n’existe pas aujourd’hui. Le projet CAMD vise donc à établir une norme ou un protocole partagé entre aviateurs militaires et pilotes civils.
Les tests en cours
Les essais de CAMD se déroulent sur la flotte d’essai F‑35 à la base Edwards, Californie, sous la coordination de l’Air Force Research Laboratory (AFRL) et avec le soutien financier du Ministère britannique de la Défense qui couvre un tiers des coûts, l’AFRL assumant le reste. Cette collaboration permet d’accéder aux appareils de test, à l’équipe de production Lockheed Martin et aux infrastructures nécessaires.
Des incidents récents soulignent l’urgence de cette innovation : le 20 juillet dernier, un pilote Delta a dû manœuvrer brusquement pour éviter un B‑52H près de Minot, Dakota du Nord. Le 29 janvier, un UH‑60 Black Hawk de l’armée américaine a percuté un CRJ700 régional de PSA Airlines au‑dessus du Potomac à Washington DC, tuant 67 personnes. Ces événements illustrent une collision classique entre aéronefs civils et militaires, qui pourrait être évitée si un système CAMD était opérationnel.
L’AFRL signale que sans CAMD, il n’existe aucune liaison de données partagée avec le monde civil permettant une réponse automatique instantanée. CAMD doit donc fonctionner manuellement, en alertant le pilote militaire afin qu’il prenne des mesures correctives appropriées. Le terme « manual deconfliction » reflète cette approche : le système alerte, mais c’est au pilote de corriger.
Portée et impact du système CAMD
Le CAMD n’est pas encore planifié dans le programme Block 4 du F‑35, la prochaine étape majeure de modernisation, mais il a été maintenu comme exigence : malgré des risques de suppression pure et simple, il a survécu aux arbitrages internes, garantissant un accès technique aux ressources nécessaires. Si CAMD est validé, il pourrait réduire les risques de collision aérienne entre trafics civil et militaire, un problème dont l’incidence représente environ 24 % des pertes d’avions militaires, juste derrière les accidents liés au relief selon AFRL. Cela représente potentiellement des dizaines d’appareils sauvés et des vies préservées.
Le système devrait permettre une compatibilité universelle terrestre et aérienne, ouvrant la voie à l’adoption d’un protocole commun de liaison de données à haute fréquence entre les avions militaires et civils. Cela favoriserait une réduction du risque dans les zones de haute densité aérienne, comme les zones de formation militaire à proximité de couloirs civils très fréquentés.
En comparaison, le succès de l’Auto‑GCAS (système relié à CAMD), a valu le prestigieux Collier Trophy de 2018 pour contribution majeure à la sécurité aérienne. CAMD est son pendant air‑to‑air : si son efficacité est démontrée, elle pourrait recevoir un soutien institutionnel similaire.

Les limites actuelles
Malgré son potentiel, CAMD reste hautement expérimental. Il ne repose pas encore sur des essais réels en trafic mixte civil/militaire, seulement sur des vols de test F‑35. Les avions civils ne sont pas équipés du dispositif, ce qui limite l’application. De plus, ce système fonctionne en mode manuel, ce qui implique une réponse humaine à chaque alerte, potentiellement plus lente qu’un système automatisé.
Il existe également des barrières réglementaires : les autorités civiles (FAA, EASA) devront accepter ce type de liaison de données. Sans acceptation normative, le déploiement global est hypothétique.
Enfin, comme l’a souligné Kevin Price, si CAMD n’est pas intégré au Block 4, il pourrait être repoussé indéfiniment malgré les efforts. Le fait qu’il ne soit pas encore dans le plan officiel ralentit son adoption. On peut se demander si la bureaucratie et le budget ne freineraient pas une technologie pourtant viable.
Cependant, il serait malvenu d’attendre un incident tragique pour agir. Le fait que des collisions entre avions militaires et civils aient coûté toutes les vies à bord, comme en janvier, justifie une démarche proactive.
CAMD a le potentiel de révolutionner la sécurité aérienne militaire-civile. Mais cela nécessite un engagement technique, financier et réglementaire fort. L’AFRL et ses partenaires actuels semblent y travailler, mais l’enjeu est clair : un futur sans incidents catastrophiques dans l’espace aérien partagé est possible, à condition de franchir les obstacles actuels.
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