
Un Eurofighter allemand aurait été ciblé par un laser chinois en mer Rouge, dans un contexte de tensions croissantes entre puissances navales.
Le 8 juillet 2025, un avion de chasse Eurofighter Typhoon allemand, engagé dans l’opération européenne Aspides en mer Rouge, aurait été visé par un système laser chinois, selon une déclaration du ministère allemand des Affaires étrangères. L’incident s’est produit alors que l’appareil patrouillait dans une zone critique au large du Yémen, dans le cadre d’une mission de sécurisation des voies maritimes menacées par les attaques houthistes.
Le faisceau aurait été détecté par les capteurs optiques de l’Eurofighter, entraînant des dommages mineurs sur certains équipements optroniques. Aucun blessé n’a été rapporté. Berlin accuse une frégate de la marine chinoise Type 054A, présente dans la zone, d’avoir dirigé intentionnellement ce rayon contre l’aéronef. Pékin n’a pas reconnu les faits, affirmant que ses forces « agissent conformément au droit international ».
Cet incident, s’il est confirmé, constituerait un acte de harcèlement militaire grave, révélateur d’une montée en tension entre puissances navales dans cette région stratégique. Il intervient dans un contexte de rivalité croissante en mer Rouge, où la Chine étend sa présence navale sous couvert d’opérations anti-piraterie, mais dans des zones de plus en plus proches des forces européennes et américaines. L’affaire pourrait accélérer le durcissement des règles d’engagement et relancer les débats sur la guerre électronique non létale en haute mer.

Un incident révélateur dans un espace maritime saturé
La mission Aspides et la sécurisation du détroit de Bab el-Mandeb
L’opération Aspides, lancée en février 2024 par l’Union européenne, vise à protéger la liberté de navigation en mer Rouge, dans un corridor stratégique reliant la Méditerranée à l’océan Indien via le canal de Suez. Depuis le début de la guerre à Gaza et la recrudescence des frappes houthistes, de nombreux navires marchands ont été ciblés par des drones, missiles ou mines dérivantes. Plus de 30 incidents ont été répertoriés entre janvier et juin 2025 selon l’EMUE (État-major de l’Union européenne).
Dans ce contexte, l’Allemagne a déployé quatre Eurofighter Typhoon à partir de la base aérienne d’Al-Azraq (Jordanie), en complément de la frégate Hessen F221. Ces appareils assurent une couverture aérienne, des reconnaissances optiques, et des escortes pour les navires civils. Leur rayon d’action atteint près de 1 400 kilomètres, et ils sont équipés de pods Litening pour la surveillance infrarouge.
L’incident du 8 juillet s’est produit lors d’un vol de routine à proximité d’un convoi de trois pétroliers européens. L’Eurofighter a subi une perturbation optique temporaire, confirmée par l’analyse post-vol des capteurs embarqués. Le pilote a immédiatement effectué une manœuvre d’évitement avant de regagner sa base. Les premières données ont montré un faisceau laser dirigé depuis une position navale stationnaire dans un rayon de 5 kilomètres autour du convoi.
Une intensification des proximités navales
La zone d’incident se situe à 80 kilomètres au sud-ouest d’Al-Hudaydah, en pleine zone de guerre asymétrique. Elle est également le théâtre d’une cohabitation risquée entre plusieurs forces navales étrangères : la Task Force 153 américaine, des bâtiments saoudiens, la mission Aspides, et deux destroyers chinois Type 052D. Ces derniers escortent régulièrement des cargos battant pavillon chinois, officiellement pour prévenir les actes de piraterie.
Les règles d’engagement dans cette zone restent floues. Aucune mission multinationale ne coordonne les mouvements entre ces groupes, ce qui favorise les incidents tactiques non coordonnés. Les opérateurs radar et optroniques sont donc exposés à des signaux contradictoires, augmentant le risque de confusion et de réactions intempestives.
L’utilisation de systèmes laser navals par la Chine
Un arsenal déjà documenté
La marine chinoise équipe ses frégates Type 054A et ses destroyers Type 052D de systèmes laser à basse énergie, destinés à l’origine à l’aveuglement des capteurs optroniques des drones, avions ou missiles adverses. Le modèle le plus fréquemment cité est le ZK-02, capable de projeter un faisceau dirigé à courte portée, sans intention létale directe mais suffisant pour endommager un senseur infrarouge ou une caméra CCD.
Déjà en 2018, les forces chinoises avaient été accusées d’avoir illuminé un avion de patrouille américain P-8A Poseidon à Djibouti. Le faisceau avait provoqué une légère blessure à l’œil du copilote, selon l’US Navy. Depuis, des incidents similaires ont été rapportés sporadiquement dans le Pacifique, notamment contre des avions canadiens et australiens. Celui du 8 juillet serait le premier cas documenté en mer Rouge impliquant un appareil européen.
L’avantage tactique d’un tel système est double : il ne laisse pas de signature radar ou thermique, et il peut provoquer une altération temporaire des capteurs adverses sans franchir le seuil de l’usage de la force armée tel que défini par le droit international. Cela permet d’exercer une pression sans provoquer une riposte armée, tant que l’effet reste limité.
Une stratégie de provocation contrôlée ?
La marine chinoise semble suivre une doctrine de pression technologique non létale, reposant sur la perturbation ciblée plutôt que sur la confrontation directe. L’emploi du laser, s’il est confirmé, s’inscrit dans ce cadre : intimider, ralentir, signaler une zone de non-approche, sans ouvrir le feu. Ce type de comportement a été théorisé par le centre de stratégie navale de l’université de Pékin comme un “jeu de seuils tactiques”.
Dans le cas présent, le laser aurait été utilisé alors que l’Eurofighter s’approchait à moins de 3 kilomètres d’un convoi escorté par une frégate chinoise. Le signal envoyé est clair : la Chine revendique un droit de contrôle de facto sur certaines zones, sans les désigner formellement. Cela soulève des inquiétudes du côté européen, qui considère ces espaces comme des voies internationales libres de transit.

Une réponse diplomatique et opérationnelle attendue
Une protestation officielle de Berlin et une enquête en cours
Le ministère allemand des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur de Chine à Berlin, demandant des explications officielles. La protestation n’a pas été rendue publique dans son intégralité, mais une note verbale aurait été transmise. Du côté de la Bundeswehr, une enquête technique est en cours pour déterminer le niveau d’intensité du faisceau, la nature exacte des capteurs affectés, et les risques encourus.
L’Eurofighter concerné sera maintenu au sol jusqu’à inspection complète. Le coût estimé des dommages est inférieur à 150 000 euros, mais l’incident a un impact politique disproportionné. Il relance la question de la liberté d’action des forces européennes dans des zones où la présence navale chinoise devient assertive, et où les interactions sont de plus en plus tendues.
Vers une évolution des règles d’engagement européennes ?
L’incident pourrait pousser les États membres de l’UE à revoir les règles d’engagement de la mission Aspides. Actuellement, les pilotes n’ont pas l’autorisation de répondre à une illumination laser par des contre-mesures actives, sauf en cas de menace létale. Une révision est en cours à Bruxelles, avec des propositions visant à autoriser des manœuvres d’intimidation réciproques, y compris l’illumination radar ciblée ou le brouillage tactique.
De plus, une discussion est en cours sur la mutualisation des capteurs de guerre électronique au sein de la mission, pour permettre une détection plus fine des émissions laser, y compris à basse énergie. L’objectif est de prévenir les agressions discrètes, désormais bien documentées, et d’y répondre de façon coordonnée sans escalade.
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