Une radiographie précise de la Pakistan Air Force : effectifs par type, bases, disponibilité, formation des pilotes, défis prioritaires et impacts géopolitiques régionaux.
En résumé
La Pakistan Air Force constitue une puissance aérienne régionale agile, engagée dans une modernisation progressive autour des JF-17 Block III et des J-10C tout en conservant des flottes héritées de Mirage et F-7. Son parc actif de chasseurs tourne autour de 300 appareils, complété par des moyens de surveillance Erieye AEW&C, des ravitailleurs Il-78 et des drones nationaux (Shahpar II) ainsi que turcs (TB2). La disponibilité varie fortement : la flotte moderne se maintient globalement entre 60 % et 75 % selon les types, quand les appareils anciens connaissent des creux autour de 40–60 %. La formation s’appuie sur un pipeline éprouvé (Super Mushshak, K-8, OCU) avec un réel savoir-faire d’exportation de formation. Cinq défis dominent : soutenabilité budgétaire et logistique, retrait des flottes anciennes, exposition aux régimes de sanctions, densité de défense sol-air autour des bases, et volume d’heures de vol. Face aux Rafale indiens, la PAF mise sur l’AESA, l’intégration du PL-15, et un réseau C2/AEW&C compact ; l’équilibre reste toutefois fragile et dépendant des flux de pièces et de l’entraînement.
La difficulté d’obtenir des informations
Dresser la « composition exacte et opérationnelle » d’une force aérienne touche des informations partiellement sensibles : les chiffres publics varient selon les sources, les retraits et les cannibalisations évoluent en continu, et les indisponibilités ponctuelles ne sont pas publiées. L’analyse ci-dessous agrège les données ouvertes les plus solides et les croise avec des ordres de bataille et des rapports annuels d’inventaire reconnus. Les totaux indiquent des « actifs en parc » et non la disponibilité instantanée.

La flotte de combat : l’ossature, les renforts et l’héritage
En 2025, l’épine dorsale repose sur trois piliers : JF-17, F-16 et J-10C, auxquels s’ajoutent des Mirage III/5 encore utiles pour l’attaque et la reconnaissance.
- Les JF-17 : environ 120–130 appareils en service (séries Block I/II, biplaces JF-17B) et une montée en puissance des Block III (AESA KLJ-7A, viseur de casque, intégration PL-15, modernisation des liaisons de données). Ce parc remplace progressivement F-7 et Mirage vieillissants et devient le « volume » de la chasse pakistanaise.
- Les F-16 : environ 75 appareils actifs (MLU de différentes origines et Block 52+ à Shahbaz), dédiés aux missions d’interception, d’attaque de précision et de DCA tactique, avec un haut niveau d’interopérabilité capteurs-armes. La disponibilité dépend toutefois de l’accès constant aux pièces et aux mises à jour ITAR.
- Les J-10C : autour de 20 appareils déjà livrés, au standard export moderne (AESA, guerre électronique, missiles longue portée). Cette flotte apporte une allonge BVR crédible face aux Rafale et MiG-29 indiens. Des tranches supplémentaires sont évoquées pour atteindre la trentaine ou plus.
- Les Mirage III/5 (programmes ROSE) : encore 100-130 appareils listés historiquement, mais une fraction opérationnelle moindre, concentrée sur l’assaut, la reco et certaines missions ASM. Leur retrait progressif dépend du rythme de livraison des JF-17 Block III et, dans une moindre mesure, des J-10C.
- Les F-7 (dérivés MiG-21) : autour de 70+ encore comptabilisés, rôle décroissant, surtout formation avancée/combat secondaire, en voie de sortie.
Le soutien « au-dessus » : AEW&C, ravitaillement et transport
La PAF a rétabli un noyau AEW&C équilibré : Saab 2000 Erieye et Y-8 (ZDK-03), soit un parc combiné d’environ 7–8 plates-formes actives selon les millésimes. Ces capteurs sont le multiplicateur d’efficacité des patrouilles de JF-17, F-16 et J-10C, surtout en BVR. Le ravitaillement en vol repose sur 4 Il-78 MP. Le transport tactique s’appuie sur C-130 (B/E/H/L-100), CN-235, Saab 2000 et Y-12 pour la maille intra-théâtre, complétés par des appareils d’État pour missions spécifiques.
Les voilures tournantes et le SAR
La PAF exploite un parc léger de recherche-sauvetage et d’appui : AW139, Mi-171, SA330, SA316, Bell 205/212. Le cœur SAR/CSAR s’est professionnalisé autour des AW139, centralisés notamment au sein du 88 Squadron, avec une mission de secours, d’évacuation sanitaire et d’entraînement avancé aux NVG. La masse hélicoptères de manœuvre reste, elle, du ressort majeur de l’Armée de terre.
Les drones : du national au turc
Le segment MALE progresse : Shahpar II (GIDS) en ISR/attaque légère, héritage Burraq, et intégration documentée de Bayraktar TB2 au sein de la PAF (ISR et munitions guidées). Des indices publics évoquent l’« écosystème » ISR-frappe qui monte en gamme (intégration de munitions locales et turques, doctrine de ciblage au profit des chasseurs).
La formation et l’entraînement des pilotes
Le pipeline est clair et éprouvé :
- Primaire sur Super Mushshak (MFI-395), produit localement à Kamra ;
- Avancé sur K-8P Karakorum ;
- Conversion opérationnelle (OCU) sur biplaces de type JF-17B, FT-7 ou cellules dédiées par escadrons ;
- Formation continue par la PAF Academy Asghar Khan (Risalpur) et écoles de moniteurs.
La PAF exporte ce savoir-faire : coopération avec l’Irak, l’Iran, la Biélorussie, l’Azerbaïdjan sur la formation de base et la montée en puissance tactique. Le maillon sensible demeure le « volume d’heures » annuelles par pilote : en contexte budgétaire contraint, maintenir durablement 140–180 h/an pour la chasse de première ligne est un défi. Les simulateurs atténuent partiellement ce creux, mais ne remplacent pas le vol réel pour la consolidation des compétences air-air et air-sol.
La répartition par bases et rôles
Le dispositif s’articule autour de dix grands axes de projection et de soutien :
- PAF Base Minhas (Kamra) : J-10C (No. 15 Cobras), JF-17 Block III (No. 16 OCU), AEW&C Saab 2000 Erieye, SAR (Alouette/Mi-171/ AW139). Positionnement clé pour la haute intensité et la production aéronautique (PAC Kamra).
- PAF Base Shahbaz (Jacobabad) : F-16C/D Block 52+ (No. 5 Falcons) et F-16 MLU (No. 11 Arrows), SAR AW139. Base de pointe pour l’interception et l’attaque de précision.
- PAF Base Mushaf (Sargodha) : pôle historique de chasse avec F-16 MLU, Centre de combat (CCS) multi-types, et escadrons multi-rôle.
- PAF Base Rafiqui (Shorkot) : Mirage III/5 (ROSE II/III), OCU Mirage, missions d’assaut/reconnaissance.
- PAF Base Masroor (Karachi) : JF-17 (dont Block III), appuis côtiers et couverture du Sud, proximité logistique maritime.
- PAF Base Bholari (Jamshoro) : F-16 A/B ADF et JF-17, plus AEW&C en détachement.
- PAF Base Peshawar : JF-17, rôle d’interception Nord et couverture de l’axe Khyber.
- PAF Base Samungli (Quetta) : JF-17, couverture Ouest et Balochistan.
- PAF Base M.M. Alam (Mianwali) : formation avancée (K-8P, FT-7/OCU) et SAR.
- PAF Base Nur Khan (Rawalpindi) : transport, ravitaillement Il-78, liaisons gouvernementales et commandement fédéral.
S’y ajoutent des forward bases (Skardu/PAF Qadri, Multan, Faisalabad, Rahimyar Khan, Pasni, Gwadar, etc.) activables en crise pour réduire les temps de réaction et disperser les flottes.
La disponibilité opérationnelle : une lecture « par familles »
Il n’existe pas de taux officiels publiés. En recoupant l’âge moyen, la complexité logistique, la dépendance aux importations et le retour d’expérience d’exercices :
- J-10C : flotte récente, chaîne de soutien resserrée avec la Chine ; on peut estimer un créneau 65–80 % en rythme « paix » selon les lots.
- F-16 : historiquement performants, mais sensibles aux contraintes ITAR ; 60–75 % lorsque les flux de pièces et les mises à jour suivent, davantage pour les Block 52+.
- JF-17 Block I/II : disponibilité variable selon sous-séries et moteurs RD-93 ; 55–70 % réalistes, avec une ambition de hausse via les rétrofits Block III.
- Mirage III/5 : vieillissants, cannibalisations fréquentes ; 40–60 % en moyenne, avec un savoir-faire technique national remarquable prolongeant la vie utile.
- AEW&C : disponibilité « or » à préserver ; un taux élevé est généralement priorisé (maintenance programmée stricte), car c’est le cœur de la supériorité informationnelle.
- Ravitailleurs/transport : soumis à des cycles lourds de maintenance, mais massifiés sur C-130 ; disponibilité correcte si la cannibalisation est limitée.
Ces ordres de grandeur se tendent en crise, la PAF priorisant alors les cellules les plus modernes pour la posture air-air.
L’armement : le pari du BVR et du stand-off
La stratégie est claire : fiabiliser l’engagement BVR via AESA et missiles longue portée (PL-15 côté J-10C/JF-17 B3) et maintenir un socle occidental performant sur F-16 (AMRAAM, pods de désignation, JDAM/PGM). En air-sol, la panoplie combine bombes guidées classiques, missiles antinavires chinois, et stand-off régionaux (Ra’ad/« Taimur ») sur plateformes dédiées (incluant Mirage). L’intégration C2 (AEW&C, liaisons de données nationales, radars sol) conditionne l’efficacité globale dans des espaces aériens exigus.
L’état de la formation : qualité, volume et coopération
La PAF jouit d’une réputation solide de formation de base et tactique, adossée à ses avions école Super Mushshak et K-8P ainsi qu’à une culture « instruteur ». Elle propose des cursus à des forces étrangères (Irak, Biélorussie, Iran), signe d’un appareil doctrinal structuré. Le défi ? Préserver un volume d’heures suffisant pour « absorber » les jeunes pilotes sur JF-17/J-10C/F-16 et maintenir la pyramide d’expérience, alors que le coût du kérosène, la disponibilité moteurs et les arbitrages budgétaires limitent la marge.
Les cinq problèmes majeurs à adresser
- Le retrait ordonné des flottes anciennes (Mirage, F-7) : éviter la « falaise capacitaire » avant que les JF-17 Block III ne soient assez nombreux et pleinement matures (capteurs, EWS, moteurs).
- La soutenabilité logistique sous contraintes : fluidifier les pièces pour F-16 (environnement ITAR) et sécuriser les chaînes RD-93/WS-13 côté JF-17, tout en maintenant le MCO des AEW&C.
- Le volume d’entraînement : garantir un plancher d’heures de vol et de tirs réels, compléter par simulateurs et Red Air, fidéliser les cadres pour éviter l’érosion de l’expérience.
- La résilience des bases : durcir les infrastructures contre frappes stand-off et drones, multiplier abris et moyens C-RAM/GBAD, densifier la défense sol-air autour des hubs (Masroor, Mushaf, Shahbaz, Minhas).
- L’interopérabilité multi-origines : harmoniser capteurs/armes chinois et occidentaux, standardiser les procédures C2 et la guerre électronique, fiabiliser les liaisons de données et la cybersécurité.
L’impact de l’environnement géopolitique
- Avec l’Inde : la Rafale dotée du Meteor impose une menace BVR de haute intensité. La réponse pakistanaise combine J-10C + JF-17 B3 + AEW&C + PL-15, en cherchant à obtenir la première salve et à contraindre l’adversaire dans des corridors étroits. Les échanges récents et les revendications de pertes soulignent la dangerosité d’un duel d’égal à égal sur l’axe Punjab-Cachemire.
- Avec la Chine : partenariat stratégique structurant : approvisionnement J-10C, soutien JF-17, radars, missiles, drones. C’est l’assurance-vie de la modernisation et la clé de la marge de manœuvre budgétaire/technologique.
- Avec les États-Unis : relation utilitariste sur la flotte F-16 (soutien, MLU, pièces). Tout durcissement politique peut créer des frictions sur la disponibilité.
- À l’Ouest (Iran/Afghanistan) : besoins ISR persistants, frappes ponctuelles, usage accru de drones et de moyens spéciaux. La dispersion des escadrons et l’activation de FOB comme Skardu améliorent les temps de réaction.
- En mer d’Arabie : protection des axes CPEC et littoral ; la combinaison JF-17/AShM, surveillance maritime et AEW&C comble un besoin, mais le volume de plates-formes reste compté.
Les « vrais » chiffres : que peut-on avancer sans spéculer ?
En s’en tenant aux répertoires annuels et bases de données ouvertes 2024-2025, l’ordre de grandeur suivant est raisonnable :
- Chasse : environ 300 chasseurs en parc (dont ~120-130 JF-17, ~75 F-16, ~20 J-10C, ~70+ F-7, ~100-130 Mirage encore inventoriés mais avec une part active inférieure).
- AEW&C : 7 à 8 plates-formes (mix Saab 2000 Erieye et Y-8/ZDK-03).
- Ravitailleurs : 4 Il-78.
- Transport : une vingtaine de C-130 actifs, complétés par CN-235, Saab 2000, Y-12.
- Hélicoptères PAF : une trentaine/quarantaine pour SAR/CS, avec AW139 comme pivot.
- Drones : Shahpar II en service, TB2 observés et opérationnels au sein de la PAF pour ISR/munitions guidées.
Ces nombres décrivent l’« en service » et non la fraction du jour apte à générer des sorties. En posture de crise, la PAF concentrerait l’effort sur F-16 Block 52+, J-10C et JF-17 B3, adossés aux Erieye.

Les perspectives : comment renforcer l’équation opérationnelle
- Massifier le JF-17 Block III et rétrofiter un maximum de Block I/II (AESA, EWS, liaisons) pour réduire l’empreinte logistique multi-standards.
- Accroître la flotte J-10C si les finances le permettent, pour disposer d’un « poing » air-air homogène face aux escadrons Rafale.
- Sanctuariser la disponibilité AEW&C et des Il-78 : c’est la rente d’information et l’endurance de patrouille.
- Monter en puissance sur les drones (ISR armé, anti-drone, guerre électronique), domaine où l’industrie locale progresse rapidement.
- Investir dans la protection d’aérodromes (GBAD en couches, abris, dispersions, durcissement) afin de garantir la génération de sorties au-delà des premières 48–72 heures.
- Protéger le capital humain : heures de vol, simulateurs de mission, Red Flag régionaux, fidélisation des instructeurs, maintien des équipes de maintenance.
La lecture stratégique : une puissance aérienne agile, mais sous tension
La Pakistan Air Force a réussi à se doter d’un « noyau moderne » crédible en moins d’une décennie, en diversifiant ses fournisseurs et en capitalisant sur un savoir-faire de formation reconnu. Cette agilité a un coût : la coexistence de standards occidentaux et chinois, des chaînes logistiques longues, et un budget arbitré sous fortes contraintes. La prochaine fenêtre critique sera celle où les JF-17 Block III représenteront la majorité des cellules actives et où la défense de base aura gagné en résilience. Si la PAF franchit ce cap tout en stabilisant sa disponibilité et ses heures d’entraînement, elle maintiendra une dissuasion aérienne robuste vis-à-vis de l’Inde, tout en gérant les frictions à l’Ouest. À défaut, l’effet « ciseau » (usure des flottes anciennes, pression budgétaire, tension logistique) pourrait rogner la capacité à soutenir un tempo d’opérations au-delà de quelques vagues de sorties.
Sources
- FlightGlobal – World Air Forces 2025 directory (parc détaillé par type pour le Pakistan, AEW&C, ravitailleurs, transport et formation).
- Wikipedia – Pakistan Air Force (aperçu flotte, volumes par familles récentes).
- Wikipedia – List of active Pakistan Air Force aircraft (détail par variantes JF-17, J-10C, F-16, Mirage).
- Wikipedia – List of Pakistan Air Force bases (bases majeures, ailes, escadrons et localisations), complété par Scramble.
- Quwa – AW139, structure SAR de la PAF et rôle du No. 88 Squadron.
- Shephard Defence Insight – Bayraktar TB2 : présence et quantités indicatives dans la PAF.
- GIDS – Shahpar II (caractéristiques, évolution Block II).
- Reuters – Programmes et événements récents liant le JF-17 et la politique d’exportation pakistanaise.
- Dawn – Reconnaissance publique des performances du No. 15 Squadron (contexte 2025).
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