L’IA au service de la guerre : Israël-Iran en duel de propagande

L’IA au service de la guerre : Israël-Iran en duel de propagande

Israël et l’Iran mènent une guerre d’information assistée par l’intelligence artificielle, déployant deepfakes, bots et récits rivaux pour dominer le récit.

En résumé

Israël et l’Iran sont engagés dans une guerre de propagande numérique alimentée par l’intelligence artificielle (IA). Chacun produit des vidéos trafiquées, des deepfakes, des narrations polarisées pour gagner les esprits. Israël dispose d’un avantage qualitatif dans la technologie et l’expertise, tandis que l’Iran joue le nombre et exploite le mécontentement intérieur — mais il peine à convaincre sa propre population à cause des dysfonctionnements économiques et de la corruption du clergé. L’opération militaire israélo-américaine de juin 2025, visant à détruire les capacités nucléaires iraniennes, a été accompagnée par une offensive médiatique digitale. L’Iran a répondu avec des ripostes cyber, des campagnes de désinformation et des vidéos manipulées pour influencer l’opinion. Dans ce conflit, le récit compte presque autant que les munitions : contrôler la narration est devenu une arme stratégique à part entière.

Le cadre du conflit Israel-Iran : de la confrontation armée à la guerre narrative

Le conflit entre Israël et l’Iran n’est pas nouveau : depuis la révolution de 1979, leur hostilité s’est doublée d’un affrontement idéologique, stratégique et régional. Israël, fort de ses alliances dans le Golfe et son expertise technologique, cherche à contrer l’expansion iranienne et le programme nucléaire. L’Iran, quant à lui, s’appuie sur un discours anti-occidental, une croissance démographique et un vaste réseau de proxies régionaux.

Dans cette lutte asymétrique, la guerre de l’information occupe une place centrale. Chaque camp déploie ses médias d’État, ses réseaux sociaux, ses relais diplomatiques pour influencer l’opinion intérieure et internationale, légitimer ses actions et discréditer l’adversaire. Avec l’émergence de l’IA générative, ce champ de bataille se complexifie : il devient possible de créer des vidéos, des discours, des images manipulées réalistes, appelées deepfakes, pour piloter la perception.

Selon Radware, dès le déclenchement des frappes israéliennes, l’Iran a lancé des campagnes de désinformation, intimidation et « fake news », ciblant la société israélienne, mais aussi ses propres citoyens pour masquer les pertes et motiver la résistance. Le conflit numérique accompagne les bombardements, les cyberattaques, les ripostes traditionnelles.

Des médias soulignent que les deux camps recourent à une “saturation narrative” : traductions erronées, vidéos sorties de contexte, images remontées ou produites par IA. Des vidéos simulant des destructions à Tel Aviv ont circulé, bien qu’elles aient été produites antérieurement. Il est difficile de démêler le vrai du faux dans ce flux constant, ce qui renforce le rôle des organisations de vérification et de la gestion de la réputation numérique.

Tactiques IA et propagande : techniques et exemples

Deepfakes, vidéos générées, amplification botique

Le recours à l’IA permet de générer des vidéos crédibles montrant des explosions, des discours fictifs ou des scènes de guerre. Ces vidéos circulent rapidement sur les plateformes mobiles, alimentées par des bots ou des comptes relais. TechTarget signale que dans le conflit Iran-Israël, des images aériennes montrant des destructions à Tel Aviv ont été générées avec Google AI et diffusées comme actuelles. Les vérificateurs ont identifié des signes de falsification, mais le message avait déjà atteint l’audience.

La viralité est amplifiée par des botnets IA, des comptes automatisés qui relaient massivement des contenus manipulés. On observe une stratégie d’influence coordonnée, où les contenus favorables sont mis en avant, les critiques reléguées ou censurées.

Débordements cyber et désinformation institutionnelle

Parallèlement, des cyberattaques visent des médias, des infrastructures de communication, des plateformes de diffusion. L’objectif est de perturber la diffusion d’informations contraires, d’intimider ou de forcer le retrait de contenus. L’Iran, déjà sanctionné pour ses efforts de cyberpropagande, utilise des bots, des faux comptes, des campagnes de troll pour semer la confusion.

Des rapports montrent qu’Israël dispose d’un avantage dans les capacités IA, dans la capacité à identifier les signaux de désinformation et à riposter rapidement. Malgré cela, l’Iran continue d’injecter ses récits dans le débat international, en profitant parfois d’un écho dans des communautés pro-Iran ou des médias critiques de l’Occident.

Narration ciblée, désinformation interne, légitimation des actions

Israël exploite le ressentiment iranien à l’égard du régime : les difficultés économiques, la corruption du clergé, le mécontentement populaire. Via des contenus en persan, des messages orientés, des histoires de dissidence, l’objectif est de faire sauter les piliers de la légitimité du pouvoir iranien.

L’Iran, pour sa part, tente de mobiliser la population à travers des récits de résistance, de martyre, de complot occidental. Il déforme les chiffres, minimise les pertes, accuse l’adversaire de crimes fictifs, tout en renforçant le contrôle informationnel interne.

L’IA au service de la guerre : Israël-Iran en duel de propagande

Récents événements : airstrikes, pertes humaines, propagande concomitante

En juin 2025, Israël a lancé des frappes massives contre des installations nucléaires iraniennes et des hauts commandants. Selon l’Iran, 935 personnes sont mortes dans ces attaques, dont 79 lors de l’attaque d’Evin Prison à Téhéran. ([turn0search13], [turn0search44]) L’Iran affirme également que les frappes ont visé civils et détenus. Ces chiffres sont contestés. D’autres sources évoquent plus de 1 000 morts. ([turn0search29])

Israel de son côté a enregistré 29 morts selon des sources parlementaires. Ces pertes sont accompagnées de campagnes de communication intense, où Israël affirme avoir neutralisé le cœur du programme nucléaire iranien avec précision chirurgicale, et accuse l’Iran d’avoir mal protégé ses installations ou ses dirigeants.

Des vidéos de destructions dans Tel Aviv circulent, mais des vérifications montrent qu’elles ont été produites avant la guerre. (Rapport TechTarget) Les médias pro-Iran reprennent ces images comme preuve de riposte efficace, tandis que les médias israéliens dénoncent la désinformation.

La stratégie numérique s’étend aux sanctions économiques : Israël encourage la réduction des achats de pétrole iranien, dans le but de frapper les ressources financières du régime. Cette guerre économique s’accompagne de narrations visant à délégitimer l’Iran sur la scène internationale.

Conséquences stratégiques, risques et avenir de la propagande IA

Perte de confiance, radicalisation, polarisation

Dans un paysage saturé de contenus falsifiés, la confiance dans l’information décline. Les populations deviennent sceptiques, méfiantes, ou prêtes à accepter des récits extrêmes. Cela fragilise les démocraties et renforce les régimes autoritaires capables de contrôler les médias.

Les effets internes en Iran peuvent être déstabilisants. Si le peuple perçoit son gouvernement comme imprudent ou corrompu, l’affaiblissement légitime peut favoriser la dissidence. Israël mise sur ce clivage pour accroître la pression interne.

Intensification de la guerre de narratif

Les États rivaux pourraient développer des capacités de production IA encore plus avancées, des filtres en temps réel, des algorithmes de détection des deepfakes. Le champ de bataille du futur sera autant technologique que militaire.

Les alliances diplomatiques, les médias internationaux, les ONG jouant le rôle de vérification seront des acteurs clés dans ce conflit informationnel.

Questions éthiques, réglementation, guerre de l’ombre

L’emploi d’IA pour manipuler l’opinion pose des défis : quand un État produit des vidéos mensongères pour justifier la guerre, est-ce un crime de guerre ? Comment réglementer la création et la diffusion de deepfakes ? Les mécanismes juridiques internationaux peinent à suivre ce développement.

Il y a aussi le risque d’escalade graduelle : un faux incident créé en ligne pourrait servir de justification à une frappe militaire réelle. Le seuil de déclenchement pourrait devenir flou.

Enfin, les États doivent choisir : tolérer un espace numérique libre mais vulnérable, ou imposer des contrôles et des censures qui peuvent servir d’armes contre la population.

L’affrontement Israël-Iran dépasse désormais les missiles : il se joue dans les réseaux, les algorithmes, les perceptions. L’IA a rendu possible ce que les propagandistes rêvaient : créer des réalités alternatives, brouiller les limites entre vérité et fiction, et faire du récit un élément stratégique. Face à cette crise médiatique, la vigilance, l’éducation critique et la robustesse technologique deviennent aussi essentielles que les défenses antiaériennes.

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