
GE Aerospace et BETA Technologies investissent 300 M$ dans la propulsion hybride-électrique pour transformer l’aviation civile et militaire.
GE Aerospace et BETA Technologies annoncent une alliance majeure avec un investissement de 300 millions de dollars (≈ 276 M€) pour développer un turbogénérateur hybride-électrique destiné à l’aviation de demain. L’objectif est d’allier la maîtrise des moteurs turboshaft CT7 et T700 de GE, éprouvés par des millions d’heures de vol, avec le savoir-faire électrique de BETA. La finalité : créer des aéronefs capables de vols plus longs, avec plus de charge utile, tout en réduisant la dépendance au carburant.
Ce système doit équiper aussi bien les aéronefs VTOL longue portée que les plateformes d’Advanced Air Mobility (AAM). Les applications vont du transport civil à la logistique militaire en environnement contesté, avec la possibilité de soutenir des opérations dispersées dans des zones dégradées. La plateforme ALIA, déjà testée aux États-Unis et en Europe, sera l’un des vecteurs privilégiés de cette intégration.
Ce projet combine des objectifs industriels, opérationnels et technologiques : maturité plus rapide de la propulsion hybride, certification plus fluide grâce à l’expérience accumulée, et ouverture d’un marché en croissance, estimé à plusieurs dizaines de milliards d’euros d’ici 2035.

Un investissement de 300 millions de dollars pour accélérer l’aviation hybride
L’annonce de septembre 2025 marque une étape industrielle décisive. GE Aerospace apporte un financement de 300 M$ (≈ 276 M€), accompagné d’un siège au conseil d’administration de BETA Technologies. Cet engagement n’est pas un simple apport de capital, mais une volonté d’ancrer la coopération sur le long terme.
Le marché des propulsions hybrides-électriques est en forte croissance. Selon des prévisions de l’IATA et de cabinets spécialisés, les investissements cumulés dans les solutions AAM devraient dépasser 50 milliards d’euros d’ici 2035. La propulsion hybride, qui combine moteur thermique et générateur électrique, est considérée comme une étape indispensable vers la réduction des émissions dans l’aviation régionale.
GE, en s’associant à BETA, mise sur une intégration verticale : maîtrise de la turbine thermique, du générateur et de la gestion énergétique. L’équilibre économique repose sur la capacité à produire un système certifiable, robuste et adapté à différents segments (civils et militaires). La logique est claire : partager les coûts de développement, accélérer la mise sur le marché et sécuriser une position dominante dans un secteur où Rolls-Royce, Safran et Pratt & Whitney multiplient aussi les programmes hybrides.
Un système hybride au service du VTOL et de l’AAM
L’innovation repose sur le turbogénérateur hybride, intégrant les moteurs CT7/T700 de GE et la technologie électrique développée par BETA. Ces moteurs ont cumulé plus de 100 millions d’heures de vol dans des contextes civils et militaires, ce qui en fait une base fiable pour la certification.
Le système vise à répondre à trois objectifs opérationnels :
- Allonger l’autonomie des aéronefs VTOL et AAM, aujourd’hui limitée par la densité énergétique des batteries.
- Accroître la charge utile afin d’ouvrir le marché à des missions logistiques et de transport plus lourdes.
- Maintenir des performances de sécurité aéronautique comparables aux standards de l’aviation commerciale.
Ce modèle hybride corrige une limite technique actuelle : les batteries lithium-ion atteignent environ 250 Wh/kg, quand le kérosène reste supérieur à 12 000 Wh/kg. Le générateur thermique assure donc une production électrique continue, tout en permettant une optimisation énergétique et une réduction relative des émissions.
Les applications civiles concernent le transport de passagers en milieu urbain, la logistique express ou encore l’évacuation médicale. Les applications militaires incluent le soutien en zone contestée, où la dépendance à des convois de carburant classiques expose les forces à des menaces asymétriques.
La plateforme ALIA comme banc d’essai opérationnel
La plateforme ALIA, développée par BETA, sera l’un des principaux bancs d’essai. Conçue pour supporter des cadences opérationnelles élevées, elle a déjà effectué des vols de test aux États-Unis et en Europe, avec des validations en conditions réelles de météo variée.
La version ALIA MV250 est optimisée pour les missions militaires. Elle propose une autonomie adaptée aux logistiques dispersées, une capacité à opérer depuis des terrains rudimentaires et une charge utile permettant le transport de matériels tactiques. Sa vocation est claire : remplir le vide entre l’hélicoptère et le véhicule terrestre en termes de mobilité et de rapidité.
Les avantages sont multiples :
- Réduction de l’empreinte sonore (< 60 dB mesurés à proximité).
- Opérations toutes conditions météorologiques, avec systèmes redondants.
- Intégration d’une propulsion électrique propriétaire permettant des cycles de vol fréquents avec peu de maintenance.
Pour le marché civil, l’ALIA se positionne sur les liaisons régionales et les services d’urgence. Pour le marché militaire, elle répond à la doctrine américaine de distributed operations, c’est-à-dire la dispersion des moyens pour réduire la vulnérabilité.
Des applications civiles et militaires convergentes
GE et BETA visent une double clientèle. Du côté civil, la propulsion hybride intéresse les compagnies aériennes régionales, confrontées à des contraintes environnementales de plus en plus strictes. L’Union européenne impose une réduction des émissions de 55 % d’ici 2030, ce qui pousse les opérateurs à tester des solutions alternatives. Le segment des avions régionaux (moins de 50 passagers) est considéré comme le plus favorable à une adoption rapide.
Du côté militaire, les besoins sont tout aussi pressants. Les conflits récents ont montré la vulnérabilité des lignes logistiques carburant. Réduire cette dépendance signifie moins de convois, donc moins de cibles exposées. Le turbogénérateur hybride devient une réponse à la guerre en environnement dénié, où l’autonomie énergétique conditionne la survivabilité.
Le marché potentiel est considérable. Selon une estimation de Markets and Markets, le marché mondial de la propulsion hybride-électrique aéronautique pourrait atteindre 30 milliards d’euros en 2035, avec un taux de croissance annuel supérieur à 10 %. Les premiers contrats devraient concerner les forces armées américaines et les opérateurs régionaux européens, déjà engagés dans des programmes pilotes.
Les enjeux industriels et stratégiques
Pour GE Aerospace, ce partenariat s’inscrit dans une trajectoire déjà marquée par des jalons importants. En 2016, l’industriel avait validé un premier moteur électrique entraînant une hélice. En 2022, il a réalisé un essai hybride de 1 MW sous conditions de vol simulées à haute altitude. Ces étapes témoignent d’une montée en puissance progressive.
Pour BETA Technologies, la valeur ajoutée réside dans la capacité d’industrialisation et la certification qu’apporte GE. Les start-up aéronautiques font face à une barrière critique : passer de prototypes fonctionnels à des aéronefs certifiés par la FAA ou l’EASA. L’expérience accumulée par GE dans ce domaine réduit le risque de retard.
Sur le plan stratégique, cette coopération illustre une tendance plus large : la fusion entre géants historiques et nouveaux entrants de l’AAM. L’équilibre est délicat : GE sécurise une technologie émergente sans investir dans une filiale interne, tandis que BETA bénéficie d’un accès accéléré aux marchés militaires et civils.

Les conséquences à moyen terme pour le secteur aéronautique
À horizon 5 à 10 ans, cette initiative pourrait bouleverser la structure du marché. Trois conséquences principales peuvent être identifiées :
- Accélération de la certification : le projet vise à présenter un système hybride validé par les autorités dès 2028-2030, bien avant les prévisions initiales de nombreux concurrents.
- Redistribution des rôles industriels : les motoristes deviennent aussi fournisseurs de systèmes électriques complets, ce qui réduit la place des équipementiers indépendants.
- Effet d’entraînement sur les politiques publiques : les programmes nationaux et européens pourraient orienter davantage de financements vers l’hybride, au détriment du tout-électrique, jugé trop limité en autonomie.
Le risque existe cependant de voir les coûts de développement dépasser les prévisions, en particulier si la maturité batterie n’évolue pas au rythme attendu. Mais l’intégration hybride limite ce risque en offrant une solution transitoire réaliste.
Avion-Chasse.fr est un site d’information indépendant.