
Paris soupçonne la Chine d’avoir mené une opération secrète pour nuire aux ventes du Rafale à l’export, notamment en Indonésie.
Une accusation grave aux enjeux stratégiques
Selon des révélations récentes issues du renseignement français, Pékin aurait mené une campagne de désinformation structurée et clandestine contre le Rafale de Dassault Aviation. Cette opération viserait à affaiblir la réputation du chasseur multirôle français dans plusieurs pays importateurs, dont l’Indonésie, pour favoriser les alternatives chinoises comme le J-10C. Cette campagne n’a rien d’improvisé : elle s’appuierait sur des relais diplomatiques, des sites anonymes, des comptes sociaux fictifs, et des pressions directes sur les responsables étrangers. Les services français évoquent une stratégie offensive, concertée, et en phase avec la montée en puissance de l’industrie de défense chinoise.
La nature de cette opération, telle que décrite par l’Agence France-Presse et l’AP, n’est pas sans précédent dans le monde du renseignement militaire. Mais elle se distingue par l’implication directe de réseaux diplomatiques chinois, y compris certaines ambassades, pour diffuser ou relayer des contenus négatifs. En ligne de mire : les marchés d’Asie du Sud-Est, du Moyen-Orient et d’Afrique, où la compétition aéronautique est féroce et hautement politique.
Dans un contexte international tendu, cette affaire soulève des questions sur la sécurité informationnelle des industriels européens. Elle interroge aussi les pratiques d’influence chinoises en matière de vente d’armement.
Une stratégie chinoise d’influence ciblée
Utilisation des ambassades comme vecteurs
Les documents fournis aux autorités françaises indiquent que certaines ambassades de Chine ont participé activement à cette campagne. Les agents identifiés auraient relayé des contenus dénigrant le Rafale à des responsables politiques ou militaires de pays partenaires de la France. Ces messages portaient sur la fiabilité de l’avion, sa maintenance prétendument complexe, ou encore le rapport coût-efficacité.
À Jakarta, des membres du gouvernement indonésien auraient été approchés directement. Des arguments techniques et budgétaires erronés auraient été diffusés en marge des négociations sur les 42 Rafale commandés par l’Indonésie en 2022 pour environ 8,1 milliards d’euros. Or, ces données s’avéraient infondées : elles mettaient en doute la capacité de Dassault à livrer dans les temps ou encore le soutien logistique français.
Désinformation via médias et réseaux
Une autre composante majeure de l’opération était la propagation d’articles anonymes et de contenus biaisés sur des plateformes en ligne peu identifiables. Ces publications, souvent en anglais ou en indonésien, s’attaquaient à la prétendue obsolescence des Rafale ou à des incidents fictifs. Le ton variait, mais les accusations techniques revenaient systématiquement : absence de radar AESA performant, défauts de furtivité ou encore coûts opérationnels exorbitants.
En parallèle, plusieurs comptes sur X (ex-Twitter) et Facebook ont relayé ces contenus, en créant artificiellement un débat autour de la pertinence d’acquérir des Rafale. Certains de ces comptes utilisaient des photos de profil générées par IA et reprenaient des éléments de langage proches des publications officielles chinoises.
But recherché : pousser vers le J‑10C
L’objectif n’était pas seulement de freiner les ventes françaises, mais de promouvoir directement le J‑10C chinois. Ce chasseur léger, dérivé du Su‑27 et équipé de technologies locales (dont le radar KLJ-7A), est régulièrement proposé à bas coût, avec options de transfert technologique partiel. La Chine le met en avant comme alternative « équivalente » au Rafale, notamment en Asie du Sud-Est et en Afrique.
En ciblant la réputation du Rafale, Pékin vise à positionner ses appareils comme des solutions crédibles, dans un contexte où elle peine encore à percer sur le segment haut de gamme face aux F‑16V, Rafale ou Typhoon.

Des répercussions commerciales et géopolitiques
L’impact sur la relation Paris–Jakarta
La stratégie chinoise a eu des conséquences tangibles. En Indonésie, plusieurs responsables politiques ont exprimé des doutes temporaires sur la viabilité du programme Rafale, bien que le contrat ait été signé en février 2022. Le calendrier des livraisons, prévu sur six ans, a suscité des rumeurs de blocage ou de revente partielle, toutes démenties par le ministère de la Défense indonésien.
Le rôle de l’ambassade de France à Jakarta a été crucial pour contrer ces allégations et rétablir des canaux directs avec le ministère de la Défense local. L’intervention diplomatique française a été renforcée dès la fin 2023, avec un appui accru de la DGA et de Dassault Aviation.
Une rivalité industrielle aggravée
Sur le plan commercial, cette affaire illustre la rivalité croissante entre les avionneurs français et chinois. En 2024, la Chine a proposé des J-10C à plusieurs États africains à des prix inférieurs de 30 à 40 % à ceux des avions occidentaux, selon les estimations de la DGA. Ces offres incluent souvent des facilités de paiement à long terme, la construction d’unités locales d’entretien, et des crédits adossés aux banques d’État chinoises.
Face à cela, la France doit redoubler d’efforts pour préserver ses marchés. Dassault bénéficie de la supériorité technique du Rafale (moteur Snecma M88, radar AESA RBE2, interopérabilité OTAN), mais son coût à l’achat et à l’entretien reste plus élevé, autour de 80 à 90 millions d’euros l’unité.
Une guerre de l’information assumée
Le contexte général est celui d’une guerre de l’information de plus en plus ouverte, où les puissances industrielles n’hésitent plus à déployer des stratégies hybrides mêlant cyber, influence et diplomatie. Les accusations françaises contre Pékin interviennent dans un moment de tensions accrues, avec une recrudescence d’incidents en mer de Chine méridionale, et une compétition directe sur plusieurs marchés d’armement.
La France n’a pour l’instant pas officiellement nommé d’État tiers dans ses déclarations publiques, mais les documents consultés par plusieurs médias indiquent clairement une implication directe de la Chine. Le Quai d’Orsay n’a pas exclu des actions de rétorsion diplomatique discrètes, notamment un durcissement des conditions d’exportation vers Pékin dans les secteurs sensibles.
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