
Pékin lance une campagne de désinformation visant le Rafale, profitant de l’opération Sindoor pour vanter le J-10C et le missile PL-15.
Une offensive informationnelle ciblant le Rafale après l’opération Sindoor
Depuis début juillet 2025, la Chine mène une campagne de désinformation sur les réseaux sociaux à propos du Rafale, l’avion de chasse français en service dans plusieurs armées, dont celle de l’Inde. Cette offensive numérique fait suite aux affrontements armés entre l’Inde et le Pakistan lors de l’opération Sindoor, une escalade militaire rapide et intense dans la région du Jammu-et-Cachemire.
L’élément déclencheur est la prétendue perte d’au moins un Rafale indien, information non confirmée officiellement par New Delhi, mais reprise massivement sur les plateformes comme X (anciennement Twitter). Des comptes liés à la sphère pro-Pékin affirment que l’abattage aurait été réalisé par des J-10C chinois livrés au Pakistan, utilisant des missiles longue portée PL-15. La narration proposée insiste sur la supériorité technologique présumée des armements chinois, notamment en matière de détection, de guerre électronique et de portée missile.
Le PDG de Dassault Aviation, Éric Trappier, a réagi publiquement en qualifiant ces accusations de “campagne de dénigrement orchestrée” visant à affaiblir la crédibilité du Rafale sur les marchés stratégiques. Il a affirmé que les pertes opérationnelles dans un conflit ne sauraient être interprétées comme une remise en cause de la plateforme elle-même, rappelant que le Rafale est engagé sur plusieurs théâtres opérationnels depuis 2004 avec un taux de fiabilité éprouvé.
Cette attaque informationnelle intervient dans un contexte où le Rafale est en compétition directe avec les avions de chasse chinois, notamment pour les contrats à l’export en Asie, au Moyen-Orient, et en Afrique. Le moment est particulièrement sensible pour Dassault, alors que plusieurs négociations sont en cours, notamment en Indonésie et en Colombie.
Une stratégie de guerre cognitive bien rodée par Pékin
La désinformation militaire n’est pas une nouveauté dans la doctrine chinoise. Pékin a institutionnalisé depuis plus d’une décennie la guerre de l’information, aussi appelée “guerre cognitive”, comme vecteur de pression géopolitique. Dans le cas du Rafale, les mécanismes utilisés sont typiques : diffusion virale de contenus visuels non authentifiés, exploitation de comptes anonymes coordonnés, hashtags en mandarin et en anglais, et relais par des comptes semi-officiels.
Les messages publiés présentent souvent des images floues d’explosions, des interceptions radar falsifiées ou des vidéos de drones armés, prétendument pakistanais, visant des chasseurs indiens. Ces contenus sont ensuite interprétés comme preuves de la vulnérabilité du Rafale face aux J-10C, l’avion de chasse chinois mis en avant par l’industrie aéronautique de la RPC.
L’objectif est double : fragiliser l’image du Rafale sur les marchés à l’export et promouvoir les performances du J-10C, vendu comme une alternative moins coûteuse et technologiquement compétitive. Selon plusieurs observateurs, les messages les plus agressifs proviennent de comptes situés dans des zones linguistiques stratégiques, notamment en Indonésie, Égypte, Algérie et Bangladesh – autant de pays en négociation ou ayant exprimé un intérêt pour le Rafale.
Dans cette logique, le missile PL-15, d’une portée estimée à plus de 300 kilomètres, est présenté comme capable de neutraliser le Rafale avant même que celui-ci n’entre en portée de tir. Toutefois, les données techniques sur le PL-15 restent largement classifiées, et aucune évaluation indépendante crédible n’a démontré un avantage systématique sur le Meteor européen, qui équipe les Rafales indiens.

Des enjeux commerciaux cruciaux pour Dassault Aviation
Le Rafale, vendu environ 85 millions d’euros l’unité (hors armements et support logistique), représente l’un des produits de défense les plus exportés de la France. Depuis 2015, Dassault Aviation a signé des contrats avec l’Égypte, le Qatar, l’Inde, la Grèce, la Croatie, les Émirats arabes unis et, plus récemment, l’Indonésie.
Dans ce contexte, toute attaque contre la réputation du Rafale, qu’elle soit militaire ou médiatique, prend une dimension stratégique. La campagne actuelle s’inscrit dans un moment délicat pour le marché des avions de chasse, où le J-10C cherche à s’imposer comme une alternative asiatique plus accessible, avec un prix unitaire estimé à environ 50 millions d’euros. Le soutien diplomatique de Pékin renforce encore l’attrait de ce modèle pour les pays non-alignés ou dépendants de crédits d’État chinois.
Selon des analystes militaires, la tentative de discrédit repose sur un narratif préfabriqué : le Rafale serait trop coûteux, vulnérable face aux nouvelles générations de missiles air-air chinois, et technologiquement dépassé par les progrès rapides de l’industrie chinoise. Cette approche néglige plusieurs réalités opérationnelles. D’une part, les armées ayant intégré le Rafale rapportent un taux de disponibilité supérieur à 75 %. D’autre part, aucune perte confirmée en combat aérien n’avait été enregistrée jusqu’à la bataille évoquée dans l’opération Sindoor.
Dassault Aviation a, pour sa part, réaffirmé que les Rafales livrés à l’Inde sont personnalisés selon les besoins de l’Indian Air Force, avec des capteurs avancés, un radar AESA RBE2, un système de guerre électronique Spectra, et des liaisons de données cryptées. La version indienne du Rafale est aussi compatible avec le missile Meteor, conçu pour engager des cibles au-delà de 200 kilomètres.
Un enjeu diplomatique pour l’Inde et la France
La campagne de désinformation actuelle a des répercussions bien au-delà du simple domaine militaire. Pour New Delhi, il s’agit de défendre un choix stratégique majeur, réalisé dans un contexte de tension croissante avec Pékin et Islamabad. La remise en question de l’efficacité des Rafales touche aussi la crédibilité de la doctrine de supériorité aérienne de l’Indian Air Force.
La France, de son côté, perçoit dans cette campagne une tentative de saper ses intérêts stratégiques dans la région indo-pacifique. Le Rafale est aussi un levier de sa diplomatie de défense : Paris associe systématiquement ses ventes à des programmes de coopération industrielle, de transfert de technologies et d’entraînement croisé, ce que ne permet pas le système chinois de vente d’armements.
L’ambassade de France en Inde a discrètement fait savoir que la communication autour des pertes supposées était instrumentalisée par des sources dont la fiabilité est discutable, sans citer explicitement Pékin. L’État-major indien, lui, s’est abstenu de commenter officiellement les rumeurs circulant sur X, mais des sources militaires anonymes ont indiqué qu’aucun Rafale n’avait été abattu par un missile PL-15, et qu’un seul appareil avait été endommagé au sol.
Cette affaire révèle aussi les limites des régulations internationales sur la guerre de l’information. Aucune instance ne peut aujourd’hui sanctionner un État pour des campagnes numériques agressives à visée commerciale. L’affaire du Rafale face au J-10C pourrait donc devenir un cas d’école pour la régulation future de ces pratiques.
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