La France lance le blindé Serval C-UAV de KNDS France : canon 30 mm, radar et détection RF pour contrer les drones dès 2028.
Le blindé Serval, dans sa version dédiée à la lutte anti-drone (C-UAV / LAD), combine un canon téléopéré de 30 mm, un radar 3D et des capteurs radiofréquence pour détecter et détruire les drones. La France a commandé 24 exemplaires, avec l’objectif d’en acquérir 48, qui seront livrés à partir de 2028. Ce véhicule s’ajoute aux nombreuses variantes du programme, offrant une réponse modulable face à l’évolution des menaces aériennes légères.
Un nouveau projet pour contrer les menaces aériennes légères
Le groupe KNDS France a récemment révélé la version “Counter-UAV” du blindé Serval, conçue pour neutraliser les menaces de drones.
- Ce blindé est équipé d’un tourelleau téléopéré ARX®30, armé d’un canon de calibre 30 mm, capable de tirer à cadence élevée sous haute élévation — une configuration adaptée aux drones volants à basse hauteur.
- À cela s’ajoutent des systèmes de détection sophistiqués : un radar 3D, des capteurs électro-optiques et des détecteurs radiofréquence (RF). Ces dispositifs permettent d’identifier, suivre et engager automatiquement des cibles aériennes de petite taille, souvent difficiles à repérer.
- L’intégration d’une munition “airburst” (explosive à fragmentation) adaptée aux drones légers augmente l’efficacité du canon. L’obus éclate à distance programmée, créant un nuage létal de fragments, idéal contre des cibles multiples ou de faible signature.
Ce véhicule s’inscrit dans le cadre du programme SCORPION, destiné à moderniser les capacités blindées de l’armée de Terre. Le Serval C-UAV s’ajoute à une gamme très variée de versions (transport de troupes, guerre électronique, poste de commandement, appui feu, etc.).
Commandes, calendrier et chiffres-clés
L’importance stratégique accordée au Serval est illustrée par les commandes passées récemment :
- En décembre 2024, la direction française d’achat de la défense (DGA) a commandé 530 véhicules Serval “Appui SCORPION”. Parmi eux, 24 unités sont spécifiquement désignées “C-UAV / LAD” pour lutte anti-drone.
- L’objectif légal via la loi de programmation militaire prévoit 48 Serval C-UAV au total.
- Les premières livraisons sont annoncées pour 2028.
La version “standard” du Serval – blindé léger multirôle 4×4 – affiche les caractéristiques suivantes : longueur environ 6,7 m, poids ~ 17 tonnes, équipage de 2 + 8 soldats.
Le coût unitaire standard d’un Serval (selon estimation 2021) se situe autour de 1,2 million d’euros. Ce chiffre peut varier selon la version et les équipements embarqués.
Pourquoi un tel blindé : le besoin d’une défense anti-drone moderne
Le conflit en Ukraine a mis en évidence la menace que représentent les drones — notamment les UAV de petite taille, les munitions rôdeuses, et les “essaims”. Des plateformes blindées coûteuses ont subi des dommages importants causés par des appareils bon marché mais efficaces.
Plusieurs caractéristiques rendent les drones particulièrement problématiques :
- taille réduite, signature faible, vol à basse altitude, vitesse parfois élevée ;
- capacité à frapper en nombre ou en essaims, saturant les défenses traditionnelles ;
- coût très faible comparé aux véhicules ou systèmes anti-aériens classiques.
Face à ces menaces, des solutions traditionnelles comme les missiles sol-air (VSHORAD), MANPADS ou systèmes à canon d’artillerie lourde s’avèrent souvent trop lentes, trop coûteuses ou mal adaptées.
Le Serval C-UAV répond à ce défi avec une chaîne d’engagement complète : détection (radar + RF + capteurs), identification, suivi et neutralisation rapide via canon 30 mm — un concept “sensor-to-shooter”. Cette approche réduit le délai entre alerte et tir, crucial face à des drones rapides ou en essaim.
En outre, l’utilisation d’une munition “airburst” améliore l’efficacité sans nécessiter de précision chirurgicale : un tir bien calibré peut neutraliser plusieurs drones ou munitions rôdeuses sans viser point par point.
Conséquences stratégiques pour l’armée française
La mise en service du Serval C-UAV marque un tournant dans la capacité de l’armée de Terre à se défendre contre les menaces aériennes légères et à basse altitude. Plusieurs impacts concrets peuvent être identifiés :
- Protection accrue des convois, bases et unités déployées : en environnement de haute intensité, un blindé comme le Serval peut servir d’écran mobile, protégeant des forces terrestres contre des frappes de drones ou munitions rôdeuses.
- Réduction des pertes et des coûts : neutraliser un drone à 30 mm coûte sans doute bien moins cher qu’une interception par missile sol-air. De plus, un canon auto suffit, sans coût d’approvisionnement dramatique.
- Capacité de réaction rapide, automatisée, et intégrée : le système regroupe détection, identification, tir — avec un minimum d’intervention humaine, ce qui réduit le risque d’erreur ou de retard.
- Flexibilité tactique et modularité : dans la logique du programme SCORPION, le Serval peut exister en de nombreuses variantes. Le C-UAV s’ajoute ainsi à une famille de véhicules capables de remplir divers rôles selon le contexte.
- Effet dissuasif pour les forces adverses : savoir qu’une force adverse dispose de blindés capables de réagir automatiquement aux drones rend les attaques de faible signature bien moins attrayantes.

Limites, défis techniques et délais
Toutefois, le projet reste soumis à des incertitudes. Plusieurs défis techniques et logistiques pèsent sur l’efficacité réelle du Serval C-UAV :
- Le canon ARX 30 génère un recul important (~ 650 kg), ce qui impose des contraintes sur la structure du blindé, notamment le toit, pour absorber les contraintes.
- Le développement de la munition airburst, programmable et fiable, est encore en cours. Ce type de munition nécessite une électronique robuste, des systèmes de sécurité (anti-détente accidentelle) et doit résister aux interférences électromagnétiques.
- Le délai avant livraison — 2028 — laisse un vide potentiellement critique : si un conflit éclate avant, les forces devront se contenter de systèmes plus anciens, moins adaptés aux menaces drone.
- Les 24 premiers blindés commandés sont peu nombreux : face à un front étendu et une menace diffuse, la couverture risque d’être insuffisante, à moins d’accélérer la production.
De plus, même si le canon 30 mm est efficace contre des drones légers, il pourrait être moins adapté contre des UAV lourds, des munitions rôdeuses rapides ou des drones furtifs. Dans ces cas, des missiles ou des systèmes plus sophistiqués restent pertinents.
Un marché à venir — export, standardisation, guerre anti-drone européenne
Le choix de développer un blindé multifonction modulaire — et d’y intégrer une version anti-drone — n’a pas qu’une dimension nationale. Plusieurs conséquences industrielles, stratégiques et diplomatiques se dessinent :
- DGA (Direction générale de l’armement) prépare un parc de blindés modernisés, mais l’existence d’un véhicule exportable comme le Serval C-UAV pourrait séduire des alliés ou des partenaires cherchant une solution anti-drone fiable et abordable. Plusieurs observateurs évoquent un intérêt potentiel à l’export.
- Le retour des canons auto-moteurs de calibre moyen (30 mm) dans la lutte anti-drone marque un mouvement de fond : les systèmes “missiles uniquement” ne suffisent plus. Ce type d’arme, combinée à des capteurs avancés, pourrait devenir une norme pour la défense rapprochée.
- L’intégration de la version C-UAV dans un programme commun entre pays européens pourrait favoriser l’interopérabilité, la standardisation des pièces et des doctrines — un enjeu important dans un contexte géopolitique instable.
- Le développement d’armes et de munitions “airburst” et programmables ouvre la voie à un renouvellement des doctrines de défense et d’engagement : efficacité, rapidité et économie remplacent de plus en plus le paradigme de surpuissance.
Un pari technologique et stratégique risqué
L’introduction du blindé Serval C-UAV représente un tournant. En combinant détection automatisée, canon 30 mm et munition airburst, la France investit dans une approche pragmatique et moderne de la lutte anti-drone. Ce choix pourrait s’avérer pertinent face à des menaces asymétriques — drones de reconnaissance, UAV de faible coût, essaims.
Mais ce pari comporte des risques. Le succès dépend fortement de la fiabilité des munitions, de l’efficacité des capteurs, de la robustesse du système face aux interférences électromagnétiques, et de la rapidité de livraison. Avec seulement 24 véhicules commandés et des premières livraisons prévues en 2028, le temps presse.
Surtout, face à des drones plus lourds, plus rapides, silencieux ou furtifs, les capacités du canon 30 mm peuvent atteindre leurs limites. Il faudra probablement combiner le Serval C-UAV avec d’autres moyens — missiles, guerre électronique, drones de défense — pour obtenir une protection réellement fiable.
En l’état, le Serval C-UAV incarne un compromis — entre agilité, modularité, coût et efficacité — mais ce compromis devra faire ses preuves sur le terrain, dans un contexte où les menaces évoluent constamment.
Sources
National Interest – « France Just Unveiled a Powerful New Counter-Drone System »
KNDS France – Communiqués officiels sur le Serval Counter-UAV
Army Recognition – Analyses techniques du Serval LAD et du programme SCORPION
Defence Leaders – Présentation du Serval Counter-UAV et données industrielles
Forces Operations Blog – Articles sur le développement du canon ARX30, des munitions airburst et des contraintes techniques
DGA (Direction générale de l’armement) – Informations publiques sur les commandes Serval et la LPM
Wikipedia (VBMR-L Serval) – Données techniques générales et coûts estimatifs
Projet13 – Informations générales sur le VBMR-L Serval
Defence Arabia – Description des « Dronised Function Kits »
The Defense Post – Détails sur les munitions airburst et les capacités du tourelleau ARX30
Avion-Chasse.fr est un site d’information indépendant.