
Le futur missile RJ10 propulsera le Rafale F5 dans un nouveau rôle stratégique, fondé sur l’engagement à distance et la coordination avec des drones.
Le Rafale F5, futur standard du chasseur français, intègre un missile antiradar supersonique longue portée, dérivé du RJ10 de MBDA, afin de compenser l’absence de furtivité passive. Cette arme permettra de neutraliser les systèmes radar adverses à plus de 500 kilomètres, à une vitesse supérieure à Mach 3,5. Développé dans le cadre de la Loi de programmation militaire 2024-2030, ce missile répond à un vide capacitaire SEAD (Suppression of Enemy Air Defense) laissé vacant depuis la fin des années 1990. Couplé à des drones de combat dérivés du Neuron, des vecteurs Remote Carrier et des drones MALE, le Rafale F5 opérera désormais dans une doctrine d’engagement distribué, favorisant les frappes coordonnées, la guerre collaborative et la survie en environnement fortement défendu.
Le retour stratégique d’une capacité SEAD pour les forces françaises
Depuis le retrait du missile AS-37 Martel, les armées françaises n’ont plus eu de capacités de suppression électronique des défenses antiaériennes. Contrairement à plusieurs partenaires de l’OTAN, la France n’a jamais équipé le Rafale de missiles antiradars comme le HARM AGM-88.
Les conflits récents, en particulier la guerre en Ukraine, ont mis en évidence l’importance tactique des systèmes sol-air multicouches, capables de dissuader ou de bloquer l’action des flottes de chasse. Le Rafale, bien que performant en environnement contesté grâce à son système SPECTRA, reste vulnérable à des défenses radar modernes, notamment russes ou chinoises.
La LPM 2024-2030 a donc intégré un besoin capacitaire prioritaire : concevoir un missile antiradar national compatible avec le futur standard Rafale F5. Ce besoin repose sur plusieurs constats :
- Les munitions actuelles (AASM, SCALP-ER) ne sont pas conçues pour la neutralisation spécifique de radars.
- L’efficacité des contremesures passives atteint ses limites face aux radars AESA modernes.
- L’engagement à distance permet de limiter les risques humains et matériels tout en conservant l’effet stratégique recherché.
Le missile antiradar RJ10, prévu pour entrer en service en 2035, s’inscrit dans une logique de dissuasion conventionnelle renforcée et de protection des vecteurs majeurs (avions, drones, satellites). Il sera complémentaire du futur missile ASN4G, successeur du missile nucléaire ASMPA-R, ce qui souligne une cohérence stratégique dans la montée en gamme des moyens aériens français.

Un missile longue portée dérivé du RJ10 : caractéristiques et performances
Le missile annoncé sera une variante antiradar du RJ10, un engin de croisière supersonique développé dans le cadre du programme FMAN/FMC franco-britannique.
Le RJ10 antiradar visera une portée supérieure à 500 kilomètres, avec une vitesse supersonique soutenue au-delà de Mach 3,5. Ce profil lui permettra de :
- Réduire son temps d’exposition aux défenses,
- Franchir les couches radar en vol rasant ou en trajectoire balistique,
- Surprendre les systèmes adverses par la vitesse d’approche.
En comparaison :
- Le HARM AGM-88G américain atteint Mach 4, pour une portée d’environ 350 kilomètres,
- Le SPEAR EW britannique ne dépasse pas 150 kilomètres à vitesse subsonique.
La propulsion du RJ10 repose probablement sur un statoreacteur ou turboréacteur compact, combiné à une inertie de vol optimisée. Sa charge utile sera dédiée à la neutralisation des émetteurs radar par frappe cinétique ou détonation dirigée, avec un guidage basé sur :
- La détection d’émissions électromagnétiques (ESM),
- Une navigation inertielle couplée à des capteurs de dernière génération,
- Des options d’interruption de mission si l’émetteur cesse de transmettre.
Le missile pourrait aussi être équipé d’une capacité secondaire de reconnaissance passive, ou servir de plateforme de brouillage avancé.
Son intégration dans le Rafale F5 implique une évolution du câblage, des calculateurs, de la fusion de données et de la puissance électrique embarquée, fournie par une version améliorée du moteur M88, appelée T-REX.
Une architecture d’engagement distribuée centrée sur le Rafale F5
Le Rafale F5, attendu en 2030, ne sera pas furtif. Il sera simplement discret grâce à une gestion optimisée de la signature radar et thermique. Face à des menaces de haute intensité, cela impose une doctrine d’emploi à distance : engager sans être engagé.
Le missile RJ10 antiradar devient alors une clé tactique. En frappant les radars de veille ou de conduite de tir à plusieurs centaines de kilomètres, le Rafale peut rester en retrait, tout en ouvrant la voie aux autres effecteurs.
Cette stratégie s’accompagne d’une nouvelle logique de kill-chain, où le Rafale ne joue plus seul. Il agit comme chef d’orchestre, recevant, traitant et redistribuant les données issues :
- De drones de combat lourds, dérivés du Neuron (18 tonnes en masse au combat),
- De drones Remote Carrier expendables, destinés à identifier et désigner les cibles,
- De drones MALE (type Eurodrone, Aarok), jouant le rôle de relais de communication ou de stations ISR étendues.
Cette architecture en réseau permet de traiter des cibles mobiles ou furtives, d’ajuster les frappes en temps réel, et de préserver les plateformes habitées des menaces immédiates.
Ainsi, le Rafale F5, même sans furtivité intrinsèque, devient le nœud central d’un système de systèmes, où chaque vecteur a une fonction précise et coordonnée. Cela permet de s’adapter aux défenses anti-aériennes modernes, sans recourir à une solution monolithique.

Une alternative stratégique au concept de “Super-Rafale” ?
Avec l’émergence du Rafale F5, équipé du missile RJ10 antiradar et intégré à une constellation de drones, la pertinence d’un Super-Rafale furtif est de plus en plus débattue.
Initialement envisagé comme une réponse industrielle à l’absence de SCAF avant 2040 et comme un interlocuteur commercial au F-35, le Super-Rafale redessiné pour intégrer une furtivité passive poussée serait coûteux, long à certifier, et difficile à rentabiliser.
À l’inverse, la solution Rafale F5 + drones présente plusieurs avantages :
- Réactivité industrielle : les briques technologiques sont déjà en développement,
- Souplesse tactique : l’engagement à distance est adaptable à différents théâtres,
- Économie de moyens : le Rafale n’a pas besoin d’entrer dans la bulle défensive adverse.
Mais cette approche repose sur une condition clé : que le Rafale F5 et son drone lourd soient produits en nombre suffisant, et à un coût maîtrisé.
Si chaque binôme Rafale + drone approche le coût d’un chasseur furtif unique, le modèle reste viable. Mais si le coût cumulé dépasse celui d’un F-35A ou d’un NGF unitaire, alors la question du Super-Rafale pourrait refaire surface, notamment pour maintenir un volume de flotte cohérent.
Le débat reste donc ouvert. Le choix dépendra des budgets, des exportations, de la maturité industrielle et surtout de la fiabilité des performances opérationnelles attendues de ce nouvel écosystème tactique.
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