
L’OTAN avertit du renforcement militaire chinois et du danger d’escalade autour de Taïwan, point critique des rivalités mondiales.
Le 23 juin 2025, le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a tiré la sonnette d’alarme concernant la montée en puissance militaire de la République populaire de Chine, qualifiée de « massive ». Cette déclaration intervient dans un contexte où les tensions autour de Taïwan s’intensifient, alimentées par les conclusions du rapport de mai 2025 de la Defense Intelligence Agency (DIA) des États-Unis. Ce document envisage une série de scénarios offensifs limités de la part de Pékin, notamment la prise de contrôle d’îles périphériques comme Kinmen, Matsu ou Pratas, pour faire pression sur Taipei sans lancer une invasion directe.
Ce durcissement stratégique intervient alors que l’OTAN élargit son périmètre d’attention au théâtre Indo-Pacifique, traditionnellement hors de sa zone géographique initiale. Le sujet inquiète d’autant plus que les capacités militaires de la Chine pourraient s’articuler avec celles de la Russie, forçant l’Alliance à réévaluer ses priorités budgétaires et opérationnelles. Une proposition vise à augmenter les budgets de défense à 5 % du PIB, contre l’objectif actuel de 2 %.
Au-delà du risque de confrontation militaire, un conflit dans le détroit de Taïwan aurait des répercussions économiques majeures, en particulier sur l’industrie mondiale des semi-conducteurs. L’article analyse en profondeur les menaces opérationnelles, la stratégie chinoise, les limites capacitaires de l’OTAN, et les risques d’une extension du conflit à d’autres régions.
La militarisation rapide de la Chine : un changement d’échelle
La montée en puissance militaire de la Chine depuis 2015 s’est accélérée sous l’impulsion de Xi Jinping, avec une transformation profonde de la People’s Liberation Army (PLA). Le budget militaire chinois officiel pour 2025 s’élève à 243 milliards d’euros, soit une augmentation de 7,2 % par rapport à 2024, selon les chiffres officiels de Pékin. Officieusement, les dépenses totales pourraient dépasser les 350 milliards d’euros, en incluant les programmes classifiés.
Les forces navales ont été au cœur de cette expansion. La flotte chinoise comprend aujourd’hui plus de 370 bâtiments de guerre, dont trois porte-avions, contre 296 pour l’US Navy. Le troisième porte-avions, le Fujian, à propulsion conventionnelle mais à catapulte électromagnétique, vise à projeter la puissance de Pékin bien au-delà de la mer de Chine méridionale. Le développement de missiles balistiques à capacité antinavire comme le DF-21D et le DF-26, capables de frapper des cibles jusqu’à 4 000 km, renforce cette capacité dissuasive.
Du côté aérien, la Chine déploie désormais le J-20, chasseur furtif de 5e génération, en escadrons opérationnels, et poursuit le développement du J-35, destiné aux porte-avions. À cela s’ajoute un déploiement massif de drones MALE et HALE, ainsi qu’une intégration croissante de systèmes de guerre électronique, ce qui suggère une préparation active à un conflit à haute intensité.
Le scénario d’une attaque progressive contre Taïwan
Le rapport de la Defense Intelligence Agency de mai 2025 évoque un changement dans l’approche chinoise vis-à-vis de Taïwan. L’hypothèse d’une invasion complète de l’île principale est aujourd’hui jugée risquée, tant pour les coûts humains que pour les incertitudes opérationnelles. En revanche, Pékin pourrait opter pour des opérations ciblées sur des îles périphériques sous contrôle de Taipei.
Parmi les cibles identifiées figurent les îles de Kinmen, situées à seulement 3 km des côtes chinoises, les îles Matsu, ainsi que l’atoll de Pratas, isolé mais stratégiquement situé au sud. Ces actions viseraient à démontrer la capacité de projection militaire de Pékin, tout en fracturant la dissuasion psychologique de Taïwan. La stratégie s’inspire des techniques russes en mer d’Azov et en Crimée, combinant pression militaire, guerre de l’information et opérations hybrides.
L’armée chinoise mène depuis janvier 2025 des exercices répétés autour de ces zones, avec la participation d’unités amphibies, de drones navals et de forces spéciales. Ces manœuvres visent à simuler des prises de contrôle éclair, en paralysant les défenses taïwanaises avant même l’envoi de troupes conventionnelles.
La possibilité d’un blocus maritime total n’est pas exclue. Une telle opération pourrait étouffer Taïwan économiquement sans provoquer une attaque frontale, et compliquerait la réponse américaine, soumise à des débats internes sur la nature d’une intervention.

Une surcharge capacitaire pour l’OTAN face à la menace chinoise
Face à l’évolution du rapport de force mondial, l’OTAN est confrontée à un dilemme stratégique majeur. L’élargissement de son périmètre de sécurité au Pacifique, historiquement exclu de son mandat, impose une extension des ressources logistiques, navales, aériennes et humaines.
La proposition d’élever les dépenses de défense des membres de l’Alliance à 5 % du PIB a été formulée à huis clos par plusieurs États baltes et la Pologne, soutenus par les États-Unis. Pour comparaison, seuls 11 pays de l’OTAN atteignent aujourd’hui l’objectif de 2 %. En France, cela reviendrait à augmenter le budget de défense annuel de 60 à 150 milliards d’euros, un effort budgétaire sans précédent depuis la Guerre froide.
La doctrine actuelle ne permet pas de déploiement massif simultané en Europe de l’Est et dans le Pacifique. Les capacités de projection maritime de l’OTAN sont limitées : seule une poignée de porte-avions (le Charles de Gaulle, les Queen Elizabeth britanniques et quelques groupes américains) peuvent soutenir des opérations prolongées dans le Pacifique occidental.
L’implication d’États non membres, comme le Japon, l’Australie ou la Corée du Sud, devient indispensable. Le Japan-U.S. Security Treaty est aujourd’hui un pilier de la coordination régionale, mais il reste hors du cadre otanien. Un glissement progressif vers une OTAN « globale » se dessine, malgré les réticences allemandes et italiennes à diluer les moyens européens.
Taïwan, semi-conducteurs et dépendance mondiale
Le risque militaire autour de Taïwan ne se limite pas aux enjeux de souveraineté ou de rapports de puissance. L’île concentre plus de 60 % de la production mondiale de semi-conducteurs, et 90 % des puces haut de gamme utilisées dans les équipements militaires, l’aéronautique, les télécommunications et les véhicules électriques.
Le groupe TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company) est l’acteur central de cet écosystème. Une interruption de ses capacités de production, même partielle, aurait des conséquences immédiates sur les chaînes d’approvisionnement mondiales. En 2021 déjà, une simple pénurie post-COVID avait entraîné une chute de la production automobile mondiale estimée à 10 millions de véhicules.
En cas de conflit, les installations de Hsinchu ou Tainan pourraient devenir des cibles prioritaires, ou être mises hors service par les combats. La stratégie américaine consiste à rapatrier une partie de la production aux États-Unis et en Europe : TSMC construit actuellement des usines en Arizona et à Dresde, mais elles ne seront opérationnelles qu’après 2027.
La dépendance occidentale à l’égard de Taïwan reste donc critique. Une attaque sur l’île affecterait le marché de la microélectronique, ferait bondir les prix et générerait des effets en cascade dans la défense, l’automobile et l’énergie. Pour l’OTAN, ce scénario impose une réflexion stratégique globale incluant la résilience industrielle.
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