L’Inde abandonne le Su-57 pour son programme AMCA national

Inde SU-57

L’Inde renonce à l’achat du Su-57 russe pour privilégier son chasseur furtif AMCA, face à la montée en puissance aérienne du Pakistan avec le J-35 chinois.

Le 23 juin 2025, l’Inde a officiellement annoncé la suspension de toute perspective d’acquisition du Su-57E, version export du chasseur furtif russe développé par Sukhoï. Cette décision, longtemps repoussée depuis l’abandon du programme conjoint FGFA en 2018, intervient dans un contexte de refonte stratégique de la doctrine aérienne indienne. Le ministère de la Défense à New Delhi a choisi de concentrer ses ressources sur l’Advanced Medium Combat Aircraft (AMCA), programme national de chasseur de 5e génération.

La décision intervient alors que le Pakistan va recevoir 40 avions J-35 chinois à partir de l’été 2025. Ces livraisons, associées à un entraînement anticipé des pilotes pakistanais en Chine, réactivent les tensions technologiques et opérationnelles dans la région. En réponse, l’Inde renforce sa souveraineté industrielle et souhaite éviter toute dépendance stratégique vis-à-vis de fournisseurs étrangers, notamment russes.

Cet abandon remet en cause les ambitions exportatrices de la Russie pour son Su-57, déjà limité dans sa production en série, et souligne les nouvelles priorités des grandes puissances régionales : capacité nationale, furtivité, interopérabilité, autonomie logistique. L’Inde investit désormais massivement dans une solution développée localement, adaptée à ses spécificités géographiques, industrielles et diplomatiques.

La décision de l’Inde : abandonner le Su-57 au profit de l’AMCA

L’annonce de l’abandon de l’intérêt pour le Su-57E constitue une confirmation publique de ce que de nombreux analystes anticipaient depuis plusieurs mois. Depuis la rupture du programme FGFA en 2018, l’Inde ne s’était plus engagée dans des négociations concrètes avec la Russie sur une acquisition directe du Su-57. La déclaration de juin 2025 officialise donc une orientation stratégique claire : investir prioritairement dans le programme AMCA.

Le chasseur Su-57E, bien que présenté comme un avion de chasse de 5e génération, souffre de retards industriels, de limites de production, et d’un manque de validation opérationnelle. À ce jour, l’armée de l’air russe ne disposerait que de 20 à 22 exemplaires livrés, avec un objectif de 76 unités d’ici 2028, selon les données communiquées par l’UAC (United Aircraft Corporation). Le modèle E, destiné à l’export, n’a encore trouvé aucun client étranger ferme.

En parallèle, le programme AMCA indien, porté par la DRDO (Defence Research and Development Organisation) et le HAL (Hindustan Aeronautics Limited), a connu une accélération depuis 2023. Le projet prévoit le premier vol d’un prototype d’ici 2026, pour une entrée en service autour de 2031–2032. L’Inde a alloué plus de 2,5 milliards d’euros à ce programme, avec des phases successives de tests, modélisation, et intégration de technologies propres, notamment pour le radar AESA et la motorisation.

La décision de ne pas importer le Su-57E permet donc à l’Inde de concentrer ses ressources sur une capacité de développement souveraine, avec l’objectif de répondre à ses besoins spécifiques : combat multi-rôle, supériorité aérienne, pénétration furtive en profondeur, et intégration dans un environnement réseau-centré de plus en plus numérisé.

Le contexte régional : la pression stratégique du J-35 pakistanais

L’un des éléments déclencheurs de cette décision indienne est la confirmation des livraisons de 40 avions J-35 au Pakistan, annoncée en avril 2025. Le J-35 (également appelé FC-31 ou Gyrfalcon) est un chasseur furtif chinois de 5e génération, bimoteur, conçu pour les forces aériennes et navales. Il peut emporter des missiles air-air PL-15 à longue portée et dispose d’un radar AESA, d’une baie interne pour les armements, et d’un système optronique intégré.

Le contrat pakistano-chinois, estimé à 3,6 milliards d’euros, inclut également une phase de formation des pilotes pakistanais en Chine, débutée dès janvier 2025. L’entrée en service opérationnel du J-35 au Pakistan pourrait intervenir avant 2027, créant un déséquilibre technologique potentiel avec les Rafale indiens ou les Su-30MKI vieillissants.

En réaction, New Delhi considère que seule une solution domestique et long terme, comme l’AMCA, permettrait de compenser ce nouvel écart capacitaire. Les modèles d’importation, y compris le Su-57E, ne permettent ni une maîtrise complète de la chaîne logistique, ni une adaptation rapide aux scénarios propres au théâtre sud-asiatique (altitude élevée, chaleur, terrain montagneux).

Le J-35, tout comme le J-20 déjà en service en Chine, reflète l’ambition technologique croissante de Pékin, qui exporte désormais des chasseurs furtifs à des partenaires stratégiques. Pour l’Inde, accepter le Su-57E russe signifierait intégrer une solution extérieure déjà en décalage avec les besoins réels, notamment en matière de furtivité passive et active.

Inde SU-57

Les conséquences pour l’industrie russe du chasseur Su-57

Le refus de l’Inde constitue un revers commercial et politique pour la Russie. Le Su-57, annoncé depuis 2010 comme le successeur du Su-27, peine à s’imposer sur le marché international. L’absence de clients fermes, hormis la Russie elle-même, fragilise la rentabilité industrielle du programme. Sans exportation, le coût unitaire reste élevé : entre 70 et 80 millions d’euros selon les estimations disponibles.

Les options d’exportation envisagées par Moscou — Algérie, Vietnam, Iran, et maintenant l’Inde — ont toutes rencontré des obstacles techniques, logistiques ou politiques. Le rejet indien fragilise également le discours stratégique russe, selon lequel le Su-57 constituerait une alternative au F-35. En l’absence de démonstration en combat réel et avec une production très lente, ce positionnement devient de moins en moins crédible.

Le départ de l’Inde prive également Sukhoï d’un partenaire de co-développement. L’échec du programme FGFA a réduit l’ambition d’un Su-57 à deux moteurs, adapté aux conditions de l’Asie du Sud. À court terme, la Russie pourrait compenser en promouvant davantage ses drones d’attaque comme le S-70 Okhotnik-B, mais cela ne répond pas à la demande pour un avion de chasse habité, capable de pénétration furtive et de supériorité aérienne à longue portée.

La Russie pourrait tenter de proposer le Su-57E à des clients sous sanctions occidentales (Iran, Myanmar, Venezuela), mais l’absence d’intégration technologique et les dépendances multiples (électronique, radars, matériaux) rendent ces ventes incertaines. L’Inde, en refusant cette option, confirme le déclin progressif de la compétitivité export du Su-57 sur les marchés hautement technologiques.

Les perspectives du programme AMCA et la stratégie industrielle indienne

L’AMCA représente désormais la priorité stratégique de l’Inde dans le domaine de l’aviation de chasse. Le projet repose sur la conception d’un chasseur furtif multi-rôle, capable de missions d’interdiction, de défense aérienne, de reconnaissance et d’attaque au sol. L’Inde ambitionne une production d’au moins 140 à 180 exemplaires répartis sur 15 ans.

La cellule de l’AMCA intégrera un design furtif avec une baie d’armement interne, une structure composite, et une architecture modulaire. Le radar AESA développé localement par la DRDO sera couplé à un système de guerre électronique et de gestion de signature. Le moteur, dans un premier temps d’origine étrangère (General Electric F414), devra à terme être remplacé par une motorisation indigène sous développement avec Safran ou Rolls-Royce.

Le programme prévoit une capacité biplace, pour les missions de guerre en réseau, de contrôle drone ou de suppression de défense aérienne. Cette architecture vise l’intégration dans un futur système de combat aérien indien, basé sur l’interopérabilité entre drones (CATS Warrior), chasseurs, satellites et radars au sol.

Sur le plan économique, l’AMCA génère déjà des dizaines de partenariats avec des PME locales, dans les composants, l’usinage, l’électronique et les systèmes embarqués. Le HAL estime que 70 % des composants pourraient être produits en Inde d’ici 2032, ce qui réduirait la dépendance aux importations et sécuriserait la chaîne d’approvisionnement face aux tensions internationales.

Cette stratégie s’inscrit dans l’initiative “Atmanirbhar Bharat” (autonomie stratégique), qui vise à renforcer la base industrielle nationale. L’AMCA deviendra l’axe central de cette politique, avec des retombées tant technologiques qu’économiques à long terme.

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