
L’armée française surutilise ses Rafale de 15 % par manque de moyens après cessions à la Grèce et la Croatie, et livraisons de Mirage à l’Ukraine.
L’Armée de l’Air et de l’Espace française fait face à un défi opérationnel majeur : la surutilisation estimée à 15 % de ses Rafale pour faire face aux besoins actuels. Ce déséquilibre résulte en partie de la cession de 24 Rafale d’occasion à la Grèce et à la Croatie, ainsi que de la livraison de Mirage 2000‑5F à l’Ukraine. Ces choix stratégiques, bien qu’indispensables au soutien des alliés, grèvent le format opérationnel national. Des responsables ont averti que seule une accélération des livraisons de Rafale issus de la tranche F4 permettrait de compenser ce déficit capacitaire. Selon des sources parlementaires, la cible fixée par la LPM 2024‑2030 prévoit 137 Rafale et 48 Mirage 2000D rénovés, soit un total de 185 avions de chasse, contre 196 avions en service fin 2023, ce qui représente déjà une contraction structurelle. Seule une montée en cadence de production, avec des livraisons anticipées, peut éviter un effritement progressif de la capacité de déploiement. L’armée doit jongler entre soutien à l’Ukraine, engagements en Méditerranée orientale, et maintien de sa posture nationale, alors que le cycle de production d’un Rafale dure en moyenne trois ans.

La surutilisation des Rafale expliquée
La surutilisation de 15 % des Rafale se traduit par une utilisation accrue des appareils au-delà des standards réguliers, générant une fatigue accélérée des cellules et des moteurs. Ce taux est une estimation opérée pour répondre à une demande opérationnelle accrue, notamment en surveillance, interception et frappes. Plusieurs facteurs principaux expliquent cette pression :
- La cession de 24 Rafale (12 à la Grèce, 12 à la Croatie), prélevés sur la flotte nationale, réduit la capacité disponible pour les missions françaises. Ces appareils vendus étaient au standard F3R et devaient être remplacés progressivement par des Rafale neufs ; l’écart entre retrait et remplacement crée un goulet d’étranglement.
- La livraison de Mirage 2000‑5F à l’Ukraine, qui implique la mobilisation de pilotes et mécaniciens pour la formation, ainsi qu’une diminution du parc de réserve disponible pour l’armée française. Six Mirage sont déjà livrés début 2025.
Ces décisions, prises dans un contexte géopolitique tendu, exacerbent une situation où les Rafale restants doivent couvrir un spectre missionnel élargi. Pour compenser, l’armée réclame une activation anticipée de la tranche F4, dont certains appareils déjà prévus pourraient être livrés en avance si la loi de finances 2025 le prévoit.
La pression sur les capacités opérationnelles nationales
La réduction du format opérationnel entraîne des risques pour la posture de dissuasion et de projection de la France. Avec seulement 96 Rafale en service à l’été 2024, et l’objectif de passer à 137 unités d’ici 2030, la capacité à engager plusieurs théâtres simultanément est amputée.
Dans un contexte de surtension méditerranéenne, l’armée doit assurer des missions de souveraineté, d’interception, et de support à des opérations extérieures. Or, la maintenance des appareils devient plus intensive sous une utilisation accrue : un Rafale nécessite un coût d’entretien de l’ordre de quelques dizaines de milliers d’euros par heure de vol, bien que moins que ses prédécesseurs, mais les cycles de maintenance court terme se multiplient.
En cas de déficit imputable à une perte accidentelle ou à la dégradation d’un appareil, la marge de manœuvre est réduite. L’exemple d’un Mirage 2000-5F ukrainien écrasé en juillet 2025 rappelle la vulnérabilité même des appareils modernisés, et incite à rester prudent sur le recours aux stocks nationaux.
Les options pour restaurer le format de chasse
Pour réduire la pression sur les Rafale, plusieurs pistes sont envisagées :
- Rattraper la cadence de fabrication : la chaîne de production à Mérignac peut théoriquement produire 3 à 3,5 avions par mois, mais cela dépend fortement de la logistique des fournisseurs.
- Anticiper des livraisons de la tranche F4, pour combler le vide laissé par les cessions immédiates. Selon des parlementaires, cette anticipation pourrait permettre une compensation plus rapide.
- Rehausser la cible cible de la LPM 2030 : au lieu d’atteindre seulement 137 Rafale, un objectif plus ambitieux (150‑160) permettrait d’absorber les pertes naturelles et cessions sans affaiblir le format global. Ce scénario est évoqué comme « respectable », mais non acté dans le projet financier 2025.
Restaurer un format de 185 avions (Rafale + Mirage rénovés) est impératif pour maintenir une couverture stratégique complète. Tout retard dans la production ou dans la livraison impacte directement la capacité de l’armée à mener plusieurs missions de front, notamment en Méditerranée, dans le Sahel, ou pour l’OTAN.

Les conséquences sur la politique industrielle
La tension opérationnelle impacte aussi Dassault Aviation et ses sous-traitants. Un besoin accéléré de Rafale F4 met sous pression l’ensemble de la filière. La stabilité des commandes à l’export (Émirats, Inde, Indonésie) assure une visibilité, mais les besoins internes exigent une priorité sur les fabrications destinées à l’armée nationale avant 2030.
En cumulant export et besoins nationaux, la chaîne de production doit accroître sa performance sans compromettre la qualité ni la sécurité. Un retard ou une panne de fournisseur pourrait infléchir sérieusement les délais. Dans ce contexte, des mesures politiques plus tranchées, actant une rehausse du format national de chasse dans les budgets 2026‑2028, sont vivement souhaitées par les responsables militaires.
L’armée française fait face à une surutilisation de ses Rafale de 15 %, conséquence directe des cessions à la Grèce et la Croatie et des livraisons de Mirage 2000‑5F à l’Ukraine. L’écart entre appareils retirés et renouvellement crée une pression croissante sur la flotte. Seule une montée en cadence du programme de production, une anticipation des livraisons F4, et un ajustement des objectifs de la LPM pourront restaurer la capacité à aligner 185 avions de combat. L’absence de mesures rapides expose la France à un affaiblissement des marges de manœuvre stratégique. Un dialogue franc entre décideurs politiques et militaires s’impose pour éviter une érosion progressive du format de chasse national.
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