Zapad-2025 : des MiG-31K et Kinzhal en démonstration au-dessus de la mer de Barents

Zapad-2025

Exercice russo-biélorusse Zapad-2025 : vols de MiG-31K armés de Kinzhal au-dessus de la mer de Barents, message de dissuasion près des frontières de l’OTAN et hausse des tensions régionales.

En résumé

L’exercice conjoint Zapad-2025 a débuté le 12 septembre 2025 en Russie et en Biélorussie, avec des volets maritimes et aériens dans l’Arctique. Dans ce cadre, des MiG-31K russes ont effectué un vol d’environ quatre heures au-dessus des eaux internationales de la mer de Barents, chacun porteur d’un missile Kinzhal. Cette séquence s’inscrit dans une logique de dissuasion et de projection de puissance sur le flanc Nord de l’OTAN, alors que l’Alliance est déjà sur le qui-vive après l’incursion de drones russes dans l’espace aérien polonais. Le scénario met l’accent sur la capacité russe à lancer des frappes conventionnelles ou nucléaires à longue distance depuis la péninsule de Kola, dans un environnement A2/AD consolidé par la Flotte du Nord. Pour les Occidentaux, les enseignements portent sur la détection, la défense aérienne multicouche et la résilience des réseaux face à une menace combinant vitesses hypersoniques, effets de saturation et brouillage.

Un exercice stratégique et un contexte international tendu

Zapad-2025 est la nouvelle itération du grand exercice stratégique russo-biélorusse, mené du 12 au 16 septembre en plusieurs phases, avec des activités en Biélorussie, en Russie et dans les espaces maritimes adjacents. Moscou et Minsk présentent la manœuvre comme défensive, mais sa temporalité coïncide avec des incidents aériens récents au-dessus de la Pologne, qui ont suscité une réponse renforcée de l’OTAN. Les autorités biélorusses évoquent un format plus réduit qu’en 2021, tout en intégrant des scénarios de haut du spectre, y compris la planification d’emplois d’armes nucléaires tactiques.

L’historique de Zapad rappelle que ces exercices servent autant d’entraînement opérationnel que de signal politique. En 2021, Moscou revendiquait un dispositif massif (plusieurs dizaines, voire centaines de milliers de militaires selon les estimations occidentales). En 2025, le théâtre géographique s’étend au flanc arctique, ce qui renforce la dimension de message stratégique adressé aux pays nordiques et à l’Alliance.

Une démonstration hypersonique au-dessus de la mer de Barents

Point saillant de cette édition : le vol de deux MiG-31K armés de missiles Kinzhal au-dessus des eaux internationales de la mer de Barents. La mission, d’une durée d’environ quatre heures, a été filmée au départ de Severomorsk-1, sur la péninsule de Kola. Les équipages ont pratiqué une frappe simulée contre des cibles « critiques » d’un adversaire désigné. Des plateformes de surveillance de l’OTAN, dont un AWACS, ont été détectées dans la zone, signe d’une forte activité ISR alliée.

D’un point de vue technique, le Kinzhal est un missile balistique aéroporté à très haute vitesse. Selon les évaluations publiques, il peut atteindre jusqu’à environ 12 350 km/h (Mach 10), avec des profils de vol et des manœuvres qui compliquent l’interception. Son lancement depuis un intercepteur supersonique étend la portée d’engagement et réduit les temps d’alerte.

Une séquence multi-domaines : mer, air et frappes à longue distance

Au-delà de l’aviation, la Russie a aussi montré des capacités navales à longue portée pendant Zapad-2025. Le tir d’un missile hypersonique Tsirkon depuis la frégate Admiral Golovko en mer de Barents illustre la complémentarité mer-air des feux dans l’Arctique. Couplées aux missions des avions anti-sous-marins de la Flotte du Nord, ces actions valident des chaînes de ciblage interarmées sur le théâtre arctique.

Sur le plan opérationnel, l’objectif est double : maintenir une pression stratégique continue près du bastion de la péninsule de Kola et montrer la capacité à frapper à distance depuis un sanctuaire densément défendu. Ce type de posture renforce la bulle A2/AD arctique, qui s’appuie sur des systèmes sol-air longue portée, des batteries côtières et des moyens de guerre électronique pour entraver la liberté d’action adverse.

Zapad-2025

Des stratégies testées : frappe conventionnelle, signal nucléaire et contrôle de l’escalade

Les scénarios communiqués évoquent explicitement des volets de planification nucléaire tactique intégrant des moyens russes déployés en Biélorussie depuis 2024, sous un cadre de garanties de sécurité renforcé entre Moscou et Minsk. L’exercice teste la coordination politico-militaire, la réactivité du commandement et l’intégration des vecteurs dual-capables dans un contexte de crise.

Le message stratégique est clair : signaler une capacité d’escalade contrôlée et dissuader une intervention extérieure sur le front occidental. L’ajout potentiel de nouveaux systèmes (missiles de portée intermédiaire stationnés en Biélorussie à partir de fin 2025) s’inscrit dans cette logique de durcissement doctrinal et de mutualisation des parapluies nucléaires au sein de l’État-Union.

Un théâtre sensible : le flanc Nord de l’OTAN sous pression

La mer de Barents est un espace charnière : à proximité immédiate de la Norvège et des voies d’accès à l’Atlantique Nord, c’est le cœur du bastion de la Flotte du Nord. Les vols des MiG-31K armés du Kinzhal y ont une portée politico-militaire forte, car ils démontrent la tenue de patrouilles de longue durée au-dessus d’eaux internationales et la capacité de frappe contre des cibles terrestres ou navales situées à plusieurs centaines de kilomètres. L’activité ISR alliée (AWACS, patrouilles nordiques, capteurs déportés) confirme que l’OTAN surveille étroitement l’exécution de l’exercice.

Dans le même temps, la séquence intervient quelques jours après des violations de l’espace aérien polonais par des drones russes, qui ont déclenché une réponse alliée renforcée. La juxtaposition de ces événements accentue la perception de risque d’incident et de mauvaise appréciation qui pourrait provoquer une escalade non désirée sur la frontière orientale de l’Alliance.

Capacités et limites des « hypersoniques » : ce que montrent les données

Le missile Kinzhal est qualifié d’« hypersonique » parce qu’il franchit Mach 5 et plus en phase balistique. Sur le plan technologique, il s’apparente cependant à une adaptation aéroportée de la famille Iskander, et non à un planeur hypersonique à statoréacteur. Sa vitesse élevée (jusqu’à 12 350 km/h, Mach 10) et ses manœuvres terminales compliquent la solution d’interception, mais des tirs réels ont montré que des défenses modernes peuvent l’engager avec succès. L’Ukraine a revendiqué, et Washington a confirmé, des interceptions par systèmes Patriot, ce qui relativise l’« invulnérabilité » avancée par Moscou.

Pour les forces occidentales, l’enjeu consiste à combiner la veille aérienne et spatiale, des radars multifréquences, des liaisons de données résilientes et une défense multicouche (intercepteurs endo-atmosphériques, effets électromagnétiques, leurres) afin de réduire la fenêtre d’opportunité de l’assaillant et de préserver des capacités critiques.

Enseignements pour les Occidentaux : détecter, décider, durer

Première leçon : améliorer la permanence de veille et la qualité de la fusion de données sur le flanc Nord de l’OTAN. Les vols au-dessus de la mer de Barents confirment la nécessité d’un maillage ISR robuste (E-3/E-7, patrouilles maritimes, satellites, senseurs au sol), de modèles d’alerte avancée et de boucles décisionnelles raccourcies pour contrer des menaces rapides.

Deuxième leçon : consolider la défense multicouche. Les intercepts de Kinzhal par Patriot montrent que l’hypersonique balistique n’est pas hors de portée, au prix toutefois d’un coût d’interception élevé et d’une consommation de munitions critique. La combinaison d’intercepteurs (ex. PAC-3 MSE), d’effets C-UAS pour la « basse couche », et de moyens de brouillage contre les essaims et leur relais est indispensable pour éviter la saturation.

Troisième leçon : penser la résilience stratégique. Zapad-2025 intègre des volets de frappe sur infrastructures et de guerre informationnelle. Les armées et les sociétés doivent tester la continuité d’activité en mode dégradé, la protection des nœuds C2, l’endurcissement cyber et l’autonomie énergétique, en particulier dans l’Arctique et les régions polaires où les contraintes MTO (météo, terrain, obscurité) compliquent la manœuvre.

Une séquence à suivre : signaux, contre-signaux et marges d’escalade

En choisissant d’exécuter des patrouilles Kinzhal en Arctique tout en tirant un Tsirkon depuis une frégate, Moscou orchestre un récit de puissance technico-opérationnelle. Les alliés y répondent par une activité ISR accrue, des déploiements tournants et une posture d’alerte, tout en gardant l’escalade sous contrôle. La suite dépendra de la capacité des deux camps à éviter l’incident, à clarifier leurs lignes rouges et à stabiliser le théâtre nordique, devenu un baromètre de crédibilité pour la dissuasion russe et la réassurance alliée.

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