
Le Royaume-Uni présente le démonstrateur du programme Tempest, premier avion de chasse furtif conçu en 40 ans, avec un vol inaugural prévu pour 2027.
Le Combat Air Flying Demonstrator, futur prototype du chasseur Tempest, marque une étape décisive dans le programme de supériorité aérienne britannique. Développé par BAE Systems, cet appareil représente la première conception d’un avion de chasse au Royaume-Uni depuis quatre décennies. Propulsé par deux turboréacteurs EJ200 et intégrant des technologies de furtivité avancée, il est attendu dans les airs d’ici 2027. Ce démonstrateur, construit à Warton, sert de banc d’essai pour les innovations qui équiperont le Tempest, destiné à entrer en service en 2035 au sein des forces aériennes britanniques, italiennes et japonaises. Ce programme, ambitieux et coûteux, fait face à de nombreuses incertitudes budgétaires et stratégiques, notamment face à la montée en puissance des variantes du F-35.
Un démonstrateur pour préparer le successeur des avions de chasse de 5e génération
Le Combat Air Flying Demonstrator incarne une rupture technologique majeure dans l’industrie aéronautique militaire britannique. Conçu pour valider les choix techniques du futur Tempest, cet appareil reprend certaines caractéristiques du F-35, tout en s’en distinguant sur plusieurs points clés.
La cellule intègre des entrées d’air supersoniques sans déviateur (diverterless supersonic inlets – DSI) et une configuration bicouple avec empennages inclinés vers l’extérieur, mais sans plans horizontaux stabilisateurs. Cette configuration optimise la signature radar et aérodynamique à haute vitesse. Le fuselage élargi accueille deux réacteurs EJ200 déjà utilisés sur l’Eurofighter Typhoon, donnant une poussée combinée de plus de 180 kN, suffisante pour des manœuvres à haute vitesse tout en testant les limites thermiques de furtivité passive.
L’absence d’empennages horizontaux et l’adoption d’une aile delta tronquée à LERX (Leading Edge Root Extension) marquent une approche innovante de la portance et du contrôle en vol. Cette solution, issue d’études menées sur des configurations comme le F-16U, pourrait offrir une excellente stabilité à haute incidence, tout en intégrant des surfaces discrètes vis-à-vis des radars.
Le nez large de l’appareil indique la présence probable d’un radar AESA de grande dimension, intégrant des capacités de guerre électronique, de fusion de données et de détection longue portée. La verrière, en retrait, semble peu optimisée pour la visibilité arrière, mais répond aux impératifs de discrétion électromagnétique et aérodynamique.
Ce démonstrateur jouera un rôle essentiel pour tester la dynamique de vol, la gestion thermique, les caractéristiques de furtivité, mais aussi la maturité industrielle du programme. Son vol inaugural prévu en 2027 constituera une validation cruciale pour passer à la conception définitive du Tempest.
Une chaîne de production robotisée au service de la furtivité et de la modularité
L’assemblage du démonstrateur à l’usine BAE de Warton reflète les efforts d’industrialisation du Royaume-Uni pour la production d’un avion de chasse modulaire, automatisé et furtif.
Aujourd’hui, deux tiers de la masse structurelle du démonstrateur sont déjà en phase de fabrication. Les ailes, empennages, fuselage central et avant sont en cours d’assemblage via des technologies robotisées et numériques. Cela inclut l’utilisation de :
- Jumeaux numériques pour la conception et la simulation des efforts mécaniques,
- Impression 3D pour des composants structurels allégés,
- Cobots (robots collaboratifs) pour les étapes d’assemblage complexes,
- Ingénierie système basée modèle (MBSE),
- Simulation virtuelle pour anticiper les contraintes en vol.
Ces innovations permettent une réduction des délais de production, une traçabilité totale, et une capacité de reconfiguration rapide en cas d’évolution des exigences militaires.
Le démonstrateur sert aussi de plateforme de validation pour les méthodes de production qui seront appliquées au Tempest. Cette approche industrialisée est capitale pour respecter le calendrier : mise en vol du démonstrateur en 2027, puis entrée en service du Tempest en 2035.
Le recours massif à ces procédés témoigne d’un objectif clair : produire à terme un avion modulaire, fiable, intégrant des composants à faible signature radar, sans dépendance à l’étranger. Cela rejoint l’ambition du programme GCAP (Global Combat Air Programme), auquel l’Italie et le Japon sont associés.

Un simulateur avancé pour éprouver les lois de pilotage et les systèmes de contrôle
Avant même le premier vol du démonstrateur, les essais virtuels en simulateur constituent une étape déterminante dans le développement du futur avion.
Les pilotes d’essai de BAE Systems, Rolls-Royce et la Royal Air Force ont accumulé plus de 300 heures de vol simulé, reproduisant des conditions de vol complexes, y compris des manœuvres haute charge, des essais de commandes de vol et des scénarios d’urgence.
Le simulateur intègre :
- Une reproduction physique du cockpit, y compris le siège éjectable Martin-Baker,
- Des modèles aérodynamiques couplés à des calculateurs temps réel,
- Des essais de gestion énergétique, incluant la signature thermique,
- Des tests de fusion de données capteurs, pour simuler la perception de l’environnement tactique.
Ce simulateur permet non seulement d’optimiser les systèmes embarqués, mais aussi de recueillir les retours des pilotes pour ajuster la géométrie de la cellule et les lois de commandes de vol.
En parallèle, un Flight Test Aircraft (FTA), basé sur un Boeing 757 modifié, a été développé pour valider en vol des systèmes électroniques et capteurs du futur Tempest. Surnommé Excalibur, cet appareil servira de banc d’essai volant complémentaire, à l’image du rôle joué par l’EAP dans le programme Typhoon dans les années 1980.
Une course contre le calendrier et les contraintes budgétaires
Le programme Tempest affiche des ambitions techniques élevées, mais les contraintes financières et stratégiques mettent en péril sa viabilité.
L’entrée en service est annoncée pour 2035, soit seulement 8 ans après le vol inaugural du démonstrateur, un délai très court par rapport au Typhoon, qui avait nécessité 17 ans entre le démonstrateur EAP et sa mise en service.
Ce raccourcissement s’explique par la volonté du Royaume-Uni de réduire sa dépendance aux États-Unis et d’assurer sa souveraineté technologique, mais la réalité budgétaire pourrait en décider autrement.
Le ministère britannique de la Défense a commandé 12 F-35A à décollage conventionnel, en complément des F-35B à décollage court déjà en service. Le F-35A, moins coûteux (environ 90 millions d’euros par unité contre plus de 120 millions pour un F-35B) et compatible avec l’arme nucléaire, pourrait séduire à plus grande échelle.
Une extension de cette commande représenterait une menace directe pour le Tempest, tant en termes de financement que de justification opérationnelle. De plus, Lockheed Martin évoque des versions améliorées du F-35, potentiellement pilotées à distance, avec revêtements furtifs avancés et moteurs optimisés.
En parallèle, d’autres programmes lourds, comme le sous-marin Dreadnought ou le remplacement des satellites de communication militaires, entrent en concurrence pour les budgets.
Une plateforme stratégique pour la coopération trilatérale et la supériorité aérienne
Le programme GCAP, qui associe le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon, représente plus qu’un simple avion de chasse : il s’agit d’un système de combat global, incluant avions pilotés, drones, armements intelligents, systèmes de communication et centres de traitement des données.
Le Tempest devra :
- Transporter une charge utile doublée par rapport au F-35A, soit potentiellement jusqu’à 8 000 kg de munitions internes,
- Offrir une autonomie extrême, avec des réservoirs internes permettant de traverser l’Atlantique sans ravitaillement,
- Intégrer des technologies d’intelligence artificielle, d’autonomie partielle, et des protocoles de communication interopérables avec l’OTAN.
Le GCAP pourrait aussi réduire les coûts unitaires par mutualisation industrielle. Les chaînes de production italiennes (Leonardo) et japonaises (Mitsubishi Heavy Industries) complètent l’expertise britannique, avec une répartition prévue des composants avioniques, capteurs, moteurs et cellules.
Mais cette coopération reste fragile. Le Japon, bien que très impliqué dans la configuration du Tempest, pourrait réorienter son industrie selon des choix politiques. L’Italie, de son côté, souhaite préserver son implication dans le programme Eurofighter jusqu’à 2040.
Le démonstrateur britannique, bien qu’étape indispensable, n’engage pas encore les partenaires dans un calendrier irréversible. C’est donc la capacité du Royaume-Uni à sécuriser la phase de production du Tempest qui conditionnera la pérennité de cette coopération.
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