
La Russie maintient le MiG-29 dans sa flotte militaire. Analyse technique, stratégique et économique de ce choix.
Le Mikoyan MiG-29 est entré en service actif en 1983. Conçu pour rivaliser avec les F-16 américains, cet avion de chasse russe de quatrième génération continue d’être modernisé plus de quarante ans après son premier vol. Malgré des alternatives plus avancées comme le Su-35 ou le Su-57, Moscou investit encore dans des mises à niveau du MiG-29. Ce choix n’est ni sentimental ni basé sur des critères politiques. Il repose sur des calculs précis liés à la doctrine militaire russe, aux contraintes industrielles internes, aux coûts d’exploitation, à la maintenance du parc et à la réalité opérationnelle. Comprendre cette stratégie exige une lecture technique et géopolitique rigoureuse.
La logique opérationnelle derrière la modernisation
Le MiG-29, dans ses versions les plus récentes comme le MiG-29SMT ou MiG-29UPG, est loin d’être obsolète. La Russie a décidé de prolonger la vie opérationnelle de cet appareil pour plusieurs raisons liées à la guerre de haute et moyenne intensité.
La doctrine russe prévoit l’utilisation de flottes mixtes dans les conflits conventionnels. Le MiG-29 joue ici un rôle tactique spécifique. C’est un appareil léger, capable de décoller depuis des pistes courtes ou endommagées. Il est conçu pour intervenir à faible distance des lignes de front, avec une grande maniabilité à basse altitude. Ce profil opérationnel reste utile dans des zones comme l’Ukraine ou le Caucase, où les distances d’intervention sont réduites.
Le MiG-29 modernisé reçoit le radar Zhuk-ME à antenne mécanique, avec une portée de détection de 120 km contre des cibles aériennes de type chasseur. Il peut suivre jusqu’à 10 cibles et en engager 4 simultanément. L’avion peut aussi tirer des missiles air-air de moyenne portée R-77 (portée : 80–100 km) et des missiles guidés air-sol comme le Kh-29. Il devient donc multirôle, bien que ses capacités air-sol restent limitées par rapport à un Su-34.
Enfin, l’armée de l’air russe doit compenser les pertes subies depuis février 2022. Entre 15 et 20 MiG-29 ont été livrés à l’Ukraine depuis 2022 par la Slovaquie et la Pologne. De nombreux appareils russes ont été abattus ou endommagés. Restaurer la supériorité locale passe aussi par la modernisation des avions de chasse existants. Cela inclut l’installation de systèmes de guerre électronique L-150 Pastel, de contre-mesures infrarouges et de brouilleurs de communications. Le MiG-29 est donc adapté pour des environnements contestés à intensité moyenne.

Une solution de transition à faible coût
Le coût d’une plateforme de combat moderne est considérable. Un Su-35S coûte environ 80 millions d’euros. Un Su-57, bien que encore produit à faible cadence, atteint déjà 110 millions d’euros par unité, sans compter le coût de maintenance ou de formation.
En comparaison, le MiG-29SMT modernisé revient à environ 20 à 22 millions d’euros par exemplaire. La cellule de l’avion est souvent préexistante. La modernisation inclut la révision des moteurs RD-33, l’intégration de réservoirs de carburant plus grands (autonomie portée à 2 100 km avec réservoir ventral), le remplacement du cockpit par des écrans multifonctions numériques, et l’intégration de liaisons de données.
L’armée de l’air russe, qui opère environ 90 MiG-29 en 2024, dont 30 SMT, peut ainsi maintenir un volume suffisant d’appareils opérationnels sans mobiliser le budget réservé aux avions de cinquième génération.
Les forces aériennes secondaires (armée de l’air navale, aviation tactique des districts militaires orientaux) bénéficient aussi de cette modernisation, sans pénaliser les unités stratégiques. Cela permet une rationalisation budgétaire.
Enfin, l’infrastructure au sol est déjà adaptée au MiG-29. Hangars, moyens de levage, simulateurs, bancs de test moteur, tout est déjà en place. Moderniser coûte donc bien moins que rééquiper l’ensemble d’une base aérienne pour un appareil plus complexe.
Le MiG-29 comme levier industriel et diplomatique
Le MiG-29 reste un levier stratégique pour l’industrie aéronautique russe. Depuis la fusion de MiG avec Sukhoi au sein d’United Aircraft Corporation (UAC), les chaînes de production de Sokol et de Lukhovitsy tournent au ralenti. Le maintien de la production de pièces, moteurs, systèmes avioniques permet de soutenir des milliers d’emplois.
Par ailleurs, la Russie utilise le MiG-29 comme produit d’exportation. Plus de 1 600 exemplaires ont été fabriqués depuis les années 1980. Une centaine est encore en service hors Russie, notamment en Inde, en Serbie, en Algérie, au Myanmar ou au Pérou. Ces pays n’ont pas tous les moyens de remplacer leurs avions de chasse par des appareils de génération 4.5 ou 5.
La Russie propose donc des packages de modernisation clef en main, comme ce fut le cas pour l’Inde (MiG-29UPG), ou des reventes de MiG-29 remis à neuf. Cela génère des revenus et maintient une influence dans les zones cibles de la politique étrangère russe. Le contrat algérien de 2020 prévoyait la livraison de 14 MiG-29M/M2, pour un montant estimé à 400 millions d’euros, soit environ 28 millions l’unité.
Cette politique soutient les exportations militaires russes dans un contexte de sanctions occidentales et de compétition croissante avec la Chine. Le MiG-29 est un vecteur de présence sur des marchés de niche.

Les limites techniques et le choix assumé
Moderniser le MiG-29 ne fait pas disparaître ses faiblesses. Le radar Zhuk-ME reste inférieur au radar AESA N036 du Su-57. La cellule souffre d’une faible endurance (1h30 en mission sans ravitaillement). Sa capacité d’emport est limitée à 4 000 kg, contre 8 000 pour un Su-30SM. Son rayon d’action sans ravitaillement reste court : environ 1 500 km en charge standard.
Les moteurs RD-33 sont réputés pour leur consommation élevée et leur maintenance fréquente. De plus, leur émission infrarouge les rend vulnérables aux missiles thermiques modernes. Sur le plan électronique, l’absence de radar à antenne active AESA ou de capteurs passifs omnidirectionnels limite la conscience situationnelle.
Mais ces faiblesses sont connues. La Russie ne cherche pas à faire du MiG-29 un concurrent au F-35 ou au Rafale. Elle l’utilise comme un outil de saturation, de défense tactique, de formation ou d’appui. Dans un contexte de guerre d’attrition, disposer d’un avion de chasse fiable, bon marché et adaptable reste pertinent.
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