
Comparatif technique : OLS-35 des chasseurs russes vs pods Sniper, LITENING, ATFLIR et IRST21. Performances, contraintes, effets en mission et conséquences.
En résumé
L’OLS-35 est le capteur IRST intégré des Su-35, combinant voie infrarouge (3–5 µm), voie TV et télémètre-désignateur laser. Il détecte et suit de façon passive, avec des portées annoncées variables selon l’aspect (jusqu’à plusieurs dizaines de kilomètres), et un télémétrage laser de l’ordre de 20 km (10,8 nm). En face, les pods américains Sniper ATP, LITENING et ATFLIR offrent de grandes ouvertures optiques, des détecteurs génération HD (jusqu’à 1K×1K), une stabilisation gyrostabilisée multi-axes et une production de coordonnées de tir précises pour l’air-sol. Pour l’air-air passif longue distance, l’US Air Force déploie le IRST21 (Legion Pod), optimisé en bande longue (8–12 µm) et apte à la triangulation coopérative. Limites clés côté OLS-35 : ouverture plus réduite, champ de regard contraint, télémétrie aérienne limitée, chaîne traitement/liaison moins tournée vers la géolocalisation fine. Conséquence : en mission, le Su-35 dépend davantage de la fusion de capteurs avion et de sa tactique, quand les pods occidentaux maximisent l’identification et la désignation à grande distance.

Un panorama des technologies optoélectroniques en présence
Les systèmes optoélectroniques de chasseurs se répartissent en deux familles : les IRST intégrés (comme l’OLS-35) et les pods de désignation suspendus (Sniper, LITENING, ATFLIR) auxquels s’ajoutent les pods IRST dédiés (IRST21/Legion Pod).
Un IRST cherche et piste passivement des cibles aériennes via l’infrarouge. Ses avantages : discrétion (aucune émission), immunité au brouillage électromagnétique, sensibilité aux cibles à faible EPR. Ses limites physiques : dépendance à la météo (humidité, nuages), aux gradients thermiques et au contraste fond/cible. Un pod de désignation, lui, priorise l’air-sol : FLIR haute définition, caméra jour, télémètre/désignateur, suivi automatique, génération de coordonnées géographiques précises et liaison vidéo. Les derniers pods américains apportent aussi des capacités air-air utiles (détection et suivi visuel/IR, identification).
Côté spectre, l’OLS-35 travaille en MWIR (3–5 µm), favorable aux signatures chaudes de tuyères et aux cibles contrastées. L’IRST21 privilégie la bande LWIR (8–12 µm), plus robuste contre certaines conditions atmosphériques et plus sensible aux cibles « froides » sur fond de ciel.
La description technique de l’OLS-35 intégré au Su-35
L’OLS-35 est une « station optique » intégrée à l’avant droit du Su-35. Il combine :
- une voie IR (MWIR, 3–5 µm) à balayage et imagerie ;
- une voie TV jour ;
- un télémètre/désignateur laser (portées typiques : env. 20 km sur cible aérienne, jusqu’à ~30 km sur cible terrestre, selon taille et atmosphère) ;
- un calculateur de suivi multi-cibles et une interface avec l’avionique.
Le champ de regard usuel est de l’ordre de ±90° en azimut et +60/-15° en site, couvrant l’hémisphère avant. En détection air-air, les portées dépendent fortement de l’aspect : l’arrière (postcombustion, tuyères exposées) offre un gain marqué, l’avant réduit le contraste thermique. En pratique, on cite couramment des détections de l’ordre de plusieurs dizaines de kilomètres en face à face, et supérieures de dos lorsque la signature est élevée. Le système peut pister plusieurs pistes simultanément et fournir l’angle fin pour la fusion de capteurs (radar N035 Irbis-E, RWR, liaisons).
Points forts : intégration native (pas de traînée additionnelle), masse/énergie optimisées, disponibilité permanente sans occuper un point d’emport. Points faibles : ouverture limitée par le carénage, champ de regard fixé par l’implantation, télémétrie laser aérienne plafonnée (≈ 20 km), mise à niveau matérielle moins triviale qu’un pod modulaire.
Un état de l’art des pods américains : Sniper, LITENING, ATFLIR
Les pods Sniper ATP (Lockheed Martin), LITENING (Northrop Grumman/Rafael) et ATFLIR (Raytheon) sont des nacelles de 2,2–2,5 m de long (7,2–8,2 ft) avec de grandes ouvertures, gimbal 2 à 4 axes, stabilisation gyrostabilisée et capteurs génération HD. À titre d’ordre de grandeur :
- Sniper : longueur ≈ 2,52 m (98,2 in), diamètre ≈ 0,30 m (11,9 in), masse ≈ 202 kg (446 lb).
- LITENING : longueur ≈ 2,20 m (7,2 ft), diamètre 0,406 m (16 in), masse ≈ 208 kg (459 lb).
- ATFLIR : longueur ≈ 1,83 m (72 in), masse ≈ 191 kg (420 lb), portée slant air-sol supérieure à 48–64 km (26–35 nm) selon altitude.
Les générations récentes apportent des matrices FLIR 1K×1K en MWIR, des algorithmes de super-résolution, de suivi auto multi-cibles, une caméra jour HD, la désignation laser, un laser spot tracker et des liaisons vidéo/données. Ils délivrent des coordonnées géolocalisées d’objectif avec des erreurs circulaires réduites, cruciales pour l’emploi de munitions à guidage laser ou GPS, tout en permettant une identification visuelle à grande distance. En air-air, ces pods offrent une détection/suivi et une identification visuelle (aspect, emports), bien que la télémétrie pour un tir BVR repose souvent sur le radar ou la coopération multi-plateformes.
Un IRST américain dédié à l’air-air : IRST21 / Legion Pod
Pour la détection passive longue distance d’aéronefs, l’USAF/USN déploie l’IRST21 (Legion Pod) en LWIR. Le pod (diamètre 406 mm, longueur 2,50 m, < 250 kg) sert de capteur principal air-air passif. Sa valeur ajoutée : la triangulation coopérative grâce à un datalink intégré. Deux appareils équipés partagent leurs lignes de visée IR pour estimer la distance d’une cible sans radar. C’est un levier majeur : un IRST seul connaît l’angle très précisément, mais pas la portée à longue distance (le laser ne couvre que quelques dizaines de kilomètres) ; la fusion de deux IRST supprime cette ambiguïté, ouvre le tir BVR et préserve la discrétion.
Une comparaison capacitaire : ce que fait l’OLS-35, ce que font les pods
Un champ de regard et une ouverture
Un capteur interne comme l’OLS-35 voit surtout l’hémisphère avant. Un pod peut pivoter largement vers le bas et sur les côtés, couvrir des cibles terrestres dans un large cône et maintenir la piste malgré les manœuvres. L’ouverture optique d’un pod (lentilles de grand diamètre) capte plus de photons à F/ faible, améliorant la portée utile et l’identification par faible contraste.
Une résolution et un traitement d’image
Les pods américains récents ont des matrices FLIR « 1K » et des chaînes vidéo/traitements très matures (stabilisation, réduction de bruit, traqueurs multiples, « picture-in-picture »). L’OLS-35, antérieur, est crédité de résolutions plus modestes. Or, en pratique, l’identification (ID) visuelle d’un aéronef à > 30–40 km dépend autant de la résolution et du zoom que de la simple détection thermique.
Une télémétrie et une géolocalisation
L’OLS-35 dispose d’un télémètre/désignateur ; sur cibles aériennes, la portée laser évoquée tourne autour de 20 km (10,8 nm). Au-delà, l’IRST donne des angles, mais la portée reste ambiguë sans aide (radar, coopératif). Les pods américains génèrent des coordonnées précises en air-sol (correction INS, boresight, géoréférencement). Pour l’air-air passif au-delà de 40–60 km, IRST21 prend l’avantage via la triangulation multi-plateformes.
Une intégration et une modularité
Un pod se remplace, s’upgrade et se maintient indépendamment de l’avion. Les versions LITENING G4/SE et Sniper « Advanced » montrent une trajectoire d’amélioration continue (capteurs HD, liaisons, IA de détection). Un capteur intégré comme l’OLS-35 bénéficie de la faible traînée et de la disponibilité permanente, mais évolue plus lentement matériellement : toute montée en gamme impose des travaux avion.
Des limites concrètes de l’OLS-35 en mission
Une identification plus tôt ou plus tard ?
En interception, le Su-35 peut « accrocher » thermiquement une cible à des portées utiles, surtout de dos. Mais l’identification visuelle positive (éviter les tirs fratricides, confirmer le type) exige du détail. Des pods HD américains obtiennent cette ID plus tôt, grâce à leur optique et à la stabilisation fine à grand facteur de zoom. Sur un départ d’alerte à haute altitude, l’écart se traduit par quelques dizaines de secondes gagnées, précieuses pour la décision ROE.
Un tir BVR passif, oui mais sous conditions
Au-delà de 40–60 km, si l’on veut garder le silence radar, un IRST doit estimer la distance. L’OLS-35 y parvient difficilement seul hors portée laser. Le Su-35 peut certes corréler avec ses mesures radar en « coups de sonde » brefs, mais perd une partie du bénéfice de discrétion. IRST21, en revanche, réalise une mesure passive collaborative. Conséquence : un F-15C/EX équipé peut engager de façon plus confiante sans émission radar continue.
Une pénétration air-sol : désigner et survivre
L’OLS-35 sait désigner au laser des cibles terrestres. Toutefois, pour la reconnaissance détaillée, l’évaluation de dommages ou l’attaque dynamique (CAS) à grande distance, les pods US restent plus performants (TV/IR HD, zoom élevé, liaisons vidéo bidirectionnelles, coordonnées de précision). La conséquence opérationnelle est simple : un Su-35 peut délivrer des armes guidées, mais un F-16/F-15E équipé Sniper/LITENING mène l’identification, l’assignation et la frappe multi-cibles plus loin de la menace.
Des facteurs physiques et industriels à ne pas négliger
Les performances IR dépendent de la météo (vapeur d’eau, aérosols), de l’arrière-plan, de la taille d’ouverture, de la qualité des détecteurs (HgCdTe, T2SL), des cryo-refroidisseurs et du traitement temps réel. Les industriels américains ont poussé très haut les matrices refroidies 640×512 puis 1024×1024 et la tenue en vibration/accélération. Les contraintes d’accès aux composants de pointe jouent aussi : la disponibilité de détecteurs MWIR/LWIR hautes performances, de cryoréfrigérateurs fiables et de calculateurs peut conditionner la cadence d’évolution d’un système intégré.
Une analyse « mission » : ce que cela change pour l’emploi
Sur Su-35, l’OLS-35 est un capteur utile : veille passive, suivi multi-cibles, désignation laser opportuniste, appui à la fusion de capteurs. Mais ses limites se traduisent ainsi :
- en police du ciel, l’ID visuelle intervient plus tard, donc des fenêtres de tir plus courtes sous règles d’engagement strictes ;
- en BVR passif, la portée « de tir confiant » sans radar est réduite, sauf appui externe ;
- en air-sol, l’imagerie/coordination à très longue portée est moins riche qu’avec un pod occidental moderne.
Pour les chasseurs occidentaux, les pods apportent :
- une reconnaissance/identification à longue distance avec métriques stables (coordonnées, qualité vidéo) ;
- une collaboration inter-plateformes (liaisons, vidéo, tri-points IRST21) améliorant la longue portée passive ;
- une capacité « multi-mission » (CAS, ISR, air-air opportuniste) sans changer de capteurs.

Un mot sur la survivabilité et la maintenance
Un capteur intégré n’ajoute pas de traînée ni de signature d’emport, avantage pour la consommation et la vitesse. Un pod, lui, occupe un point, pèse ≈ 190–210 kg et génère de la traînée ; mais il se retire, se remplace, s’upgrade vite. Opérationnellement, cette modularité permet de déployer la dernière version capteurs/logiciels sans immobiliser la flotte. L’OLS-35 progresse via standards avion (ex. évolutions de l’avionique Su-35), cadence plus lente.
Une trajectoire d’évolution probable
Côté russe, la génération ultérieure (OLS-50M du Su-57) suggère l’arrivée de détecteurs plus performants, d’antennes réparties et d’une meilleure intégration réseau. Côté occidental, les pods deviennent « plateformes de capteurs » : insertion d’IRST, SAR compact, datalinks propres, traitement embarqué assisté par IA pour la détection/identification. La course portera autant sur le logiciel et la fusion de capteurs que sur les seuls capteurs.
Face aux pods américains, l’OLS-35 rend des services réels mais montre des limites structurelles : ouverture et champ réduits, ID plus tardive, télémétrie aérienne limitée au-delà de 20 km, moins de modularité. Les forces américaines compensent le coût/traînée des pods par une supériorité d’imagerie et de géolocalisation, et par un IRST LWIR collaboratif pour l’air-air discret. Tactiquement, cela se traduit par des options plus nombreuses : identification plus tôt, tir passif plus confiant, coordination inter-plateformes plus riche. La technologie n’est pas tout, mais ici elle déplace clairement l’équilibre en faveur des chaînes optroniques poddées et coopératives.
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