La Chine présente son système mobile OW5-A50, un laser de 50 kW conçu pour neutraliser les drones à courte portée depuis un camion 8×8.
La Chine a officiellement présenté le système de défense laser mobile OW5-A50, développé par NORINCO Group, lors d’une vidéo promotionnelle publiée en juillet 2025. Monté sur un châssis 8×8 tout-terrain, ce système repose sur une technologie à énergie dirigée, conçue pour intercepter des drones lents à basse altitude, comme les modèles de type Shahed utilisés dans plusieurs conflits. Doté d’une puissance de 50 kilowatts, l’OW5-A50 fonctionne de manière autonome en énergie, et s’inscrit dans une famille de lasers comprenant aussi les versions OW5-A10 et OW5-A30. Il a été récemment exposé dans des salons de défense au Moyen-Orient, dans une logique d’exportation. Si ses capacités exactes contre des cibles plus lourdes restent à confirmer, il ouvre une nouvelle voie dans la lutte contre les systèmes aériens légers.
Un laser mobile conçu pour contrer les drones tactiques
Le système OW5-A50 repose sur une approche simple : combiner mobilité tout-terrain, capacité de détection automatisée et énergie dirigée à moyenne puissance pour neutraliser rapidement les drones de petite taille.
La configuration repose sur un châssis 8×8 lourd, compatible avec des conditions de déploiement difficiles. Ce véhicule assure le transport et la stabilisation de tous les sous-systèmes : laser, capteurs, alimentation, refroidissement. La mobilité permet de protéger des zones temporaires, comme des bases militaires avancées, des installations énergétiques ou des convois logistiques.
Le laser embarqué, de 50 kilowatts, est issu d’une architecture modulaire, dérivée des versions OW5-A10 (10 kW) et OW5-A30 (30 kW). À cette puissance, la destruction par fusion thermique des matériaux composites des drones devient possible sur des cibles à moins de 2 kilomètres, en fonction des conditions atmosphériques et du type de drone. La destruction est obtenue par l’échauffement localisé d’un point vulnérable (moteur, capteur, batterie), ce qui entraîne la perte de contrôle ou l’explosion de l’engin.
Cette approche diffère fondamentalement des systèmes à interception cinétique : pas de munitions, pas de fragmentation, pas de risques de dommages collatéraux au sol. Le système fonctionne en silence, ce qui permet des actions furtives dans un contexte de défense rapprochée.
Le développement de telles plateformes laser mobiles répond à une réalité opérationnelle : les défenses sol-air classiques sont coûteuses et peu adaptées aux attaques saturantes par drones low-cost. Avec des systèmes laser comme l’OW5-A50, l’objectif est de réduire le coût par interception, en passant de dizaines de milliers d’euros (missile) à quelques dizaines d’euros par tir (énergie consommée).
Une autonomie énergétique et une architecture modulaire
Le système OW5-A50 se distingue par son autonomie énergétique complète, c’est-à-dire sa capacité à fonctionner sans source externe de courant. Cette autonomie repose sur l’intégration d’un groupe électrogène embarqué, probablement basé sur un moteur diesel renforcé, associé à un système de stockage et conversion d’énergie.
Les lasers à haute énergie nécessitent une alimentation continue et stable, ainsi qu’un système de refroidissement performant. À 50 kW, chaque impulsion laser chauffe fortement les composants optiques. L’OW5-A50 intègre donc un refroidissement actif, soit à air forcé, soit à liquide circulant. Cette caractéristique est cruciale pour permettre un usage répétitif, avec des cadences de tir élevées (plusieurs tirs par minute), sans dégradation des composants.
La structure modulaire de la famille OW5 facilite la standardisation industrielle. NORINCO propose plusieurs variantes de puissance, chacune calibrée pour différents types d’opérations :
- OW5-A10 : protection ponctuelle contre des micro-drones (< 1,5 kg),
- OW5-A30 : défense d’installations statiques contre des drones tactiques,
- OW5-A50 : engagement de cibles multiples, mobilité et endurance renforcées.
Cette approche hiérarchique permet d’adapter la capacité énergétique à l’environnement opérationnel. Une base aérienne en zone urbaine n’aura pas les mêmes besoins qu’un poste isolé en montagne ou qu’un port logistique.
NORINCO vise une exportation active de cette gamme. Le système a été présenté dans des salons en Arabie Saoudite, au Qatar et en Égypte, trois pays intéressés par des solutions compactes contre les menaces drones. L’intégration dans les doctrines de défense dépendra cependant des tests en condition réelle, que la Chine ne communique pas systématiquement.
Des performances encore incertaines face aux menaces complexes
Malgré les promesses affichées par NORINCO, les capacités exactes de l’OW5-A50 contre des cibles autres que les drones restent à démontrer. Le constructeur évoque une possible interception de mortiers ou d’hélicoptères, mais ces affirmations ne s’appuient à ce jour sur aucune démonstration publique.
La neutralisation d’un drone de type Shahed-136 ou Lancet, d’environ 2,5 à 3 mètres d’envergure, volant à 100-120 km/h, ne requiert pas la même puissance ni la même précision que celle d’un obus de mortier en vol balistique. Ce dernier demande un temps de réaction inférieur à 2 secondes, une détection précoce, et une concentration d’énergie instantanée sur un point d’impact très réduit.
Pour ce type de cible rapide, les lasers doivent disposer d’une optique adaptative, d’un suivi automatisé à haute fréquence, et d’une coordination étroite avec un système de radar tridimensionnel. Or, rien n’indique aujourd’hui que l’OW5-A50 intègre ce niveau de sophistication.
Quant aux hélicoptères, la question est plus technique : les structures sont blindées, la surface d’impact est mobile et souvent protégée par des contre-mesures optiques. À ce stade, aucun laser terrestre de 50 kW n’a démontré la capacité à abattre un hélicoptère armé en vol.
Ces incertitudes n’annulent pas l’intérêt tactique du système. Elles en limitent le champ d’application, qui reste centré sur la lutte anti-drones en courte portée (0,5 à 2 km) et sur des cibles non blindées. C’est dans ce cadre que l’OW5-A50 constitue un outil potentiellement utile pour compléter les couches basses d’une défense aérienne intégrée.
Un marché concurrentiel et en pleine structuration
Le développement de systèmes de type OW5-A50 intervient dans un contexte d’intensification mondiale des menaces drones, notamment dans les conflits du Moyen-Orient et en Ukraine. Le marché des contre-mesures anti-UAV (C-UAS) est en forte croissance : il était estimé à 1,3 milliard d’euros en 2023 et pourrait atteindre 5 milliards d’euros d’ici 2030.
Dans ce paysage, la Chine cherche à s’imposer comme fournisseur de systèmes à énergie dirigée face aux États-Unis (Raytheon, Lockheed Martin), à Israël (Rafael avec le système Iron Beam), et à la Turquie (Aselsan). La stratégie chinoise repose sur :
- Un coût compétitif, avec un prix estimé entre 5 et 8 millions d’euros par système complet,
- Une souplesse d’exportation, notamment vers des pays non alignés avec l’OTAN,
- Une capacité de production en série, accélérée par l’industrialisation centralisée.
Cependant, la crédibilité de l’offre dépendra de démonstrations réelles, de références opérationnelles et de garanties logistiques. NORINCO devra prouver sa capacité à livrer, former, entretenir et intégrer ces systèmes dans les architectures radar et C2 existantes.
Les pays intéressés devront aussi évaluer les risques d’interopérabilité. Le recours à des équipements chinois pose des défis techniques pour les armées qui utilisent déjà des solutions occidentales. De plus, les considérations de cybersécurité entrent désormais dans le cahier des charges des achats militaires sensibles.
Le succès ou l’échec de l’OW5-A50 sur le marché international sera donc conditionné autant par ses performances techniques que par les paramètres géopolitiques dans lesquels il s’inscrit.
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