
Le V-BAT de Shield AI, testé au combat en Ukraine, entre en service en Grèce, marquant une étape importante dans la modernisation de ses forces armées.
Le drone V-BAT, conçu par Shield AI, a été officiellement intégré dans les forces armées grecques à la suite de ses performances opérationnelles en Ukraine. Capable de décoller et d’atterrir à la verticale, il combine autonomie longue distance, furtivité et capacités de reconnaissance précises. Les forces ukrainiennes l’ont utilisé avec succès pour identifier des systèmes de défense antiaérienne russes et recueillir des renseignements sur les mouvements ennemis. La Grèce, en pleine transformation de son armée, entend s’appuyer sur cette technologie pour améliorer sa surveillance maritime et territoriale. Ce choix reflète un tournant dans l’acquisition de systèmes aériens autonomes, moins coûteux et plus adaptables aux environnements complexes.

Une acquisition stratégique pour la défense grecque
La Grèce a officiellement reçu son premier système V-BAT le 14 mai 2025. Cette décision s’inscrit dans le contexte d’une modernisation intensive des forces armées grecques, annoncée par le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis comme la plus importante réorganisation militaire depuis la fondation de l’État grec moderne.
Le système V-BAT a été remis à l’ASDEN (Commandement militaire suprême de l’intérieur et des îles) par la Fondation Athanasios C. Laskaridis, un acteur civil de plus en plus engagé dans le soutien matériel à l’armée grecque. Cette livraison s’inscrit dans une politique de coopération public-privé, permettant à la Grèce de renforcer ses capacités sans recourir exclusivement aux fonds publics.
Shield AI, l’entreprise américaine à l’origine du V-BAT, se positionne désormais comme un partenaire stratégique pour les États européens en quête de drones tactiques performants. Le V-BAT n’est pas un drone d’observation conventionnel. Il se distingue par sa capacité à effectuer des missions longues, dans des zones mal desservies par les infrastructures militaires classiques, comme les îles de la mer Égée ou les zones montagneuses de l’intérieur.
Du point de vue opérationnel, l’intégration du V-BAT renforce la résilience territoriale grecque dans une zone stratégique marquée par les tensions en mer Égée et en Méditerranée orientale. Le drone pourra effectuer des missions de surveillance des frontières maritimes, de détection de mouvements navals suspects, et d’évaluation des activités militaires turques, avec un risque humain nul.
Une plateforme éprouvée dans les combats en Ukraine
La légitimité opérationnelle du V-BAT repose sur ses résultats obtenus en Ukraine en 2024. Le premier cas documenté concerne une mission menée le 24 août 2024 par les forces spéciales ukrainiennes. Le drone a pénétré à plus de 60 kilomètres en territoire occupé, identifiant un système russe de missiles sol-air Buk, ultérieurement détruit par un tir de missile HIMARS guidé par les données du drone.
La durée totale du vol a dépassé six heures, démontrant non seulement la portée stratégique du système, mais également sa capacité à transmettre des données exploitables en temps réel. Ces missions longues confèrent au V-BAT un avantage tactique par rapport aux drones à autonomie limitée ou soumis à des contraintes de décollage complexes.
Autre exemple : le 19 novembre 2024, un V-BAT a participé à une mission de reconnaissance navale ukrainienne près de la flèche de Kinburn, au nord-ouest de la mer Noire. Il a collecté des informations sur les déplacements logistiques russes, avant de retourner à sa base dans la région d’Odesa, confirmant sa robustesse en environnement côtier et maritime.
Au total, plus de 130 missions ont été menées en Ukraine avec ce drone. Ces données attestent de la fiabilité du V-BAT dans un théâtre de guerre actif, y compris face à des systèmes de brouillage ou de détection hostiles.
Un drone tactique agile et économique
Le V-BAT se distingue par sa conception innovante : il s’agit d’un drone mono-rotor à décollage et atterrissage vertical (VTOL). Il peut être déployé sans piste, sur une zone réduite (même sur un toit ou un navire). Son rayon d’action atteint plus de 100 kilomètres, avec une autonomie de vol supérieure à 6 heures. Il peut voler à des vitesses de croisière proches de 140 km/h et embarque des charges utiles modulables, telles que des capteurs EO/IR, des relais de communication, ou des dispositifs de cartographie.
Cette configuration le rend particulièrement adapté à des missions dans des zones enclavées, comme les îles grecques de la mer Égée, ou les postes avancés dans les zones montagneuses. Contrairement aux drones à voilure fixe ou multirotor, il ne nécessite ni catapulte ni système de récupération. Cette simplicité logistique réduit significativement les coûts opérationnels.
Le prix estimé d’un système V-BAT complet, incluant drone, stations au sol et maintenance, se situe autour de 3 millions d’euros, bien en dessous du coût d’un drone MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) comme le MQ-9 Reaper qui dépasse les 20 millions d’euros par unité.
Un signal vers une doctrine drone plus offensive
Avec l’intégration du V-BAT, la Grèce rejoint les nations européennes qui structurent une doctrine d’emploi autonome de drones tactiques. Ce choix s’inscrit dans une tendance croissante à s’équiper de systèmes légers, économiques et redéployables.
Le cas de l’Ukraine montre aussi que les drones comme le V-BAT peuvent être intégrés dans une chaîne de frappe plus large : détection, transmission de coordonnées, neutralisation par missile guidé. C’est une rupture avec le rôle passif souvent attribué aux drones d’observation.
En créant des unités spécialisées comme les Unmanned Systems Forces (USF) ukrainiennes, les armées modernes construisent un savoir-faire tactique autonome, indispensable dans un contexte de guerre hybride. La Grèce pourrait suivre cette voie, notamment en déployant les V-BAT pour coordonner ses missions navales, terrestres et aéroportées en Méditerranée.
L’intégration du V-BAT ouvre aussi des perspectives de coopération industrielle et doctrinale avec les États-Unis, notamment à travers des formations de pilotes, des échanges de retours opérationnels, voire une future production sous licence ou intégration dans des exercices conjoints OTAN.

Vers un futur drone européen ?
Le choix grec d’un système américain comme le V-BAT pose néanmoins la question de l’autonomie industrielle européenne. L’Union européenne, via ses programmes EDIDP ou PESCO, tente de développer des solutions indigènes comme le Eurodrone ou des drones tactiques plus légers, mais souffre de retards structurels, de coûts élevés, et d’une absence de standardisation entre États membres.
Face à des besoins opérationnels pressants et à des budgets contraints, des pays comme la Grèce se tournent vers des solutions américaines déjà éprouvées. Ce phénomène pose la question de la dépendance technologique dans un domaine stratégique où la réactivité, le coût, et l’interopérabilité OTAN l’emportent souvent sur les priorités industrielles continentales.
La livraison du V-BAT à la Grèce, bien que ponctuelle, révèle l’écart croissant entre les ambitions européennes et la réalité des besoins immédiats sur le terrain.
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