
Kiev affirme avoir frappé la raffinerie de Saratov, causant explosions et incendie. Objectif : peser sur l’infrastructure énergétique russe et son effort de guerre.
En résumé
Kiev poursuit ses attaques de drones de longue portée contre des cibles en Russie. Dans la nuit du 15 au 16 septembre 2025, des sources ukrainiennes ont revendiqué une frappe sur la raffinerie de Saratov, à environ 600 km (370 miles) de l’Ukraine, avec explosions et incendie. L’installation appartient à Rosneft et affiche une capacité nominale de 7,0 millions de tonnes par an, pour un débit réel d’environ 4,8 millions de tonnes en 2023. Cette action s’inscrit dans une stratégie visant la capacité de raffinage et la logistique de carburants afin d’affaiblir l’économie de guerre russe. Les vecteurs employés combinent drones longue portée, navigation inertielle et guidage visuel, en essaims destinés à saturer la défense antiaérienne et la guerre électronique adverses. Les données disponibles indiquent des arrêts d’unités, des incendies et des pénuries ponctuelles, ainsi qu’une mise en garde de Transneft sur d’éventuelles réductions d’acheminement. L’efficacité globale dépend toutefois de la vitesse de réparation, des stocks, et de la dispersion des frappes dans le temps.
Le fait rapporté et les éléments vérifiables
Dans la nuit du 15 au 16 septembre 2025, l’état-major ukrainien a indiqué avoir visé la raffinerie de Saratov, entraînant des explosions et un feu sur site. Des médias ukrainiens et internationaux ont relayé des visuels d’incendie et des échos d’explosions. Le site visé constitue un nœud pétrolier de la moyenne Volga, distant d’environ 600 km (370 miles) de la ligne de front. L’installation, exploitée par Rosneft, possède une capacité de traitement désignée à 7,0 Mt/an, tandis que le volume traité en 2023 a atteint 4,8 Mt selon des sources publiques. Déjà en août, un précédent raid avait entraîné une suspension des opérations, pointant la vulnérabilité des unités primaires ELOU-AVT et des blocs de conversion (visbreaking, isomérisation). La reprise d’activité est fonction de la remise en service des tuyauteries, compresseurs, fours et systèmes de sécurité, dont les délais se chiffrent souvent en semaines.
Le pourquoi d’une campagne ciblant l’énergie
La logique stratégique est double. D’une part, perturber l’approvisionnement en carburants militaires (kérosène d’aviation, diesel), dont une part provient de raffineries de l’ouest russe. D’autre part, s’attaquer à un secteur qui contribue de 30 % à 50 % des recettes du budget fédéral selon les périodes via taxes, droits à l’export et dividendes. En frappant des sites clés — raffineries (Ryazan, Kirishi, Saratov), dépôts et terminaux (Primorsk, Ust-Luga) — Kiev cherche un effet cumulé : arrêt d’unités critiques, congestion logistique, hausse des coûts d’assurance, et arbitrages défensifs russes au détriment d’autres priorités. Cet axe complète les sanctions, en visant non pas l’aval commercial, mais la capacité industrielle amont-aval qui transforme et expédie les produits pétroliers.
Le comment : vecteurs, trajectoires et modes opératoires
Les frappes s’appuient sur des drones d’attaque à longue portée, propulsés par moteurs à pistons ou réactés selon les modèles, programmés par waypoints et soutenus par une navigation inertielle (INS), GPS/GLONASS durcis et parfois un guidage visuel terminal. Parmi les vecteurs cités dans la littérature ouverte, le Bober/UJ-25 affiche une portée de 600 à 1 000 km, avec une charge militaire calibrée pour percer des structures de process. L’AQ-400 Scythe revendique 750 km de rayon de frappe avec une ogive de l’ordre de 32 à 43 kg, une vitesse de croisière proche de 150 à 200 km/h, et une doctrine d’emploi en mini-essaims avec « drone guide » et suiveurs pour saturer les couches de défense. D’autres plateformes ukrainiennes (UJ-22, Morok, variantes dérivées) complètent l’arsenal, aux profils radar réduits et profils d’approche à basse altitude. Les attaques combinent souvent plusieurs axes d’approche, une séquence nocturne et une temporisation pour solliciter durablement la défense antiaérienne locale.

La neutralisation et ses limites côté russe
La Russie revendique de nombreux drones abattus, avec des débris parfois à l’origine d’incendies secondaires sur site. La riposte mobilise brouillage GNSS, coupures temporaires de réseaux mobiles, renforcement de la DCA de point (Pantsir-S1) et patrouilles de combat aérien. Sur le plan industriel, les opérateurs priorisent la protection des unités primaires (distillation atmosphérique et sous-vide) et des réacteurs sensibles (isomérisation, reforming), car leur indisponibilité entraîne des arrêts en cascade. Néanmoins, la défense parfaite est coûteuse et rare sur un réseau de sites dispersés à plusieurs centaines de kilomètres de profondeur. La densité des installations, l’interdépendance avec les pipelines, et la nécessité de maintenir des flux constants limitent la capacité à « bunkeriser » l’ensemble.
Les effets visibles : arrêts, arbitrages et signaux marché
Depuis août, les attaques répétées contre raffineries et terminaux ont conduit, selon des sources industrielles, à mettre hors ligne jusqu’à environ 17 % de la capacité de raffinage russe à certains pics, soit près de 1,1 million de barils/jour. Plusieurs sites ont réduit, voire suspendu temporairement, leurs unités critiques. La hausse des indisponibilités et la saison de demande élevée ont provoqué des tensions régionales sur l’essence, avec un gel partiel des exportations d’essence décidé fin juillet. Dans le même temps, le gestionnaire de pipelines Transneft a averti les producteurs de possibles contraintes de stockage et d’acceptation du brut en cas de nouvelles avaries. Sur les marchés, le signal prix reste modéré mais perceptible, le Brent progressant autour de la mi-septembre à la faveur des interruptions de capacité et des risques géopolitiques.
La place de Saratov dans l’architecture énergétique russe
Saratov traite des bruts Urals et Orenbourg; ses produits — essence, diesel, fuel, bitumes, gazole sous vide, soufre — sont expédiés par rail et route, avec accès fluvial selon la saison. En 2023, le débit d’environ 4,8 Mt indique une utilisation en-deçà de sa capacité nominale (7,0 Mt), reflet des cycles de maintenance et d’optimisation produits. Toucher Saratov n’a pas l’effet d’une raffinerie géante comme Kirishi (environ 17,7 Mt/an, 355 000 b/j), mais la répétition des arrêts crée un effet d’entraînement : re-routage des flux, files d’attente sur pipelines, arbitrages de mélanges (blending) et tension sur les composants d’essence.
L’efficacité réelle : que montrent les chiffres et la technique
La question centrale est « est-ce que cela marche ? ». Trois indicateurs convergent. D’abord, l’indisponibilité agrégée : jusqu’à 17–20 % de capacité primaire hors ligne à certains moments, niveau record depuis le début de la guerre des drones. Ensuite, les arbitrages politiques et logistiques: avertissements de Transneft, restrictions temporaires d’export d’essence, retards de remise en route. Enfin, les effets prix et disponibilité : primes locales, inversion de certains flux vers l’export brut plutôt que l’aval raffiné, et maintenance repoussée ou improvisée. Techniquement, frapper des unités ELOU-AVT, des fours ou des bacs critiques impose des inspections, contrôles non destructifs et pièces de rechange spécifiques; ces opérations prennent du temps, et il suffit d’une poignée de points d’étranglement pour désorganiser une chaîne entière.
Les risques d’escalade et les contre-mesures possibles
Côté russe, la riposte la plus efficace combinera discrimination des cibles (protection des unités vitales), redondance (bacs tampons, by-pass), durcissement physique (filets, écrans anti-débris, abris légers) et défense active rapprochée. Côté ukrainien, la trajectoire attendue passe par une montée en cadence de la production nationale de drones, l’amélioration des algorithmes de navigation visuelle (corrélation routes/reliefs), l’emploi de moteurs plus sobres, et l’intégration de charges adaptées aux structures industrielles. L’arbitrage coût/effet reste favorable si un vecteur à quelques dizaines de milliers d’euros provoque l’arrêt d’une unité générant des pertes en millions d’euros par jour.
Une perspective stratégique sur la durée
La campagne aérienne à basse signature menée par Kiev ne vise pas un « coup de massue » unique, mais une attrition méthodique de l’aval pétrolier russe. La répétition compte plus que le spectaculaire. Si Moscou répare, Kiev revient; si Moscou renforce un site, Kiev déplace l’effort vers un autre. Le test, désormais, sera la résilience industrielle russe à l’approche de l’hiver et la capacité ukrainienne à maintenir un rythme soutenu de frappes variées, depuis plusieurs axes et sur des nœuds complémentaires. Le front énergétique est devenu un théâtre à part entière, où l’innovation, la logistique et la capacité d’absorber les chocs pèseront autant que le nombre de drones engagés.
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