
L3Harris présente les mini-missiles Red Wolf et Green Wolf, modulaires, peu coûteux et compatibles avec plusieurs plateformes de lancement.
Le groupe américain L3Harris a levé le voile sur deux nouveaux missiles compacts et modulaires : Red Wolf pour les frappes de précision longue portée, et Green Wolf, dédié à la guerre électronique. Ces armes, conçues pour être lancées depuis des plateformes aériennes, terrestres ou maritimes, visent à offrir une solution peu coûteuse, polyvalente et produite à grande échelle. Avec une portée annoncée de plus de 370 kilomètres, une autonomie de 60 minutes et un coût unitaire d’environ 275 000 euros, ces munitions répondent aux besoins croissants des forces armées américaines et alliées face à la saturation des systèmes de défense traditionnels. Red Wolf est déjà intégré aux essais du programme LRAM des Marines, et constitue un jalon pour le futur missile d’attaque de précision PASM. Cette offensive industrielle s’inscrit dans une dynamique stratégique d’accélération de la production d’armements de moyenne portée, et marque l’entrée de nouveaux formats hybrides entre drones et missiles de croisière.
Une nouvelle génération de missiles hybrides pour frappes à distance
Les systèmes Red Wolf et Green Wolf illustrent une tendance stratégique claire : produire des munitions autonomes, furtives, et capables d’opérer à distance de sécurité, tout en limitant les coûts et les délais de développement.
Le Red Wolf est conçu pour les frappes de précision contre des cibles terrestres ou navales. Il utilise un moteur turbojet compact, propulsant le missile à vitesse subsonique élevée, avec une autonomie dépassant les 370 kilomètres à basse altitude. Le missile possède des ailettes repliables, deux entrées d’air intégrées au fuselage, et une signature radar réduite grâce à des formes étudiées (ligne de brisure du fuselage avant, forme aplatie du nez). Ces éléments témoignent d’une conception orientée vers la furtivité passive.
Le Green Wolf, quant à lui, reprend la cellule du Red Wolf, mais embarque une charge utile de guerre électronique. Il est destiné à repérer les émissions ennemies, brouiller les radars, ou agir comme relais de communication. Cette modularité permet de lancer des vagues mixtes : neutralisation des défenses par les Green Wolves, puis frappe cinétique par les Red Wolves.
Ces missiles répondent à plusieurs critères tactiques :
- Modularité : même cellule, charges utiles variables,
- Polyvalence : compatible avec des hélicoptères, véhicules terrestres, navires,
- Coût maîtrisé : environ 275 000 euros contre plus de 1,4 million d’euros pour un missile JASSM-ER.
La logique de ces systèmes s’aligne sur les besoins de frappes au-delà des défenses adverses, tout en évitant les coûts des missiles traditionnels.

Intégration aux plateformes existantes : le cas des hélicoptères AH-1Z Viper
Le missile Red Wolf a été testé dès 2021 dans le cadre du programme LRAM (Long Range Attack Missile), visant à doter les hélicoptères d’attaque AH-1Z Viper d’une capacité de frappe étendue.
Actuellement, ces appareils utilisent principalement des missiles AGM-114 Hellfire ou AGM-179 JAGM, dont la portée ne dépasse pas 16 kilomètres. Le Red Wolf, avec une portée de 370 kilomètres, augmente cette distance par un facteur de plus de 20, tout en offrant une compatibilité avec les supports existants.
Un Viper peut emporter plusieurs Red Wolves sous ses ailes, ce qui permet de frapper à grande distance sans s’exposer aux défenses sol-air. Cette approche redéfinit le rôle des plateformes de proximité, qui deviennent des vecteurs d’effets à distance.
Le programme LRAM s’intègre dans un projet plus vaste : PASM (Precision Attack Strike Missile), qui pourrait intégrer d’autres configurations. Il vise à créer une famille cohérente de missiles longue portée, compatibles avec des hélicoptères, des drones, et potentiellement des lanceurs terrestres.
Cette évolution tactique offre plusieurs avantages :
- Diminution de la dépendance à la supériorité aérienne,
- Capacité de frappe rapide sans escalade visible (missile furtif, lancements à distance),
- Possibilité de saturation des défenses grâce à des attaques coordonnées.
La stratégie des Marines montre clairement que les missiles compacts à bas coût sont appelés à remplacer progressivement les solutions classiques dans les conflits de haute intensité.
Une convergence technologique entre drone, missile et leurres
Les Red et Green Wolves illustrent la convergence actuelle entre drones, missiles de croisière et effets déportés. À mi-chemin entre un kamikaze autonome et une munition de croisière programmable, ils embarquent des capacités jusqu’ici réparties sur plusieurs types d’armements.
Outre leur modularité, L3Harris évoque la possibilité de variantes futures : leurres actifs, capteurs ISR, mini-drones de brouillage ou réémetteurs. Ce « wolf pack » serait capable d’opérer en meute :
- Green Wolf ouvre la voie, repère les émissions radar,
- Red Wolf frappe la cible identifiée,
- Un leurre attire les défenses adverses pour saturer les systèmes de tir.
Ce concept n’est pas isolé. L’US Army a testé une version du Red Wolf comme relais de communication. Le drone MQ-1C Gray Eagle est envisagé comme plateforme de lancement. L’objectif est clair : déléguer les phases de détection, de brouillage, et de frappe à une entité unique, réduisant le temps de réaction et le besoin de supervision humaine.
Ce type de système est rendu possible par la miniaturisation des composants, le traitement embarqué de l’information et l’autonomie algorithmique.
Les interrogations restent toutefois nombreuses sur :
- Le système de guidage exact (inertiel, GPS, imagerie, fusion capteurs),
- La résistance à la guerre électronique,
- La capacité à opérer dans un espace aérien contesté.
Le potentiel est là, mais les tests opérationnels devront valider ces ambitions technologiques.
Un marché américain dominé par la pression industrielle et la logique de volume
Le prix annoncé du Red Wolf – environ 275 000 euros – est un facteur décisif dans la logique de production. Ce tarif est proche de celui d’un missile JAGM, mais avec des capacités de portée multipliées par 20.
Cette volonté de produire 1 000 unités par an s’inscrit dans la stratégie américaine d’accumulation de munitions en prévision d’un conflit prolongé dans le Pacifique. Le retour d’expérience de l’Ukraine a démontré la fragilité des stocks traditionnels et la nécessité de disposer de solutions bon marché, stockables, et facilement remplaçables.
Le concept Red/Green Wolf répond à ces critères :
- Facilité de production, grâce à une cellule commune,
- Coût contenu, sans compromettre les performances,
- Effet dissuasif, par saturation possible des défenses ennemies.
L’objectif stratégique est clair : maintenir un avantage en volume, quitte à sacrifier une partie des performances unitaires. L’efficacité ne repose plus sur l’arme seule, mais sur la coordination de plusieurs vecteurs, à la manière des essaims de drones.
Dans ce contexte, les entreprises comme Anduril (Barracuda-100M) et Lockheed Martin (CMMT) développent aussi leurs propres missiles modulaires. Le marché est entré dans une phase de compétition ouverte, avec un enjeu de standardisation, de coût, et de délais.
L’enjeu dépasse le cadre militaire : c’est aussi un test de capacité industrielle face à des scénarios d’usure prolongée. L’efficacité d’une armée moderne ne se joue plus uniquement sur les performances maximales, mais sur l’aptitude à soutenir un conflit dans la durée.
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