
Utilisé comme porteur de missiles Kinzhal, le MiG-31 est l’ultime avion russe encore actif face aux défenses aériennes ukrainiennes.
Le MiG-31, autrefois intercepteur supersonique soviétique, reste l’un des rares avions de chasse russes à opérer dans le cadre de la guerre en Ukraine. Initialement conçu pour contrer les bombardiers stratégiques occidentaux à haute altitude, cet appareil des années 1980 a vu son rôle évoluer vers une mission d’attaque à longue portée. Il a été adapté pour tirer le missile balistique aéroporté Kh-47M2 Kinzhal, présenté comme hypersonique. Mais les succès inattendus des défenses ukrainiennes, notamment avec les batteries Patriot, ont réduit l’efficacité opérationnelle de cette arme. Ce contexte met en lumière la dépendance russe aux plateformes vieillissantes et souligne les limites des systèmes dits « non interceptables » face à une défense moderne, adaptée et réactive.

Une flotte russe vieillissante sous pression industrielle et tactique
La Russie dispose d’environ 3 600 avions militaires, dont une large part n’est plus produite, ni pleinement opérationnelle. En priorité, l’industrie défense russe est mobilisée pour soutenir les troupes au sol, ce qui limite les capacités de maintenance et de modernisation aérienne. L’imposition de sanctions technologiques occidentales depuis 2022 a entraîné une raréfaction des composants importés (capteurs, semi-conducteurs, turbines) et freiné l’entretien de plateformes complexes.
Dans ce contexte, la tactique russe s’est réorientée. L’usage des avions de chasse tactiques comme les Su-30SM, Su-35S ou MiG-29 est devenu marginal à proximité du front ukrainien. L’activité de ces appareils est restreinte à des patrouilles en retrait du front, voire à des tirs de missiles air-sol hors portée des radars.
La maîtrise ukrainienne du ciel en profondeur à travers ses radars, ses systèmes IRST et ses intercepteurs F-16 ou Mirage 2000 a rendu la zone de combat inaccessible à l’aviation russe. Depuis mi-2023, les chasseurs russes opèrent rarement au-delà des frontières russes, tandis que les forces ukrainiennes emploient même d’anciens Su-24 ou MiG-29 modifiés pour tirer des missiles occidentaux.
Cette nouvelle donne tactique impose à Moscou de se reposer sur des plateformes lointaines : missiles de croisière aéroportés, drones longue portée, bombardiers stratégiques. Dans ce cadre, le MiG-31 est l’une des rares plateformes survivantes.
Un intercepteur reconverti en vecteur balistique aéroporté
Le MiG-31 Foxhound, entré en service en 1981, est dérivé du MiG-25 et conçu pour intercepter des cibles à haute altitude, à grande vitesse. Il possède une vitesse maximale de 2,83 Mach, une altitude plafond de 20 600 mètres, et une capacité radar de suivi de 10 cibles simultanées (Zaslon-M).
Il a été adapté pour emporter le missile Kh-47M2 Kinzhal, présenté comme hypersonique, mais dont la vitesse réelle observée est inférieure à Mach 6, contre les Mach 10 annoncés. Le missile pèse environ 4 300 kg et a une portée de 2 000 à 2 500 kilomètres, selon les profils de vol.
La stratégie russe a consisté à utiliser le MiG-31 pour tirer le Kinzhal à grande vitesse depuis l’espace aérien russe. L’objectif : frapper des postes de commandement, des sites logistiques ou des batteries anti-aériennes à l’arrière du front. Mais dès 2023, les systèmes Patriot PAC-3 ukrainiens ont commencé à intercepter ces missiles de manière régulière.
Les opérateurs ukrainiens ont exploité la traçabilité radar du MiG-31 et les données d’altitude du Kinzhal pour optimiser leurs fenêtres d’interception. En réalité, le missile suit une trajectoire quasi-balistique prévisible, ce qui permet des tirs anticipés depuis des radars mobiles et distribués.
En perdant l’avantage opérationnel supposé du Kinzhal, le MiG-31 perd par la même occasion sa mission principale. Il n’est plus utilisé comme intercepteur, et son rôle dans la guerre actuelle se réduit à une expérimentation opérationnelle déclinante.

Une flotte condamnée par l’usure et l’inefficacité tactique
Entre 1981 et 1994, 519 MiG-31 ont été produits. La plupart ont été retirés du service actif ou stockés. Aujourd’hui, moins de 150 appareils seraient encore utilisables, dont une part significative dans un état partiellement opérationnel.
La durée de vie cellule estimée à 2 500 heures de vol pour les modèles non modernisés est insuffisante pour prolonger leur utilisation sans révision majeure. Or, les usines russes sont saturées par la production d’obus, de drones, de missiles sol-sol et par la maintenance d’autres avions comme le Su-34.
La Russie a exporté 50 MiG-31 à Kazakhstan, qui les a retirés du service en 2023. Un ou deux exemplaires auraient été acquis par les États-Unis à des fins d’évaluation radar. Ces informations, relayées à l’Ukraine, ont permis d’améliorer les stratégies de détection et d’interception.
L’avenir du MiG-31 dans les forces russes repose sur des choix limités : soit une modernisation coûteuse de quelques appareils (MiG-31BM), soit leur remplacement par le Su-57, encore très loin de l’entrée en service à grande échelle.
Les conséquences sont claires : la Russie peine à maintenir une capacité aérienne à long rayon d’action et à haut niveau technologique. Le MiG-31 est un avion de chasse à bout de souffle, utilisé faute de mieux, et dont la pertinence est remise en cause par la réalité du champ de bataille ukrainien.
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