Analyse détaillée du Polikarpov R‑5, avion de reconnaissance soviétique et bombardier léger : contexte, conception, performances, missions, variantes.
Le Polikarpov R‑5 est un biplan soviétique conçu à la fin des années 1920 comme avion de reconnaissance et bombardier léger. Le prototype vola en 1928, la production démarra en 1930 avec plus de 7 000 exemplaires construits. Son moteur V‑12 Mikulin M‑17B de 680 ch permit une vitesse maximale d’environ 230 km/h, une autonomie proche de 800 km, un plafond autour de 6 400 m. Employé par l’Armée rouge, il servit dans la guerre civile espagnole, la bataille de Khalkhin Gol, l’invasion de la Pologne, la guerre d’Hiver, puis comme bombardier nocturne et liaison jusque 1944. Des versions civiles (P‑5) transportèrent passagers ou fret, parfois avec conteneurs « kasseta ». Les variantes militaires incluent des modèles à flotteurs, torpilles, bombardement au sol, etc. Il fut peu à peu remplacé par le Polikarpov R‑Z modernisé.
L’historique du Polikarpov R‑5
Le Polikarpov R‑5 naît au sein de l’OKB 84 de Nikolai Nikolaevich Polikarpov, à la fin des années vingt, pour remplacer le R‑1, version soviétique d’un bimoteur britannique issu de la Première Guerre mondiale. Le prototype effectue son premier vol à l’automne 1928, motorisé par un BMW VI allemand . Après évaluations, la production débute en 1930, avec un moteur Mikulin M‑17, copie sous licence du BMW VI .
Le R‑5 devient rapidement l’appareil de reconnaissance et bombardement léger standard de l’Armée de l’air soviétique. En service dès 1931, plus de 100 régiments en sont équipés . La production dépasse 7 000 unités, chiffres confirmés par divers sources . Les versions civiles, désignées P‑5, sont produites à plus de 1 000 exemplaires pour Aeroflot et remplissent des missions de transport de fret ou de passagers .
L’histoire opérationnelle est dense : le R‑5 sert pendant la guerre civile espagnole, livré dès novembre 1936 en 31 exemplaires, rapidement relégué aux missions de nuit en raison de sa vitesse limitée . Il intervient ensuite dans la bataille de Khalkhin Gol en 1939 aux côtés des forces mongoles, puis lors de l’invasion de la Pologne et la guerre d’Hiver contre la Finlande, où il reçoit le surnom finnois hermosaha (« scie du nerf ») .
Pendant la Seconde Guerre mondiale, jusque 1944, on l’utilise comme bombardier de nuit ou appareil de liaison, faute de remplaçants modernes disponibles. Malgré son âge, le R‑5 reste utile, particulièrement lors de la défense de Moscou en 1941, où il accomplit environ 10 % des missions de bombardement nocturne.
Ainsi, le R‑5 incarne le concept d’appareil simple, robuste, en nombre, adapté à diverses missions, particulièrement en période de pénurie.
Le design du Polikarpov R‑5
Le Polikarpov R‑5 adopte une configuration classique pour l’époque : biplan à voilure inégale, une seule travée, haubanage, construit majoritairement en bois recouvert de toile, avec structure fuselage en bois et métal pour les points de consolidation.
Équipé d’un moteur en ligne V‑12 Mikulin M‑17B (licence du BMW VI), d’une puissance de 680 ch, logé dans un nez classique, réservoirs répartis dans les ailes ou la partie centrale.. Les cockpits sont ouverts, en tandem : pilote à l’avant, observateur à l’arrière selon besoin fonctionnel.
Le train est fixe, conventionnel avec roulette de queue (tail‑dragger), roues de grand diamètre pour opérations sur terrains sommaires.. La voilure est portée par montants en N, structure simple facilitant la production en série.
L’appareil peut porter un armement standard : une mitrailleuse fixe PV‑1 de 7,62 mm avant et une DA arrière sur affût mobile. La charge offensive est jusqu’à 250 kg de bombes (550 lb) selon version..
Le design privilégie la simplicité et la fiabilité : matériaux locaux, procédés faciles, maintenance rapide. L’ouverture des cockpits assure la visibilité, l’accès aisé aux instruments rudimentaires. En somme, un appareil inter‑guerres typique, pragmatique, efficace en production et en emploi.

Les performances du Polikarpov R‑5
En version standard de 1930, le R‑5 atteint une vitesse maximale d’environ 230 km/h (142 mph), un plafond opérationnel d’environ 6 400 m (21 000 ft), et une autonomie d’environ 800 km (500 miles).. Son taux de montée atteint 457 m/min (1500 ft/min)..
Les dimensions sont d’environ 10,55 m de long, 15,50 m d’envergure, et 3,25 m de haut. Masse à vide environ 2 000 kg, masse maximale au décollage près de 3 250 kg..
Ces valeurs étaient appropriées au début des années 1930. Le R‑5 s’avère facile à piloter, stable, et robuste, idéal pour reconnaissance, bombardement léger ou liaison.. Face aux chasseurs monoplans rapides apparus progressivement, ses limites en vitesse et altitude deviennent plus marquées.
En mission de nuit ou de liaison, sa faible vitesse devient moins pénalisante. La simplicité de l’appareil favorise son emploi massif, même malgré l’absence de radio, de système de navigation, ou éclairage.
Les variants du Polikarpov R‑5
Le Polikarpov R‑5 se décline en de nombreuses variantes, civils et militaires, au total plusieurs dizaines de versions .
- R‑5 : version standard de reconnaissance/bombardement, motorisée par M‑17B ou à partir de 1933 M‑17F ; environ 4 914 exemplaires .
- R‑5Sh (Shturmovik) : attaque au sol, avec quatre mitrailleuses PV‑1 sur les ailes. Utilisée notamment à Khalkhin Gol .
- R‑5a : variant hydravion à flotteurs (MR‑5), environ 111 construits en 1934‑35 .
- R‑5D : version de longue portée, un seul exemplaire .
- R‑5 Jumo : prototype d’essais moteur, cockpit arrière agrandi, aussi nommé ED‑1 .
- R‑5M‑34 : banc d’essai pour moteur M‑34.
- R‑5T : variante torpilleur monoplace, train adapté pour porter torpille ou bombe de 250–500 kg. Environ 50 produits.
- R5‑SSS : version améliorée en aérodynamique et armement, plus de 100 exemplaires entre 1935‑36 .
- P‑5 : version civile transport léger pour Aeroflot, environ 1 000 produits d’ici 1940 .
- P‑5a : version hydravion civile .
- R‑5L / P‑5L : versions passagers (Limuzin) avec cabine pour deux, produites en petits nombres en 1931 et 1933.
- PR‑5 : version modernisée semi‑monocoque à cabine fermée pour quatre passagers, 210 conversions.
- PR‑12 : monomoteur monoplan, un seul exemplaire en 1938 .
- ARK‑5 : exploration arctique, cabine chauffée, conteneurs aérodynamiques, deux exemplaires.
- LSh / TSh‑1 / TSh‑2 : différentes variantes blindées d’attaque au sol par Grigorovich, dont 1, 3 et 10 prototypes respectivement .
- ShON : version contre-insurrection, ailes pliables, environ 30 commandés, utilisés contre les rebelles basmachis .
Ce large éventail montre la souplesse de la plateforme R‑5, capable d’assumer des rôles très variés, militaires comme civils.
Les missions du Polikarpov R‑5 au combat
Le Polikarpov R‑5 connaît une longue carrière combattante. Il entre en service en 1931 . En Espagne, dès novembre 1936, 31 exemplaires arrivent auprès des républicains, mais leur lenteur les limite rapidement à des missions nocturnes.
En Mongolie, il participe à la bataille de Khalkhin Gol (1939) contre les Japonais . Puis il intervient lors de l’invasion de la Pologne (1939), puis la guerre d’Hiver contre la Finlande (1939‑40), où il hérite du surnom finlandais « hermosaha » . De nombreux appareils sont abattus ou capturés, mais aucun n’est réutilisé par les Finlandais.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, jusqu’en 1944, il reste en service en URSS comme bombardier de nuit, avion de liaison, parfois de reconnaissance, malgré son obsolescence. Au moment de la défense de Moscou en 1941, il opère encore environ 10 % des vols de bombardement nocturne.
Son usage durant les conflits policiers en Asie centrale (ShON), ou pour combattre des rebelles, montre aussi un emploi polyvalent en opérations locales.
Sur le terrain, les limitations sont soulignées par ses équipages : absence de radio, manque de lumières pour lecture de cartes, défense faible, charge limitée à environ quatre bombes… Autant de points critiques face à l’adversité.
Un dernier mot
L’exploitation du Polikarpov R‑5 s’achève progressivement dès la fin des années 1930 avec l’arrivée de modèles plus modernes comme le R‑Z, dérivé amélioré de l’architecture R‑5SSS. Toutefois, la pénurie de ressources en 1941 pousse l’URSS à exploiter encore le R‑5 pour des missions nocturnes et de liaison, jusqu’en 1944.
Son retrait du service militaire correspond à l’expansion des avions modernes (monoplans, train rentrant, blindage et radio), plus adaptés aux exigences du conflit total. Du côté civil, les versions P‑5 continuent à volerde manière limitée après-guerre, surtout en régions isolées .
Honnêtement, malgré des limites claires — vitesse modeste, absence d’équipements modernes, vulnérabilité —, le R‑5 a offert une excellente valeur dans un contexte de ressources limitées. Il a servi de plateforme fiable, polyvalente, utilisée dans de multiples rôles, des zones arctiques aux campagnes guerrières d’Europe et d’Asie. Il illustre la stratégie soviétique de massa, simplicité et adaptabilité avant l’ère des appareils sophistiqués. Sa carrière longue, jusqu’à 1944, montre sa robustesse et utilité, malgré son concept dépassé.
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